20-04-2024 01:59 AM Jerusalem Timing

Aarsal: et la bataille éclate

Aarsal: et la bataille éclate

Seize militaires libanais, dont deux officiers, ont été tués ainsi que des dizaines d’hommes armés dans ces combats, selon une source militaire.

La situation à Aarsal, localité libanaise frontalière avec la Syrie du côté Nord Est, a explosé dimanche. Tout le monde s’y attendait en effet. Ce village qui a servi de base-arrière aux miliciens des groupes terroristes extrémistes dès les premiers jours du conflit syrien, est devenu le fer de lance pour la déstabilisation du Liban, tout le Liban.

En quelques heures, des groupes armés du front al-Nosra et de l’Etat Islamique (EI) ont pris le contrôle de la totalité d’Aarsal, surplombant la région de la Békaa du Nord. Les casernes militaires de l’armée libanaise et la gendarmerie sont tombées aux mains des « soldats du calife » (le calife Aboubakr el-Badgadi nouvellement désigné à la tête de l’Etat Islamique en Irak et au Levant: ndlr).

Sans aucune peine, les miliciens précités ont investi les rues d’Aarsal et occupé toute la localité.

Dessous de l’arrestation de Jomaa

Les préparatifs de cette guerre contre l’armée libanaise étaient en cours depuis bien longtemps. L’arrestation du recherché Imad Jomaa, connu pour Abou Ahmad Jomaa, a constitué l’alibi pour le déclenchement des hostilités contre les soldats libanais déployés dans la région.

Sachant que Jomaa se déplace librement entre ce village et les monts de l’Anti Liban, où se déroulent les combats contre le Hezbollah et l’armée syrienne. L’un de ses miliciens a été blessé. Jomaa a voulu l’évacuer à l’hôpital de campagne pour se faire soigner.

Les soldats de l’armée l’ont arrêté au barrage de Wadi Hmeid et ont permis au blessé d’aller recevoir les soins. Juste après son arrestation, les 400 miliciens qui composent son groupe armé ont mené un assaut contre le village à bord de motos et de voitures transportant des miliciens et des mitrailleuses. D’autres miliciens sont sortis des camps de déplacés syriens.
 
Déclenchement de la bataille

Une fois Jomaa arrêté, le chef de l’EI au Qalamoun (région syrienne jouxtant Aarsal) a donné ses ordres pour occuper Aarsal. En quelques heures, des dizaines de miliciens armés se sont déployés dans les rues, coupé la route principale qui la lie au village voisin de Labweh, et lancé une attaque contre les positions de l’armée dans le village. 

Ils ont enlevé six soldats et posté leurs photos sur le compte de « Wilayat de Damas » (gouvernorat de Damas) sur Twitter.
Le chef de l’armée Jean Qahwaji a pourtant parlé de 13 soldats disparus qui seraient enlevés. Ensuite, les miliciens de l’EI ont attaqué la gendarmerie pour enlever les militaires.

AFP, nouveau bilan

Selon l'agence France Presse, seize militaires libanais, dont deux officiers, ont été tués ainsi que des dizaines d'hommes armés dans ces combats. (La photo montre les corps de terroristes qui ont péri dans les combats, photo postée par le site Akhbarlelnasher.com)

"L'armée a perdu seize militaires, dont deux officiers supérieurs, et il y a eu des dizaines de morts parmi les hommes armés qui ont attaqué les positions militaires à Aarsal", a déclaré une source militaire.

Obada Houjeiri, fils du cheikh Mostapha Houjeiri, connu pour Abou Taqiyeh (voir photo) et en étroite collaboration avec les groupes terroristes, dit être intervenu pour empêcher l’enlèvement des forces de sécurité. « Mon père et moi sommes intervenus par la force pour empêcher les miliciens de l’EI d’amener avec eux les forces de sécurité », indique ce recherché pour plusieurs mandats d’arrêts pour implication dans le transport de voitures piégées.

Celui-ci ajoute que les militaires ont été transportés à la maison du cheikh, malgré les menaces des miliciens de prendre d’assaut la maison pour enlever les forces de sécurité afin de les échanger avec « le commandant de la brigade de Fajr el-Islam, Abou Ahmad Jomaa ».

Et de poursuivre : « Les militaires ont été transportés à la mosquée, où ils sont protégés contre toute tentative d’enlèvement ».

Evacuer les blessés

Une source de l’EI confie au journal libanais al-Akhbar que des contacts ont eu lieu entre « la commission de la Croix Rouge » et des miliciens radicaux pour évacuer les blessés.

Attaque préméditée

Alors que cette même source prétend que l’arrestation de Jomaa a déclenché la guerre, des comptes appartenant à l’EI sur des pages de socialisation ont partagé le slogan: « L’Etat islamique s’étend au Liban ». Un titre qui a été accompagné par des informations sur « les exploits de l’EI contre l’armée des apostats libanais », avant même le lancement de l’attaque contre Aarsal.

Implication du front al-Nosra

Par ailleurs, des sources du front al-nosra affirment que le groupe a pris ses distances face au combat de l’EI contre l’armée, « mais l’armée et le Hezbollah ont insisté à transgresser la trêve et à continuer à bombarder les civils, ce qui a poussé le front al-Nosra à participer à la bataille ».

De même source, on revendique l’assaut du bataillon 85 et l’enlèvement des soldats de l’armée. Et on indique que le front al-Nosra est toujours prêt à retirer ses combattants d’Aarsal si l’armée met fin à l’opération militaire.

