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Le front al-Nosra: le Jihad pour la prise du pouvoir en Syrie!

Le front al-Nosra: le Jihad pour la prise du pouvoir en Syrie!

Une longue étude a été effectuée par un ancien moudjahid en Afghanistan, d’origine libyenne, Noman Benotman et Roisin Blake.

Le puissant groupuscule de la ligne dure islamiste, le front Al-Nosra, lié à AlQaïda, cherche à créer un nouveau mouvement islamiste en Syrie dans la perspective d'instaurer un califat". C'est ce qu'a révélé une étude stratégique publiée par Quilliam Foundation le 8 janvier dernier. Considéré comme le groupe extrémiste le plus actif qui combat le régime de Bachar elAssad, avec 5000 éléments, le front Al-Nosra a une stratégie à court-terme essentiellement militaire, même si des préparatifs à long-terme sont en cours pour mettre en place un groupe de soutien humanitaire et se doter d'armes lourdes.

Il existe un certain nombre de similitudes entre le front Al-Nosra et al-Qaïda en Irak, ce qui sert de preuve sur l'histoire commune des deux organisations dans le début des années 2000", souligne cette étude stratégique effectuée par Noman Benotman et Roisin Blake. 

"Durant les 22 mois qui ont suivi l'éclatement de la crise syrienne, le conflit s'est transformé en une guerre par procuration, avec plusieurs objectifs définis par la politique étrangère des différents pays qui se battent sur le terrain. Un certain nombre de groupes rebelles ont émergé, et depuis, les préparatifs sont en cours pour une Syrie post-Assad, pour laquelle ces  groupes rivalisent afin de la dominer, profitant de l'aide internationale", expliquent les auteurs de ladite étude, qui disent entre autre:

 "Le front Al-Nosra figure parmi les rares groupes rebelles qui se battent selon des motifs  idéologiques et djihadistes. La plupart des groupes rebelles se concentrent principalement sur la question d'un changement politique au sein du gouvernement. Bien que tous les groupes rebelles aient le même objectif dans leur lutte contre le régime, il semble que de graves divergences émergent entre eux au niveau des objectifs et ces divergences éclateront suite à la chute prévue d'Assad.

La plupart des rebelles pro-démocratie sont en faveur d’une intervention internationale pour aider à la création d'un Etat démocratique en Syrie. Cependant, l'absence d'une intervention internationale a créé un sentiment d'abandon chez les citoyens du pays, qui sont de plus en plus conscients de l'échec du plan de la coalition internationale.  Ceci a conduit à un soutien public plus accru pour les groupes djihadistes, comme le front Al-Nosra, considérés comme une force efficace.

" Le Front Al-Nosra rejette l'idée de demander à la communauté internationale d'intervenir dans sa lutte contre Assad, puisque ceci équivaut à accepter et encourager l'impérialisme occidental. Ils craignent aussi que l'intervention internationale ne subvertisse leur plan à long terme, celui de l'établissement d'un Etat islamiste en Syrie", souligne-t-on encore dans cette longue étude.
La plupart des cadres du front al-Nosra faisait partie du réseau djihadiste d’Abou Mossab elZarqaoui, responsable d’alQaïda en Irak début l’an 2000. Une fois arrivé à Bagdad en 2002, Zarqaoui a dépêché des éléments essentiels de son groupe en Syrie et au Liban pour construire des branches militaires djihadistes dans ces deux pays.

En 2007, la Syrie a assassiné Sheikh Abu al-Qaqaa, un cadre islamiste pour son rôle dans l’envoi de suicidaires en Irak.  Avant même que le front al-Nosra ne voie le jour, les dirigeants radicaux du groupe de Zarqoui, tel que Abou Mohammad al Julani. Ce groupe rejetait le principe des frontières entre les pays islamiques et croyait à la nécessité d’établir un caifat qui gouverne tous ces pays.

Le Front Al-Nosra a entamé son action par un certain nombre de rencontres tenues entre Octobre 2011 et Janvier 2012  dans la campagne de Damas et Homs. Lors de ces premières réunions, les cinq principaux objectifs du groupe ont été déterminés:
 1. La création d'un groupe qui inclut de nombreux groupes djihadistes actifs, en les reliant dans une seule entité cohérente.
 2. Le renforcement et la consolidation du concept de la nature islamiste du conflit
3. Le renforcement des capacités militaires du groupe, en saisissant les opportunités pour collecter des armes et entrainer les recrues.
4. La création d'un Etat islamique en Syrie
 5. L'instauration d'un califat dans le Levant.

