Sur les 37 Saoudiens exécutés le mardi 23 avril, au moins 33 appartiennent à la minorité chiite du royaume dominé par le wahhabisme. Une école islamiste qui a engendré la nébuleuse d’al-Qaïda et la mouvance des jihadistes takfiristes.
Des mineurs, des manifestants, un religieux, un handicapé et des militants figurent parmi ces 33 martyrs , précise sur son site l’organisation européenne saoudienne pour les droits de l’homme (ESOHR).
Des manifestants pour la démocratie
Certains d’entre eux ont participé au mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011 dans la foulée du Printemps arabe, pour réclamer des réformes politiques démocratiques et des améliorations pour cette communauté qui constitue 10% de l’ensemble de la population et qui est mise au ban de la société saoudienne.
Selon les chiffres de l’ESOHR, 6 victimes au moins sont des mineurs de moins de 18 ans. D’aucuns ont été condamnés alors qu’ils n’avaient que 16 ans, et d’autres 17.
L’Arabie mentait
Pour certains d’entre eux, toujours selon ESOHR, le ministère de l’intérieur saoudien avait fait part au départ que leur crime n’était ni grave ni terroriste. Ils étaient par exemple accusés d’avoir participé à des manifestations, et à des rassemblements pacifiques ou d’avoir signé des tracts politiques. Voir encore d’avoir stocké des documents politiques et des informations sur les détenus politiques. S’agissant de Haydar Mohamad al-Lif par exemple, l’Arabie saoudite avait argué pour l’ONU en décembre 2017 qu’il a été condamné à 8 années de prison. Il fait partie de ceux qui ont été exécutés le mardi.
D’aucuns ont été accusés de prosélytisme du chiisme ou d’exercer des activités religieuses ordinaires pour les chiites dans la ville de Riad.
La cellule Kafaate
11 d’entre eux sont accusés de contacts avec l’Iran et ont été baptisés. Dont le religieux Mohamad al-Atiyyat. Doyen de la faculté d’anglais à l’Université de Jeddah et entraineur en technologie de l’informatique, il a été accusé d’espionnage au profit de la République islamique d’Iran parce qu’il a rencontré le guide suprême, l’imam Ali Khamenei, en 2013, en marge d’une colloque organisé à Téhéran pour le rapprochement entre les différentes écoles religieuses.
Des procès sans défense
Toujours d’après l’organisation susmentionnée, la plupart des procès de ces exécutés n’ont à aucun moment rempli les critères de justice. La plupart d’entre eux ayant été réalisés dans le plus grand secret, sans qu’aucun proche des accusés ne puisse y participer. Ou très peu. Seuls les médias gouvernementaux et des organisations des droits de l’homme gouvernementales ont été autorisés à les couvrir.
Autre lacune de ces jugements, il n’a pas été permis aux victimes, lors de leur arrestation et de l’interrogatoire auquel ils ont été soumis, de convoquer leurs avocats. Ce n’est que lors de la tenue du procès que ces derniers ont été autorisés à intervenir. Non sans grande difficulté : leur rencontre avec les victimes est constamment semée d’embuches, et leurs plaidoiries ignorées, dont celles ayant trait aux tortures infligées aux détenus.
Des aveux extorqués sous la torture
Lors de la sentence, les juges se fient pour leur verdict aux dires des soi-disant victimes ratifiées par le juge de ratification avant le procès.
21 parmi ceux qui ont été exécutés ont assuré que leurs présumés aveux leur ont été extorqués sous la torture et la menace. Jamais les juges ne tiennent compte de leurs déclarations.
Ils ont tous été contraints à signer leurs faux aveux, écrits de la main des enquêteurs, sous peine de subir interminablement le supplice de l’interrogatoire et de la torture.
La caution des Occidentaux
Le manquement de l’Arabie saoudite en matière de juridiction avait été stigmatisé depuis deux mois par Ben Amerson, l’ex-rapporteur spécial pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il lui a demandé d’examiner rapidement tous les cas de prisonniers accusés et reconnus coupables d’infractions terroristes passibles de la peine de mort, afin de garantir le respect des normes internationales minimales dans chaque cas.
Il avait aussi ouvertement dénoncé les procès qui avaient condamné à mort en 2016 vingt-quatre personnes parce qu’ils avaient participé aux protestations de 2011 réclamant des réformes démocratiques dans le royaume.
La sourde oreille des occidentaux
Ces revendications n’ont certes pas sensibilisé les démocraties occidentales qui, au contraire, n’ont pas manqué de cautionner d’une manière sournoise ces procès iniques du régime saoudien. A aucun moment les délégations diplomatiques de l’Union européenne, du Canada ou des Etats-Unis, accrédités en Arabie, ne se sont exprimées pour les critiquer. Pourtant, elles étaient conviées aux séances des tribunaux. Et Riyad a très bien exploité leur présence pour ce faire.
Source: Divers