25-04-2024 01:51 PM Jerusalem Timing

Purges en Turquie: le pouvoir appelle au calme la foule de ses partisans

Purges en Turquie: le pouvoir appelle au calme la foule de ses partisans

Les purges ont notamment conduit à la garde à vue de plus de 10.410 militaires, juges, fonctionnaires, et au placement en détention de 4.060 personnes, dont plus de 100 généraux et amiraux

Le pouvoir turc a exhorté au "calme" ses partisans, qui descendent chaque soir par dizaines de milliers dans les rues, et leur a demandé vendredi de se garder de tout esprit de "vengeance" contre les putschistes du 15 juillet.
   
"La Turquie, un Etat de droit, n'agit pas par vengeance. Elle ne fait pas ce qu'ils (les putschistes) ont fait", a lancé le Premier ministre Binali Yildirim, lors d'une visite de sites bombardés par les auteurs de la tentative de putsch qui, il y a une semaine, a fait 265 morts, dont 24 mutins.
   
Certes, "des comptes seront demandés pour chaque goutte de sang versée", mais "Que nos concitoyens restent calmes", "Ne cédez à aucune provocation!", a demandé le chef d'un gouvernement qui a décrété jeudi l'état d'urgence, pour la première fois depuis près de quinze ans.
   
La nuit du putsch, le président Recep Tayyip Erdogan avait appelé les Turcs à descendre en masse dans les rues pour faire pièce aux putschistes. Depuis, chaque soir, à Istanbul, Ankara, Izmir (ouest) et les autres villes du pays, son "peuple héroïque" chante ses louanges et scande sa haine des "traîtres", sourd aux inquiétudes sur des purges massives.
   
  Rassemblement place Taksim
   
Jeudi soir, drapeaux turcs au vent, en famille ou entre amis, ils ont bloqué le pont enjambant le Bosphore, symbole de l'échec du coup d'Etat puisque c'est là que des militaires se sont rendus à l'aube du 16 juillet, premier signe tangible de leur débâcle.
   
Dimanche, c'est un autre lieu emblématique d'Istanbul, la place Taksim, qui devrait accueillir des milliers de personnes, le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan semblant devoir s'associer à un appel de la principale formation d'opposition, le CHP (social-démocrate).
   
Nulle trace de compassion pour les putschistes lors de ces rassemblements, comme en témoignent les pantins pendus sur une potence que l'on peut parfois y voir. L'inquiétude exprimée par les chancelleries occidentales - Berlin a encore dit vendredi son opposition à des avancées dans les négociations d'adhésion à l'Union européenne - n'y trouvent pas d'écho.
   
Les purges ont notamment conduit à la garde à vue de plus de 10.410 militaires, juges, fonctionnaires, et au placement en détention de 4.060 personnes, dont plus de 100 généraux et amiraux, une proportion importante de la hiérarchie d'une armée confrontée à la guérilla du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est d'une part et à l'organisation de l'Etat islamique (EI) de l'autre.
   
Il leur est reproché d'avoir fomenté ce putsch pour le compte du prédicateur exilé aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, accusé par Ankara de diriger un réseau "terroriste" et dont l'extradition devrait être bientôt demandée formellement.
   
  L'inquiétude du parti prokurde
   
L'état d'urgence proclamé pour trois mois va offrir de nouvelles armes pour la riposte engagée depuis une semaine. Le gouvernement a assuré que les citoyens ne seraient pas affectés dans leur vie quotidienne et a exclu le couvre-feu. Mais un suspect devrait pouvoir rester en garde à vue jusqu'à "sept-huit jours", voire plus, a prévenu le ministre de la Justice Bekir Bozdag.
   
Selon les médias locaux, des tribunaux spéciaux pourraient être créés pour juger les putschistes présumés dont les biens feront l'objet de saisies jusqu'à la fin de l'enquête.
   
Des licenciements sans indemnités menaceraient les fonctionnaires ayant un "lien direct avec FET", acronyme utilisé par le pouvoir pour désigner l'organisation de Gülen, qui nie toute implication.
   
Les centaines d'écoles et fondations gulenistes seront fermées, poursuivent les quotidiens. Un système d'éducation qu'un responsable de l'AKP a qualifié de "structure clandestine et ésotérique".
   
Dans un entretien à l'AFP, le patron du principal parti prokurde, Selahattin Demirtas, a exprimé son inquiétude, rappelant que son opposition aux putschistes, n'enlevait rien à celle à Erdogan.
 "Si le pouvoir commence à interdire les discours, les manifestations ou les organes de diffusion de l'opposition sous couvert d'opération contre les putschistes, si le pouvoir s'en prend aux forces démocratiques et d'opposition, nous comprendrons très vite que l'utilisation de l'état d'urgence est faite de manière abusive", a-t-il dit.
   
Vendredi, l'armée américaine a annoncé le rétablissement du courant, qui avait été coupé le 16 juillet par les autorités turques, sur la base aérienne d'Incirlik utilisée par les Etats-Unis et la coalition contre l'EI.
   
Plusieurs officiers turcs de la base ont été arrêtés, soupçonnés d'avoir pris part à une mutinerie où l'aviation a joué un grand rôle.