Le front al-Nosra œuvre actuellement pour la réalisation d’anciennes prophéties islamiques basées sur les hadihts du prophète et selon lesquelles la Syrie ou le Levant sera le centre de la renaissance de l’Islam et que le camp des musulmans sera présent à Damas le jour du Jugement Dernier. Ce groupe islamiste a saisi l’opportunité de la guerre en cours en Syrie pour essayer de réaliser ces prophéties.

Alors que le chaos règne dans les rangs de l’armée syrienne libre, formée de plusieurs groupes militaires de différentes obédiences politiques ou religieuses, le front al-Nosra est composé de personnes expérimentées, compétentes et des apprentis ayant tous un plan clair.  C’est aisni que ce groupe est devenu le plus efficace sur le terrain bien qu’il ne soit pas le plus grand.

La stratégie de ce groupe est basée sur quatre facteurs essentiels :
1- l’interprétation des prophéties religieuses.
2- les leçons tirées de son expérience en Irak.
3- des idées puisées du printemps arabe
4- la relation compliquée avec la communauté internationale.

Pour le front al-Nosra, la révolution syrienne est une affaire islamique, qui a des racines dans les textes religieux et coraniques qui insistent sur la notion du jihad, et sur la vertu des peuples du Levant (bilad es Sham). Les combattants cherchent ainsi à devenir le peuple honorable mentionné dans les hadiths à travers l’instauration du califat selon la volonté divine.
Mais à l’instar des autres groupes islamiques, il ne semble pas que le front al-Nosra ait une vision différente sur la structure de l’Etat. Pour lui, il suffit de garder la même structure actuelle mais en la dotant d’un aspect islamique.

Concernant les leçons tirées de la guerre sur l’Irak, le front al-Nosra a opéré quelques modifications dans son discours public afin de préserver sa popularité. Toutefois, la doctrine reste la même. La stratégie actuelle annoncée de ce groupe consiste à :
1- N’attaquer essentiellement que des cibles militaires, minimiser les pertes dans les rangs des civils, et épargner les lieux saints pour ne pas porter atteinte à son image.
2- Ne pas recourir à l’utilisation des termes sectaires tels que les Kouffars (ou apostats) en parlant des alaouites, des chiites, des soufis…
3- Ne pas agir sous le nom d’alQaida pour éviter les préjugés portés contre ce groupe.

Il semble que l'objectif de ce groupe est de présenter ses idées étape par étape dans l'espoir de maintenir le soutien populaire, car il craint un soulèvement à l'irakienne des tribus sunnites. LE front al-Nosra s’attend à un retour de bâton contre eux en Syrie, dirigé par l'Arabie saoudite et un éminent dignitaire religieux syrien wahhabite.

Le printemps arabe a affecté la stratégie du front al-Nosra. Pour lui, aucun changement majeur n’a été effectué au niveau des gouvernements en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Yémen.

Les cadres de ce groupe sont particulièrement déçus que les djihadistes libyens aient été contrariés dans leurs tentatives d'établir un état islamiste dans le pays, imputant la responsabilité de cet échec à l'ingérence de l'Occident. Pour cette raison, le front al-Nosra considère que la seule voie vers la victoire et la défaite militaire du régime, suivie par la mise en place d'un gouvernement islamiste basé sur la charia est de lutter seul jusqu’à la fin. Ils ne veulent pas négocier avec d'autres acteurs pour ne pas perdre le contrôle de la situation.

Jabhatal-Nusra (ou le front al-Nosra) ne veut pas bannir la communauté internationale, car cela ne fera qu’aider Assad. Dans le même temps il ne peut pas accepter l'ingérence internationale, car elle empêchera l'établissement d'un Etat islamiste. C'est une question très compliquée : d’une part, son idéologie ne permet pas la coopération avec les occidentaux, et de l’autre, il serait contre-productif de fragmenter l'opposition au moment où les intérêts de ses différentes composantes convergent.

