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Dangers imaginaires et réseaux impériaux : comment le Pentagone voit le monde

Dangers imaginaires et réseaux impériaux : comment le Pentagone voit le monde

Alors que Trump a critiqué les interventions des Etats-Unis dans le monde, Carter affirme que l’Amérique est le «garant de la sécurité mondiale» grâce à son «vieux réseau d’alliés et de partenaires ..

Le développement par les Etats-Unis, un peu partout sur la planète, de leurs «réseaux», n’a rien à voir avec de prétendues menaces, mais avec l’imposition de leur modèle, selon Nebosja Malic de l’institut d’études serbes R. Archibald Reiss.

Le monde est menacé par la Russie, la Chine, la Corée du Nord –  par l’Etat islamique aussi – et l’Amérique, soutenue par ses loyaux alliés partout dans le monde, est son seul espoir. Voici comment le Pentagone, avec Hillary Clinton en tête, voit le monde.

Le Secrétaire américain de la Défense Ashton «Ash» Carter a exposé sa vision des défis stratégiques de l’Amérique lors d’une conférence au Center for New American Security (CNAS) lundi 20 juin à Washington D.C. Alors que le chef du Pentagone a déclaré qu’il serait «extrêmement prudent et ne commenterait pas les élections présidentielles», le contenu de sa présentation privilégiait clairement la ligne de l’establishment soutenue par Clinton et menacée par «l’Amérique d’abord» de Donald Trump.


Alors que Trump a critiqué les interventions des Etats-Unis dans le monde, Carter affirme que l’Amérique est le «garant de la sécurité mondiale» grâce à son «vieux réseau d’alliés et de partenaires aux quatre coins de la planète».

Ce n’est pas faux. Lundi 20 juin, les Etats-Unis comptaient alors 187 000 soldats déployés dans 140 pays, selon le chef du personnel militaire, le général Mark Milley. Le Département américain de la Défense a découpé le monde en six «commandements de combat». Le Pentagone est tellement occupé à occuper le monde que le gouvernement américain a dû créer un Département de la sécurité intérieure à part à la suite des attentats du 11 septembre.

Toute la présentation était concentrée sur le mot «réseau», du début à la fin. Les mots «réseau» ou «entretenir un réseau» sont apparus pas moins de 60 fois dans le discours de Carter.

Carter a décrit l’OTAN, l’alliance militaire établie en 1948 sous l’égide des Etats-Unis, comme «l’exemple quintessentiel de nations coopérant, entretenant un réseau entre elles pour répondre aux défis dans le domaine de la sécurité». Non seulement les Etats-Unis n’ont pas dissous cette alliance à la fin de la Guerre froide, mais ils sont également en train d’essayer d’établir son équivalent en Asie de l’Est, à en juger par la présentation de Carter.

L’OTAN et d’autres «réseaux» d’alliés des Etats-Unis à travers le monde sont basés sur des principes, des standards et des idéaux, a affirmé le chef du Pentagone citant comme exemples «la résolution pacifique des conflits» et «s’assurer que les pays font leurs propres choix en économie comme dans le domaine de la sécurité, libres de toute contrainte ou intimidation». Demandons aux peuples de Serbie, de Libye ou à la population kurde en Turquie ce qu’ils pensent de la propension de l’OTAN à résoudre pacifiquement les disputes.

En ce qui concerne la sécurité et les choix économiques, regardez ce qu’il est arrivé aux pays qui ont fait des choix qui ne suivaient pas la ligne de Washington – la Yougoslavie (ou plutôt l’ex-Yougoslavie), la Libye (désormais en état de déliquescence), la Syrie (désormais en ruines) et l’Ukraine, où le gouvernement qui a choisit d’entretenir de bonnes relations avec la Russie a été renversé dans un coup d’Etat et remplacé par des nazis qui envoient des chars pour écraser la dissidence. Mais non, ce sont des réformateurs démocratiques et la résistance à leur «opération anti-terroriste» est vraiment «une agression russe», comme ne cesse de le répéter Carter en espérant écarter toute pensée rationnelle.

