Le Hezbollah a intenté un procès juridique contre l’ex-ministre de la Justice le général Achraf Rifi pour délit de diffamation et d’incitation au conflit sectaire.
C’est la deuxième plainte qu’il porte en l’espace de deux semaines sur fond d’accusations proférées sur son implication présumée dans l’explosion meurtrière du port de Beyrouth, le 4 août dernier. La première avait visé un ex-député proche du parti des Forces libanaises et des sites d’information du camp 14 mars.
Depuis l’explosion, le général Rifi qui était aussi le directeur général des Forces de sécurité intérieures (FSI), adosse régulièrement au Hezbollah la responsabilité de la déflagration meurtrière du port. Provoquée par un incendie qui s’est déclaré, pour des raisons non encore élucidées, dans le hangar 12 où était stocké le nitrate d’ammonium, elle a détruit des quartiers entiers dans les environs du port, causé la mort de plus de 200 personnes et blessé plus de 6.500 autres.
Pro saoudien et farouchement hostile à la résistance au Liban, M. Rifi avait arbitrairement accusé le Hezbollah de contrôler le port.
« La milice du Hezbollah en fait à sa guise au cœur du port de Beyrouth », avait-il argué. Contredisant les démentis du numéro un du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah, qui avait quelque jours plus tôt assuré que celui-ci ne dispose d’aucune présence dans ce port. Ainsi que les démentis officiels.
Rifi avait aussi avancé que l’explosion était d’origine criminelle et non administrative, en allusion aux accusations portées contre les fonctionnaires du port en question pour laxisme et négligence. 33 d’entre eux font l’objet d’une plainte portée par le procureur général de cassation le juge Ghassane Khoury, dont 25 sont en détention et deux par contumace.
Anticipant sur les résultats de l’enquête, il a dit que le Hezbollah refusera que l’enquête puisse l’accuser, et réclamé une enquête internationale.
À savoir que sans même que le Liban ne sollicite une enquête internationale, les Français, le Britanniques, et les Allemands ainsi que le FBI américain ont débarqué directement au Liban au lendemain de la tragédie, au motif de lui fournir une aide humanitaire. Ils se sont accaparés les investigations dans le port et laissent fuiter de temps à autres quelques éléments. Mais leur pronostic final tarde à venir.
Une situation qui rappelle curieusement celle qui avait prévalu au lendemain de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri en 2004. Puis avec le Tribunal spécial pour le Liban mis sur pied pour identifier et condamner les auteurs de son assassinat. Mais cette fois-ci le pays du cèdre qui traverse sa pire crise économique et financière de son histoire n’a plus les moyens de payer de tribunaux internationaux.
Le Hezbollah qui n’a jamais reconnu la légitimité du TSL a plusieurs fois exprimé son étonnement qu’il ait écarté la piste israélienne, l’accusant de politisation.
Il craint le même processus avec le juge d’instruction libanais chargé d’enquêter sur l’explosion du port, Fadi Sawan qui a émis depuis une dizaine de jour une inculpation pour négligence à l’encontre du Premier ministre démissionnaire Hassan Diab et de trois anciens ministres, celui des Finances Ali Hassan Khalil, et ceux des Travaux publics Ghazi Zoayter et Youssef Fenianos. Dès les premiers jours qui ont suivi l’explosion, une campagne était lancée par le camp 14 mars contre M. Diab pour lui adosser la pleine responsabilité de ce qui s’est passé, ce qui l’a poussé à démissionner.
Pourtant dans son premier message envoyé au Parlement libanais, M. Sawan avait indiqué vouloir convoquer 12 ministres en plus des quatre Premiers ministres qui se sont succédés depuis que la cargaison de nitrate d’ammonium a été abandonnée, au Liban en 2013, dans des conditions inexplicables .
Ayant sur ces 16 responsables sélectionné quatre seulement d’entre eux, lesquels font partie ou sont proches du camp 8 mars, sa démarche a été dériée par le Hezbollah qui l’a taxée de « ciblage politique qui touche certaines personnalités tout en épargnant d’autres ».
« Le peuple libanais a le droit de connaître la vérité sur ce crime, en commençant par l’arrivée du navire transportant les matières explosives au port, puis par l’identité du propriétaire de cette marchandise et sa destination finale, ainsi que les raisons de son stockage au port durant des années, pour enfin aboutir aux causes de l’explosion et à l’identification des responsables directs ou indirects de ce crime dangereux », avait recommandé le Hezbollah dans son communiqué publié le 11 novembre. Appréhendant que « l’enquête ne soit noyée dans les méandres des procédures administratives et des litiges juridiques qui feraient disparaitre les indices de la vérité laissant place aux soupçons infondés et aux accusation sans preuve ».
Comme l’actuel Premier ministre et les trois ex-ministres ont refusé de répondre à la convocation du juge Sawan, ce dernier a adressé un deuxième message au Parlement libanais le sollicitant d’assumer ses responsabilités. D’autant que deux des accusés sont des députés. Selon les deux articles 70 et 71 de la Constitution libanaise, c’est au pouvoir législatif de mener l’enquête, de décréter le chef d’accusations en cas de l’existence de preuves puis de transférer l’affaire vers la Haute cour de Justice pour juger les présidents et les ministres. Sachant que cette dernière n’est toujours pas constituée.
Dernière évolution : le juge Sawan a suspendu l’enquête pour dix jours en raison de la demande faite par les deux ex-ministres Zoayter et Fenianos devant le procureur général de cassation lui demandant de transférer l’affaire à un autre juge.
Tout en admettant qu’il y ait eu négligence de la part des hauts fonctionnaires du port, les observateurs ont fait part de leur étonnement que certains responsables qui n’ont nullement réagi alors qu’ils étaient bien au courant de la présence du nitrate d’ammonium et de sa dangérosité ne soient nullement inquiétés ni convoqués par le juge d’instruction. .
C’est le cas des deux présidents de l’organisme des Affaires et du commandant de l’armée libanaise, le général Jean Kahwaji, qui n’a jamais bronché quoiqu’il ait été informé en personne de la présence de la matière explosive dès 2014.
La sélectivité du juge d’instruction fait craindre que le sort de l’enquête à laquelle s’attache sérieusement l’opinion publique libanaise ne soit voué à l’échec. Tout comme le TSL qui a coûté au Liban près d’un milliard de dollars et s’est contenté d’un verdict mince, basé sur des indices conjoncturels. Alors que se profilent les tentatives de politisation destinée visiblement à accuser le Hezbollah.
Or il semble que ce dernier n’entend pas se laisser accuser arbitrairement. Ses recours à la Justice illustrent une nouvelle manière de réagir qu’il n’avait jamais utilisée auparavant. Quand bien elle risque de ne pas aboutir, elle n’en demeure pas moins la preuve irréfutable de son innocence.
Source: Divers