Pratiquement, le front al-Nosra adopte une stratégie de guérilla urbaine-rurale, prenant le contrôle des banlieues des villes principales pour lancer des attaques contre des cibles gouvernementales, mais aussi contre des cibles civiles. Ces attaques urbaines sont basées sur le terrorisme politique, ayant pour objectif de semer le chaos et l’insécurité, et de détruire la légitimité du régime d’Assad par la peur.

Le Front al-Nosra est engagé dans deux aspects d’activité non militaire :
- Une mission religieuse qui consiste à prêcher sa propre explication de l’islam (al-Da’wa)
- Une action humanitaire qui consiste à distribuer du pain, du gaz, et des couvertures.

 En prélude à la chute du régime syrien, ce mouvement a déjà adopté une stratégie de deux volets :

- Regrouper toutes les forces djihadistes sous un même commandement pour créer une nouvelle équation : « les djihadistes contre le reste des gens ».
- Accepter un éventuel afflux de nouveaux combattants d'Irak, ce qui entrainera en fin de compte  une augmentation de la violence.
 
 
A l’intérieur de l’organisation

La structure militaire

Jabhat al-Nusra (JN) compte environ 5000 éléments officiels, avec plusieurs autres milliers de membres potentiels et des djihadistes indépendants qui luttent avec eux. La structure du groupe varie en fonction de l'emplacement géographique des combattants au sein de la Syrie. A Damas, où la tactique de guérilla urbaine est utilisée, l'organisation est divisée en cellules, puisque cela diminue les chances de détection. A Alep, cependant, le groupe peut être organisé selon des lignes militaires semi-classiques, avec des brigades, des régiments et des pelotons luttant ensemble contre les forces du régime.

Le groupe a commencé son action sous forme d’une série de cellules alors que le gouvernement était encore fort, utilisant un faible niveau de la tactique de la guérilla urbaine, comme les assassinats et les voitures piégées, et ce, pour des raisons de sécurité. Cependant, depuis lors, le groupe s'est formé en pelotons beaucoup plus importantes dans certaines régions, modifiant leur structure pour s'adapter à la nature changeante de la guerre.

Aujourd’hui, le front al-Nosra possède des armes lourdes, et exécute ses activités depuis des «salles d'opération» dans les zones rebelles. Ces salles d'opération sont situées généralement dans des anciennes installations civiles, par exemple une salle de mariage dans un quartier d'Alep utilisée pendant plusieurs mois en tant que centre de planification d’attaques. Ces chambres sont très utiles pour la planification des opérations régionales, ce qui permet aux éléments du front al-Nosra d’être plus efficaces.

Les autres branches du groupe comprennent l'artillerie lourde et les brigades de défense aérienne. Il est rare d'avoir de telles armes lourdes chez un groupe djihadiste, et c'est peut-être la preuve sur l’objectif à long terme du front al-Nosra de former une armée permanente. Les opérations du front al-Nosra se divisent en deux catégories: amniya («sécuritaires») et Askariya («militaires»). Les opérations sécuritaires ont lieu principalement à Damas alors que celles militaires sont exécutées dans d'autres zones du pays. D'après les déclarations officielles du groupe, on remarque une importante évolution dans les objectifs et les tactiques de ces deux types d’opération. La principale différence entre les deux concerne les unités qui les exécutent.

Cela semble démontrer que nous assistons à la construction de structures de sécurité à travers le pays, et que le groupe s'adapte à l'évolution du conflit, et se prépare pour l’après-Assad en prenant des mesures qui séparent les services de sécurité des structures de l'armée.


Structure religieuse

Jabhat al-Nosra est formé d’une hiérarchie des organismes religieux, avec à sa tête un petit conseil consultatif (Majlis al-Shura), qui prend des décisions en son nom. Toutefois, ce groupe ainsi que d'autres groupes rebelles souffrent d’un manque de dignitaires religieux qui dirigent la prière et répandent leur message religieux. Pour cette raison, les imams d’autres pays sont appelés à venir de l'étranger vers la Syrie pour assumer cette responsabilité.