Voyez-vous, quand l’OTAN amasse son armada près des côtes russes ou le long de la frontière russe, c’est de la «dissuasion», de la défense et une «garantie de sécurité», mais quand les avions russes volent au-dessus de ces navires ou planent à 160 km de la côte californienne, ce n’est «pas un comportement professionnel», c’est une «agression».

L’OTAN a passé ces 25 dernières années à marcher vers l’Est, avalant les «Etats» découpés sur les cartes de la Yougoslavie et de l’URSS de façon qu’elle est désormais assise sur le seuil de la porte de la Russie – pourtant, dans l’univers inversé de Carter, c’est l’OTAN qui est menacée par «l’agression russe».

Bienvenu dans la logique du Pentagone, dans ce monde à l’envers où l’OTAN détruit des pays par caprice dès lors que les «organisations non gouvernementales» américaines n’arrivent pas à renverser leurs gouvernements lors de révolutions de couleur et que cela est considéré comme la défense de «un ordre international régi par des principes» et que toute résistance à ce type de schémas est perçue comme une «agression» ou un «mauvais comportement».

De peur que vous pensiez que je me projette de la même façon que Carter le fait, la Russie était en réalité le premier des cinq «défis» sur la liste du chef du Pentagone qu’il a énumérée lors de sa présentation au CNAS, devant la Chine, la Corée du Nord, l’Iran – et seulement après ces quatre-là, presque comme une arrière pensée, l’Etat islamique. Même quand Carter en est venu à parler du Moyen-Orient, il a cité l’Iran en premier. Pour lui, l’Etat islamique est un cancer avec une «tumeur parente» qui doit être vaincue en Irak, en Syrie et avec des «métastases» dans d’autres endroits, ce qui signifie que Washington considère que la lutte contre le faux califat est sans fin. C’est une mauvaise nouvelle pour les victimes de l’Etat islamique, mais une excellente nouvelle pour les «entrepreneurs de la Défense» américaine et leur place dans la file d’attente pour l’abreuvoir alimenté par les contribuables.

En septembre 2015, après un an de bombardements par la coalition menée par les Etats-Unis – un des «réseaux» de Carter – l’Etat islamique ne semblait même pas être gêné [dans son expansion]. La modeste force expéditive de la Russie a été déployée en Syrie en octobre et en un mois les coupeurs de têtes ont commencé à prendre la fuite. Mais si l’on écoute Washington, la Russie «aidait les djihadistes et bombardait les «bons démocrates» de l’opposition syrienne soutenue par les Etats-Unis».

Alors que beaucoup d’Américains – y compris Trump – ont déclaré être contents de voir que la Russie avait décimé les terroristes, les représentants américains ont insisté sur la contre-productivité des frappes russes, sur le fait qu’elles ciblaient des civils ou qu’il n’y avait tout simplement pas de frappes russes. Selon le Pentagone, cela est dû au fait que chaque réseau régional (encore ce mot) a besoin d’«une nation et d’une armée puissantes» - ce qui signifie évidemment les Etats-Unis, et non la Russie, la Chine ou n’importe qui d’autre.

Ce n’est pas un hasard si Carter a donné ce discours au CNAS. Le think tank créé en 2007 a inspiré la politique étrangère et a fourni des conseils en matière de sécurité à l’administration d’Obama – tout cela au service de l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.

Plus récemment, en mars 2016, le CNAS a publié un pamphlet intitulé «Renforcer la puissance des Etats-Unis : les stratégies pour étendre la sphère d’intervention des Etats-Unis dans un ordre mondial compétitif», prônant ce qui est écrit sur l’emballage. L’un de ses auteurs n’est autre que Robert Kagan, co-auteur de la célèbre doctrine de l’«hégémonie mondiale bienfaisante» de 1996 – et époux de Victoria Nuland, connue pour avoir soutenu le coup d’Etat de Kiev.
 

   

 

 
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