Et si Berlin réintroduisait le service militaire obligatoire? Impensable il y a peu encore, le débat ressurgit à la lumière de l’opération russe en Ukraine, qui fait prendre conscience des faiblesses de l’armée allemande.
Depuis sa suspension il y a dix ans, la question de son retour, sous forme d’une année obligatoire dans l’armée ou dans des services d’intérêt généraux (soins, pompiers) pour hommes comme les femmes à la fin du cursus scolaire, revient sporadiquement sur le tapis.
Mais la guerre en Ukraine, et les inquiétudes sur la capacité de la Bundeswehr à défendre le territoire et à assurer ses engagements dans l’Otan, lui ont donné une nouvelle dynamique.
« Nous devons mener un débat sur un service obligatoire d’intérêt général de façon urgente car nous avons besoin d’un consensus au niveau de la société sur ce sujet », a jugé le social-démocrate Wolfgang Hellmich, membre du parti du chancelier Olaf Scholz, dans un entretien du Rheinische Post mardi.
Cela « encouragerait l’esprit de solidarité » dans le pays, estime ce député, expert pour les questions de sécurité.
« Un tel service renforcerait la résistance de notre société, en fournissant des compétences sociales dont un pays a besoin en temps de crise », pointe de son côté le vice-président de l’Union chrétienne démocrate (CDU) Carsten Linnemann dans les colonnes du journal populaire Bild.
La suspension, après de longs débats controversés, du service militaire obligatoire en 2011 relevait à l’époque à la fois de considérations financières et géopolitiques.
En l’absence de menace directe sur le pays après l’effondrement de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie, l’alliance militaire du bloc de l’Est, il semblait être devenu obsolète.
Cet impression dominait aussi concernant la nécessité d’investir dans la Bundeswehr, dont les engagements étaient voués, selon l’analyse de l’époque, à se concentrer sur des missions de crise à l’étranger, comme en Afghanistan.
« L’Otan est en train de repasser à une stratégie de dissuasion et l’Allemagne va devoir participer car elle est le pays le plus important en matière de forces terrestres et nous avons de grands déficits », souligne Joachim Krause, directeur de l’institut de politique de sécurité de Kiel à la chaîne télévision Sat.1.
« Et je pense que nous allons probablement devoir réintroduire le service militaire obligatoire », ajoute l’expert.
Une telle mesure serait un « signal décisif garantissant une capacité de dissuasion militaire de l’Allemagne », abonde l’antenne de Basse-Saxe de la CDU dans un communiqué.
L’Allemagne, dont la population reste profondément pacifiste depuis les horreurs du nazisme, s’est largement reposée depuis des décennies sur les Américains et l’alliance atlantique pour assurer sa sécurité.
La réintroduction du service militaire, qui exigerait un vote à la majorité de deux tiers par le Bundestag, est encore loin de faire l’unanimité.
Pour la sociale-démocrate Eva Högl, commissaire à la défense au Bundestag, il ne s’agit que « d’une discussion théorique qui n’aide pas dans la situation actuelle ». Elle estime que renforcer massivement l’armée, comme l’a décidé le gouvernement, est la priorité.
« Nous avons besoin de technologie et de système d’armement, pas de têtes » pour la troupe, abonde Florian Hahn, du parti bavarois CSU, allié à la CDU.
L’invasion de l’Ukraine a néanmoins agi comme un électrochoc dans le pays. Le chancelier Olaf Scholz a annoncé dimanche une enveloppe « exceptionnelle » de 100 milliards d’euros pour aider aux investissements dont la Bundeswehr – sous-équipée – a cruellement besoin.
Le chef de l’Armée de terre lui-même, suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, a admis que l’armée était « plus ou moins nue ».
L’Allemagne a nettement réduit les effectifs de son armée depuis la fin de la Guerre froide, passés de 500.000 personnes environ lors de la Réunification du pays en 1990 à tout juste 200.000 aujourd’hui.
Et les responsables militaires se plaignent régulièrement de pannes sur leurs avions de chasse, navires de guerre ou chars.
Source: Avec AFP