Le conseil consultatif comprend le grand mufti (al-qadi al-A'am), Abou Moussab al-Qahtani, qui serait de nationalité saoudienne. Toutefois, certaines sources disent que le mufti du front al-Nosra est un ressortissant irakien de Mossoul, nommé Maysar Ali Moussa. De toute façon, le grand-mufti n'est que le chef religieux de la Syrie orientale. Le personnel religieux joue également un rôle important dans le leadership régional, chaque région ayant un commandant et un cheikh. Le cheikh supervise le commandant d'un point de vue religieux et est connu comme étant le commissaire religieux (al-dabet shar'i). Le commissaire religieux d'Alep, cheikh  Ammar, (nom de guerre d'Abou Mohammed al-Halabi) était un homme très influent dans la ville. Il dirigeait la prière du vendredi et prêchait le message djihadiste avant qu’il ne soit tué à Alep en Décembre 2012.

Le Front al-Nosra a également établi des tribunaux religieux à travers lesquels il règle les différends entre les membres du groupe et prononce les sentences contre les prisonniers.  Ces tribunaux jouent un rôle important dans le maintien de l'ordre public. Nous avons reçu des rapports d’un juge ayant condamné un commandant à plusieurs coups de fouet pour avoir faussement accusé un combattant de liens vers les Shabiha (les forces pro-Assad : ndlr). Le commandant a été puni en présence d'un nombre de combattants pour prévenir des incidents similaires. Les tribunaux appliquant la charia du front al-Nosra sont également ouverts aux civils syriens, et des personnes non membres du groupe viennent demander conseil au tribunal sur des questions personnelles. L'Armée syrienne libre (ASL) a récemment adopté une structure juridique similaire, désignant un élément pour expliquer les avantages de l'établissement d'un tel tribunal comme un moyen de maintenir la loi et l'ordre.
 
Le chef du front al-Nosra

Le chef du groupe est Abou Mohammad al-Julani. Une source djihadiste nous a confirmé que son nom reflète ses liens familiaux avec la zone du plateau du Golan qui n'est pas sous occupation israélienne. On rapporte que dans les réunions du front al-Nosra, celui-ci couvre toujours son visage.  Al-Julani entretenait des liens étroits avec Abou Moussab al-Zarqaoui, ancien chef d’Al-Qaïda en Irak. Les éléments du groupe ne connaissent pas grand-chose sur leur leader.

Cette tactique d’isolement est la même adoptée par Al-Qaïda en Irak, où ses dirigeants restent loin des médias, et prennent des mesures de sécurité strictes pour leurs déplacements. Bien que l'identité d'Al-Julani reste non confirmée, une enquête menée sur  l'ancien réseau d’al-Zarqaoui a permis de réduire les candidats possibles à une seule personne, en utilisant le processus d'élimination : Cet homme mystérieux a été tué à deux reprises, en Irak en 2006 et en Syrie en 2008 ! On ne peut trancher si sa nationalité est irakienne ou syrienne.

Les deux experts que nous avons consultés, une journaliste et l'autre un fonctionnaire à la retraite dans les services de renseignements en Irak, ont partagé notre constat sur l'identité d'Al-Julani. Tous les deux ont fait part d’une ambiguïté sur le sort de cet homme, et se sont dit non convaincus de la nouvelle de sa mort. 

Recrutement et formation

Jabhat al-Nosra ou front al-Nosra est très sélectif sur le choix de nouveaux membres, exigeant une «tezkiyya», ou l'assurance personnelle, à partir de deux commandants sur le front indiquant que la recrue a les compétences, l'engagement religieux et l'attitude nécessaire pour rejoindre le groupe. La première étape pour devenir membre est de combattre sur la ligne de front.

Pendant ce temps, les recrues potentielles sont testées pour leur bravoure, le dévouement et la fidélité à l'idéologie du groupe. Pour cette raison, le front al-Nosra a connu un tel succès. D'autres groupes rebelles comme l'Armée syrienne libre ont une politique de recrutement de masse qui les fait paraître forts, mais qui les laisse réellement chaotiques et désunis.
Il existe une forte présence de combattants arabes dans les rangs du groupe, venus de plusieurs pays. Au début du conflit, les Africains du Nord représentaient une grande partie des combattants étrangers en Syrie, mais ces derniers mois, un grand nombre de combattants sont venus des pays du Golfe pour rejoindre le front al-Nosra.  

