Faisant fi des pressions occidentales, le Liban a repris ce mercredi 26 ctobre l’opération de rapatriement en Syrie des déplacés syriens, en coordination avec Damas, après 3 ans de suspension .
Environ 750 syriens devraient partir de plusieurs zones, selon ce qu’a annoncé la Sûreté générale, par au moins trois points frontaliers, dans le cadre du plan de « retour volontaire et sûr des déplacés », que les autorités libanaises ont lancé en 2017, en lots. Cette démarche avait été suspendue avec la pandémie du Covid-19. Sa reprise couronne des mois de tractations. Le plan actuel préconise le rapatriement de 15 mille syriens par mois.
« Elles veulent nous dicter leur volonté »
C’est le chef de la Sûreté générale le général Abbas Ibrahim en personne qui supervise cette opération, faisant des allers et retour vers la Syrie depuis plusieurs mois. Le dossier est suivi de près par le chef de l’Etat Michel Aoun, le ministre des Affaires étrangères et celui des Affaires sociales et celui des immigrés.
Qualifiant le retour des syriens sur leur terre de « devoir national que nous devons accomplir », il a indiqué dans un point de presse le mardi 25 octobre que « le dossier du déplacement a des répercussions négatives à tous les niveaux » et accusé certaines organisations humanitaires « d’essayer de nous dicter leur volonté».
Précisant qu’il existe 17 centres de retour volontaire au Liban, il indique que 2 454 noms de retour volontaire ont été enregistrés et 1 700 noms ont été approuvés.
M. Ibrahim a rappelé qu’entre 2017 et 2019, 540 milles syriens sont revenus volontairement vers leur pays.
Velléités occidentales
Le Hezbollah aussi supervise cette affaire via l’ex-député Nawar al-Sahili, qui a accusé des velléités occidentales de laisser les déplacés syriens au Liban.
Il a défendu leur retour en déclarant que la situation économique pénible que traverse le Liban et qui rend impossible de supporter le fardeau de leur présence, d’autant que leur chiffre équivaut au tiers de la population au pays du cèdre.
Cette démarche est donc entreprise sans l’accord des puissances occidentales qui agissent au Liban sur ce dossier par le biais des ONG, entre autres.
« En facilitant avec zèle ces retours, les autorités libanaises exposent délibérément les réfugiés syriens au risque de subir d’horribles abus et persécutions à leur retour en Syrie », a déclaré vendredi Diana Semaan, directrice adjointe par intérim pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, selon l’AFP.
Intérêts du Liban d’abord
Selon Ghassan Atallah , le membre du Bloc du Courant patriotique libre, parti fondé par le président de la république et dirigé actuellement par son gendre Gebran Bassil, les intérêts du Liban passent avant tout.
« Que la communauté internationale le veuille ou non, les intérêts du Liban sont au-dessus de toute considération. A aucun moment, la Communauté internationale n’a répondu pour faire cesser les raids israéliens contre le Liban et le sujet des déplacés syriens restera une bombe à retardement pour le Liban. Nous devons en tant que Libanais être conscients de cette position et rester unis pour prendre une position sage », a-t-il dit lors d’une interview avec la télévision al-Manar en juin 2022.
« Si la communauté internationale s’y oppose, qu’elle assume leur responsabilité et les emmène dans des embarcations par la mer en Europe pour qu’ils vivent chez eux », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre intérimaire Najib Mikati avait à la même époque, menacé que le Liban adoptera une position qui « n’est pas souhaitable pour les Etats occidentaux », celle d’œuvrer pour sortir les déplacés syriens via les moyens juridiques.
Selon M. Atallah, l’Etat syrien a été très positif sur ce dossier. « Nous avons défié la Communauté internationale de confirmer un seul cas ou les déplacés syriens ont été victimes de châtiment ou toute nuisances lors de leur retour en Syrie », a-t-il affirmé.
Deux-tiers des déplacés concernés
En juillet 2022, le ministre libanais des Immigrées Issam Charafeddine avait rencontré l’envoyé spécial britannique en Syrie Jonathan Hargreaves pour lui faire part « des arrangements entrepris pour assurer un retour volontaire vers des centres d’hébergement dans les provinces syriennes d’où ils sont originaires ». Après une coordination avec les autorités syriennes concernées. Surtout pour les deux-tiers d’entre eux. Quant au dernier tiers, ils devraient être expédiés vers un pays tiers qui leur accorderait l’asile politique, sous la supervision de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés à laquelle plusieurs suggestions libanaises ont été présentées.