Houjeiri sollicite l’armée

Dans une tentative de faire pression sur l’armée et de défendre les groupes terroristes, cheikh Houjeiri (cité plus haut) a sollicité l’armée de stopper les bombardements sur Aarsal, prétendant que les victimes sont toutes des civils.

Et de poursuivre qu’il est menacé des éléments de l’EI parce qu’il les a empêchés de prendre les militaires en otage.

Une longue bataille

Aarsal est actuellement sous le contrôle des groupes armés. Une bataille de longue durée est censée seulement les chasser de cette localité qui abrite plus de 100 mille réfugiés syriens, soit le quadruple du nombre de la population. Il est difficile de prévoir des résultats décisifs.

Certes, l’armée ne peut seule trancher cette bataille, estime le rédacteur en chef du journal al-Akhbar Ibrahim el-Amine. « Si l’armée n’appelle pas à un soutien direct de l’armée syrienne et des forces du Hezbollah, elle sera face à un grand problème, surtout qu’elle est en crise sur le plan des capacités militaires mais aussi sur le plan de l’action de renseignement nécessaire dans ce cas.

Alors que son ennemi possède de grandes expertises militaires, auxquelles s’ajoutent des orientations pédagogiques qui permettent de se sacrifier face à l’ennemi. Donc, il est illogique de prévoir une bataille rapide et décisive contre ces groupes », ajoute al-Amine.

Les combats de ce lundi

L’armée libanaise tirait lundi au canon sur les miliciens camouflés dans les collines surplombant Aarsal.

Des  bruits d'armes automatiques étaient aussi entendus alors qu'un épais nuage de fumée s'élevait de la ville après qu'une station d'essence eut été touchée par des obus.

Par ailleurs, 13 soldats sont portés disparus ainsi que 20 policiers, vraisemblablement aux mains des assaillants, selon une source des services de sécurité. Elle a précisé aussi qu'au moins trois civils avaient été tués.

La source militaire a indiqué que plusieurs positions de l'armée avaient été l'objet d'attaques par les miliciens terroristes. "Elles ont toutes été repoussées sauf une. Les hommes armés ont pu y pénétrer puis ont dû en sortir car nous l'avons bombardée. Nous essayons maintenant d'y pénétrer". Toutes les positions se trouvent à la lisière de la ville.

Selon un journaliste de l'AFP, quelques centaines d'habitants, surtout des femmes et des enfants, ont quitté lundi matin à bord de pick-up et de voitures.
   
Patrouilles d'hommes en noir

La ville qui comptait 40.000 habitants avant le début du conflit en Syrie en abrite aujourd'hui 100.000 avec l'arrivée massive de réfugiés fuyant la guerre de l'autre côté de la frontière.

 "Nous n'avons pas dormi de la nuit à cause des combats. Nous sommes les derniers à avoir pu quitter la ville car les hommes armés nous empêchent de  partir. Ils ont tiré au dessus de nos têtes", a affirmé à l'AFP Ahmad Houjairy, 55 ans, à bord d'un pick-up transportant une quinzaine de ses enfants et ceux de son frère, âgés de 1 à 17 ans.

"Les hommes armés appartiennent à différentes nationalités et sont très bien organisés. Habillés en noir, ils effectuent des patrouilles dans la localité", a-t-il ajouté.

Une source militaire a affirmé qu'à Aarsal, des hommes armés, cagoulés étaient sortis samedi de camps de réfugiés à la lisière de la ville, pour attaquer l'armée.

Le Premier ministre Tammam Salam a qualifié l'attaque "d'assaut contre l'Etat libanais" et l'ancien Premier ministre et dirigeant sunnite Saad Hariri a assuré que l'armée "était une ligne rouge".

 Damas soutient l'armée  

La Syrie a exprimé son soutien à l'armée libanaise dans son combat contre les groupes extrémistes et terroristes. "La Syrie affirme son soutien et sa solidarité avec l'armée libanaise pour faire face aux groupes terroristes et les anéantir", a indiqué un responsable du ministère syrien des Affaires étrangères, cité par l'agence Sana.

"Les crimes et agressions terroristes menées à Aarsal et ses environs contre les civils et les positions de l'armée libanaise, nécessitent de fournir une aide et un soutien à l'armée libanaise dans son combat contre le terrorisme takfiri (sunnites extrémistes)", ajoute le ministère syrien.

"La Syrie dénonce les agressions terroristes planifiées (...) menées par les groupes terroristes, à leur tête les branches d'Al-Qaïda, l'Etat islamique et le Front al-Nosra, visant la sécurité et la stabilité au Liban frère", poursuit le responsable.

"La Syrie a maintes fois mis en garde contre le terrorisme (...) qui s'étendra dans toute la région si l'on ne contraint pas les pays qui le soutiennent à cesser le financement, l'armement et l'entraînement des groupes terroristes", indique le ministère.

"Faire face au terrorisme qui frappe la Syrie, l'Irak et le Liban, c'est défendre la sécurité et la stabilité de la région", assure le responsable syrien.
Pour sa part la presse syrienne a critiqué la politique de neutralité menée au Liban face au conflit sanglant en Syrie.

 "Au Liban frère qui a essayé de rester éloigné (de la crise syrienne...), les événements sanglants d'Aarsal ont montré qu'il était absolument impossible de rester neutre face au terrorisme et que les crimes terroristes n'excluent personne", a écrit le journal gouvernemental Techrine.

Le quotidien du parti au pouvoir al-Baas, affirme de son côté que "la politique de neutralité (libanaise) est la principale cause des événements survenus au Liban en général et à Aarsal et à Tripoli en particulier".