Un certain nombre de sections (seraya) du front al-Nosra font référence aux nationalités de ses combattants. C’est ainsi que Seraya al-Tuaanisa concerne les combattants venus de Tunisie. Un peloton mono-ethnique existe aussi pour les Tchétchènes. En effet, les unités à nationalité unique sont souvent créées pour construire un groupe jihadiste de base qui serait  ramené ensuite à son propre pays. Bien que l’unité à nationalité unique soit à l'encontre de la notion islamique de l’Oumma, elle est utilisée pour exporter l'idéologie djihadiste, et ainsi servir les objectifs plus larges du djihadisme.

Un grand nombre de djihadistes irakiens ayant des liens avec Al-Qaïda se trouvent dans la région de Deir Ezzor, dont certains commandants. Les Irakiens et les Jordaniens constituent le corps principal des étrangers qui se battent avec al-Nosra. Les privilèges spéciaux accordés souvent aux Irakiens témoignent de la relation spéciale entre les djihadistes syriens et irakiens, datant depuis la guerre en Irak.
Tous ces combattants étrangers sont appelés al-Muhajiroun, «les Emigrants», en référence aux premières sociétés musulmanes qui ont été ouvertes par les compagnons du Prophète, quand ils ont émigré de la Mecque.

Confidentialité et sécurité

Jabhat al-Nosra adopte une politique de sécurité basée en grande partie sur le silence. Toute violation de la sécurité du groupe est punissable de mort, accompagnée d'une justification religieuse convenable- la trahison du groupe est présentée comme une trahison de l'Islam et des musulmans.

Cette politique du silence se manifeste aussi par leur rejet de débats ouverts sur n'importe quel sujet, et le refus surtout de se laisser entraîner dans des discussions sur leur objectif. Lorsque les attaques du front al-Nosra sont attribuées à d'autres groupes, tels que l'Armée syrienne libre, celui-ci ne fait rien pour constater cela, ne voulant pas se laisser entraîner dans des discussions inutiles.

La plupart des éléments combattants ne connaissent rien sur leur leadership ni sur la structure de l’organisation. Ils ne connaissent pas non plus beaucoup de choses sur les méthodes de combat adoptées. Les combattants peuvent choisir un nom de guerre pour maintenir la discrétion, et ceux qui avaient des noms de guerre en Irak sont conseillés de choisir d’autres pour ne pas être détectés.

Le front al-Nosra n’utilise pas la technologie pour transmettre ses messages, préférant les longues chaînes de messagerie et le contact physique pour éviter les failles de sécurité électroniques. Une grande partie de la communication du groupe a lieu en dehors de la Syrie, et le processus est très discret et sophistiqué.

Cette organisation semble être le seul groupe rebelle en Syrie qui a des membres au sein d'un certain nombre d'institutions gouvernementales, y compris l'appareil de sécurité du gouvernement et des unités militaires. En particulier à Damas, les systèmes d'espionnage sont sophistiqués. De nombreux membres du groupe à Damas sont des citoyens ordinaires - professeurs, des mécaniciens, des commerçants et des professionnels. Les informations recueillies par ces personnes sont mises à profit dans la guerre de guérilla urbaine. Le défi principal pour la sécurité du front al-Nosra est à Damas en raison de la nature du conflit dans cette région, basée sur des tactiques terroristes, par opposition à la guerre conventionnelle dans d'autres villes, comme Alep.

 

Les opérations militaires

Les types d'opérations dans lesquelles est engagé le front al-Nosra comprennent: des voitures piégées, attentats suicides, attentats contre les points de contrôle; incendies criminels de magasins d'alcool, comme à Ras el-Ain, l'exécution des professionnels de médias, et des assassinats, dont celui de ministre de l'Intérieur et de l'ensemble du Groupe de travail de crise.

Le front al-Nosra coopère souvent avec d'autres djihadistes et les groupes islamistes tels que Soukour al-Sham (les faucons du Sham) et même avec l'Armée syrienne libre (ASL), dans un certain nombre de combats stratégiques. Ils se concentrent également sur ​​la prise de contrôle des villes à proximité de grands axes routiers, tels que Ma'aret el-Numan, pour contrôler le mouvement à l'intérieur du pays et des postes importants. Le groupe contrôle la route entre Alep et Hasakah et a mis en place des points de contrôle, parce qu’elle est une voie importante vers l'Irak.

Le groupe cible les installations médiatiques et assassine des figures populaires telles que le présentateur de la télévision d'Etat Mohammed Saïd et filme leur décapitation. Bien que les assassinats soient considérés comme activité djihadiste conventionnelle, le fait de cibler les médias demeure imprévu.