« Nous avons proposé dans l’une d’entre elles d’offrir aux déplacés un aide matérielle et substantielle. Mais hélas, cette proposition n’a pas été prise en compte. Nous avons alors proposé une autre idée, celle que leur retour soit progressif et avons demandé à l’Agence de stopper l’aide procurée au 15 mille déplacés qi devraient rentrer car le fait de leur payer au Liban constitue un motif pour leur présence au Liban », a indiqué M. Charafeddine.
Décrets d’amnistie
La Conférence internationale sur le retour des réfugiés syriens organisée à Damas en octobre 2020 avait assuré que l’Etat syrien se doit de fournir le retour des déplacés et de leur assurer une vie décente.
Les décisions prises dans cette rencontre sont les suivantes : La promulgation des décrets d’amnistie, le report du service militaire pour les rapatriés pour une période de 6 mois, l’extraction de documents d’identité pour ceux qui les ont perdus dans les pays d’asile, l’enregistrement des nouvelles naissances en Syrie, fournir des services de transport et des services médicaux, soutenir les rapatriés avec des projets visant à assurer des moyens de subsistance décents, l’octroi de cartes personnelles et familiales à leurs bénéficiaires, le règlement des problèmes de départs illégaux des personnes déplacées et régulariser leur statut auprès du Département de l’immigration et des passeports ou de ses antennes dans les gouvernorats, sécuriser les centres d’hébergement collectifs établis depuis 2017, restaurer des milliers d’écoles et les institutions et les services et réhabiliter les infrastructures, etc…
42% des prisonniers
Après le déclenchement du conflit en Syrie en 2011, le Liban est devenu une destination pour des centaines de milliers de Syriens qui ont fui leurs régions au fur et à mesure que les combats progressaient.
Les autorités libanaises estiment actuellement la présence de plus de deux millions de réfugiés sur son sol, tandis que le nombre de ceux enregistrés auprès des Nations unies est d’environ 830 000, selon l’AFP.
Le chef de la Sûreté générale a précisé que 42% de l’ensemble des prisonniers au Liban sont des Syriens.
Depuis que l’armée syrienne a repris le contrôle de la plus grande partie du pays, certains pays font pression sur le Liban pour empêcher le rapatriement des déplacés syriens, sous prétexte que les infrastructures en Syrie sont délabrées, les conditions économiques sont difficiles. Ils font aussi craindre des poursuites en matière de sécurité.
« Propos irresponsables »
L’ambassadeur de Syrie au Liban Ali Abdel Karim a qualifié ces appréhensions de « propos irresponsables ». La preuve en est selon lui est la réalité des déplacés qui sont revenus en Syrie.
« Même ceux qui ont porté des armes contre le pouvoir n’ont pas été arrêtés. Ont seulement été arrêtés ceux qui font l’objet de poursuite civiles et pénales, notamment ceux dont les crimes sont avérés », a-t-il assuré dans un entretien avec le quotidien libanais al-Akhbar.
Selon lui, son pays prend très au sérieux de collaborer avec le Liban sur ce dossier, a condition que les négociations officielles se fassent d’Etat à Etat ».
« Nous sommes conscients que cette affaire dépasse la capacité du Liban à la supporter », a-t-il affirmé, soulignant que certaines forces libanaises sont affectées par des pressions extérieures et tentent d’empêcher l’établissement de relations de haut niveau entre les deux pays. Cependant, il perçoit le désir de beaucoup d’une coopération sérieuse entre les deux parties et d’une coordination sans équivoque.
Aucune contrainte
Dans un sondage réalisé par le site arabophone al-Manar, 94% de ceux qui étaient sondés ont estimé que la hausse de l’aide de l’Union européenne aux déplacés syriens visent à les encourager à ne pas rentrer dans leur pays, alors 6% ont répondu qu’elles sont humanitaires. 2200 personnes ont participé au sondage réalisé le 14 octobre dernier.
Interviewé par le correspondant d’al-Manar dans la Békaa, le ministre libanais des Affaires sociales Hector Hajjar a déploré une campagne de brouillage, de désinformation et de rumeurs durant ces dernières heures, dans les journaux, dans les médias et parmi les déplacés syriens pour les dissuader de rentrer en Syrie.
« Nous voulons rassurer, et les Syriens qui rentrent chez eux font de même, qu’il n’y a aucune terrorisation et aucune contrainte qui leur sont infligées », a-t-il insisté.
Source: Divers