29-03-2024 07:06 AM Jerusalem Timing

Négociations nucléaires: 6 jours de huis clos dans un magnifique palace

Négociations nucléaires: 6 jours de huis clos dans un magnifique palace

Impressions d’un journaliste de l’AFP, qui attend l’issue des négociations sur le programme nucléaire iranien:L’Iranien Mohammad-Javad Zarif sourit tout le temps. Quelle que soit la température des négociations.

Ils se sont parlé, disputé, croisé pendant six jours, enfermés dans un magnifique palace surplombant le Lac Léman, offrant une vue à couper le souffle sur les montagnes suisses. Six longs jours et soirées dont l'issue sera connue dans les heures qui viennent.
   
Unité de lieu, de temps et d'action: n'eut été l'enjeu de la négociation, c'est une véritable pièce de théâtre, entre drame et vaudeville, qui s'est aussi jouée au palace Beau-Rivage, un hôtel du 19e siècle qui a abrité d'illustres hôtes, de Victor Hugo à Nelson Mandela en passant par Coco Chanel ou Charlie Chaplin.
   
Rencontres impromptues, portes dérobées, coups de théâtre: les ministres et les négociateurs des grandes puissances et de l'Iran ont joué toute la partition, dans une atmosphère permanente de "montagnes russes", selon la formule d'un diplomate.
   
Parfois, l'action se transportait à l'extérieur, sur les rives du Lac Léman où l'Américain John Kerry pédalait pour évacuer la tension, et où l'on a pu apercevoir le Chinois Wang Yi faire un jogging en survêtement blanc, image impensable à Pékin, où la vie privée des dirigeants est un secret d'Etat.
   
On pouvait aussi croiser à la terrasse d'un restaurant du petit port de plaisance en bas de l'hôtel le décontracté secrétaire américain à l'Energie, Ernest Moniz, casquette sur son abondante chevelure blanche et long imper à la Colombo.
   
  

"Pas de salamalecs"
 

Atmosphère surréaliste et harassante. Car les négociateurs n'ont pas chômé pendant ces six jours de négociations acharnées et de réunions marathon, jour et nuit. Epiés, harcelés, par plus de cent journalistes en quête désespérée d'informations sur l'état d'avancement de négociations susceptibles de modifier, peut-être, la face du monde.
 
 "Vous n'avez donc pas de vie? ", a lancé John Kerry à de malheureux reporters l'attendant lundi soir dans le froid à la sortie d'un restaurant de l'hôtel. "En fait, vous avez une meilleure vie que la nôtre", a-t-il repris en souriant.
   
Car les ministres sont aussi des hommes. Ainsi, le Français Laurent Fabius, souvent austère et cassant, peut faire rire ses interlocuteurs, en évoquant, pince-sans-rire, "l'ambiance chaleureuse, amicale et détendue" qui règne actuellement au Proche-Orient.
   
Ernest Moniz offre des cadeaux pour le petit-fils tout juste né du chef de l'Organisation iranienne de l'Energie atomique Ali Akbar Salehi, grand-père pour la première fois. Les deux hommes se connaissent bien: ils ont étudié ensemble au MIT de Boston dans les années 70.
   
Et même entre les négociateurs qui ne s'entendent pas vraiment (il y en a), des liens se sont noués. En un an et demi de tractations acharnées, de Genève à Lausanne en passant par Vienne et New York, ils ont appris à se connaître.
   
"Une vraie relation de travail s'est nouée. Ce ne sont pas des salamalecs entre diplomates, ils se disent les choses, et ils savent aussi qu'ils ne sont pas là pour se faire mordre la poussière mutuellement, mais pour trouver une solution", raconte une source proche des négociations.
   
Ce qui n'empêche pas la stratégie et les coups de bluff, dans cette gigantesque partie de poker qui dure depuis 2013. Et les déclarations publiques et privées n'ont pas toujours la même tonalité, suivant leur destinataire -intérieur ou extérieur -.
   
L'Iranien Mohammad-Javad Zarif sourit tout le temps. Quelle que soit la température des négociations. C'est un redoutable négociateur, qui connaît son sujet nucléaire sur le bout des doigts. A tel point qu'un diplomate confie avoir des "sueurs froides" lorsque son ministre est seul face à face avec l'Iranien...
   
Cette négociation, "c'est un peu je te tiens tu me tiens par la barbichette: tel pays dit je suis prêt à lâcher sur A à condition que vous me donniez B", raconte une autre source.
Qui se dit confiante sur l'issue et la "capacité d'imagination" des diplomates pour venir à bout des pires difficultés.