Médias et propagande

Jabhat al-Nosra a son propre réseau médiatique, al-Manara al-Bayda (le minaret blanc), dont il se sert pour publier ses vidéos de propagande de style documentaire, avec des attaques à la voiture piégée et des entretiens avec des kamikazes potentiels. A travers Al-Manara al-Bayda, le message du front al-Nosra est médiatisé au monde extérieur via le forum jihadiste, Shumukh al-Islam. Son nom est une allusion au minaret blanc d'al-Sham, mentionné dans le hadith, à côté duquel le Messie descendra à la fin du monde, selon la doctrine du groupe.
Bien qu'il y ait une équipe de journalistes au sein du groupe, les recrues de cette équipe se battent aussi sur la ligne de front.  
 
Relations avec les autres acteurs clés

A l’intérieur de la Syrie

Les relations entre le front al-Nosra et l'Armée syrienne libre sont mélangées. Certaines brigades de l’ASL menacent de travailler avec le front al-Nosra si l'Occident ne fournit pas assez d'armes, tandis que d'autres estiment que ledit front tente d'exploiter la révolution pour ses propres fins, au lieu de travailler pour le bien du pays.

Ces deux organisations se méfient les uns des autres, car elles sont déjà en lice pour la popularité parmi la population syrienne. Elles reconnaissent toutes les deux que ce sera difficile de travailler ensemble après la chute du régime, car les deux groupes sont essentiellement des rivaux à long terme.

Selon une source djihadiste étrangère, le front al-Nosra n’a aucun problème avec les combattants de l’ASL, mais il est en désaccord avec sa direction, en particulier au niveau de ses relations avec les acteurs régionaux et internationaux et leur attitude envers la démocratie. Malgré les différences fondamentales sur leur vision d'un gouvernement syrien post-Assad, le front al-Nosra a souvent travaillé avec l’ASL sur le terrain, et leurs objectifs convergent aussi.

Fait intéressant, le front al-Nosra n’a pas encore formé une coalition avec d'autres forces jihadistes, même si un certain nombre d'autres groupes, dont Ansar al-Islam, Ahrar al-Sham et le conseil révolutionnaire de Deir Ezzor se sont réunis pour former le Front de Libération. Le front al-Nosra est devenu le noyau de la résistance djihadiste, comme l’ASL est le noyau des rebelles pro-démocratie. Bien qu'un certain nombre de groupes djihadistes prennent part au conflit, le front al-Nosra a été salué comme étant le plus capable et le plus efficace, ayant revendiqué la responsabilité de près de 600 attaques dans la dernière année. On pense qu’Ahrar al-Sham était une filiale du groupe, et les relations entre les deux sont bonnes. 

La relation du front al-Nosra avec d'autres groupes qui ne partagent pas la même vision sur l'avenir de la Syrie est plus tendue. Mais le groupe ne veut pas en fin de compte créer des animosités dans l'opposition alors que tous les groupes partagent l’objectif de vaincre le régime baasiste. Cependant, des groupes comme le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dont une suite se développe en Syrie, sont considérées comme des kouffars (infidèles) par le front al-Nosra, ce qui a conduit à une recrudescence de la confrontation entre les deux groupes. 

Les influences externes

Jabhat al-Nusra rejette de s’engager avec les gouvernements étrangers dans des conférences de paix en dehors de la Syrie, car il estime que la participation internationale n'aura pour effet que le détournement de la révolution.Après la création de la coalition nationale, le Qatar a commencé à se considérer comme le protecteur de la coalition internationale qui soutient les jihadistes. C’est ainsi que le front al-Nosra a perdu un défenseur tacite.

Toutefois, les jihadistes croient que la nouvelle coalition est composée de marionnettes contrôlées par l'Occident pour ses propres fins, et c’est ce que le démontre l’opposition internationale au front al-Nosra. Les tentatives américaines de délégitimer ce groupe alors qu’il n’a commis aucune attaque contre des cibles américaines ou occidentales semble une tentative de freiner le soutien de la Turquie et les pays du Golfe à des groupes rebelles imprévisibles, pour les pousser à soutenir la coalition nationale". 

 

Source: Quilliam Foundation