Tout comme la visite de son homologue John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, la mission du secrétaire d’État américain Mike Pompeo dans la région est clairement évidente. La décision de se retirer de Syrie a provoqué un séisme régional, concrétisé par la ruée vers Damas, et les analyses des journaux et sites américains convergent et concluent que :
+ l’image du président syrien brandissant le signe de la victoire va bientôt apparaitre et il est dangereux que les alliés de Washington qui l’ont combattu reviennent vers lui, repentis et lui tenant la main alors qu’il déclare la victoire contre la guerre qu’ils lui ont menée et qu’ils ont financée,
+ leur allié Israël, malgré les nombreuses propositions, n’a pas de place à Damas, tout son environnement sera sombre et ses options limitées, incapable d’aller en guerre et rejeté pour la paix, attendant l’heure où il sera seul et assiégé.
La double tournée était donc une tentative pour changer cette perspective, mais sans que les deux émissaires n’aient en main ce qui pourrait la modifier. Ils portaient juste des promesses valant des chèques à l’encaissement libellés : faites confiance aux États-Unis qui ne vous abandonneront pas et qui ne sont pas vaincus.
Bolton a échoué sur le front turco-kurde. C’était manifeste puisque ni les Kurdes ni les Turcs ne commercialisent en chèques, mais en monnaie sonnante et trébuchante. Lorsque les Kurdes ont demandé à Bolton qui, en leur absence, garantira que les Turcs ne les attaquent pas, sa réponse était qu’il fallait attendre sa rencontre avec le président turc Erdogan. Et lorsque les Turcs lui ont demandé qui pourra garantir que les Kurdes ne mettent pas l’infrastructure nécessaire à la disposition de ceux qui cibleraient la sécurité turque, il leur a répondu qu’ils devaient attendre sa rencontre avec le président turc. La rencontre n’a pas eu lieu et Bolton est reparti avec ses chèques que personne n’avait touchés.
Au Caire, Pompeo a trouvé l’occasion de distribuer ses chèques. Il a déclaré que son administration ne permettra pas à l’Iran de rester en Syrie, et personne ne lui a demandé comment ils allaient le faire après le retrait alors qu’ils avaient échoué avant. C’était le premier chèque en bois.
Il a ajouté que son administration empêchera le Hezbollah de conserver un arsenal de missiles qui menace Israël, et l’assistance ne lui a pas demandé comment ils allaient réaliser cet objectif, à fortiori après le retrait, alors qu’ils n’avaient pas réussi à l’atteindre avec toutes les forces stationnées dans la région. C’était le deuxième chèque en bois.
Il a aussi ajouté que son administration assurera la supériorité militaire d’Israël, mais n’a pas dit comment Washington allait le faire alors qu’elle a déjà mis à la disposition d’Israël son arsenal militaire le plus sophistiqué et Israël a échoué dans l’épreuve de force avec le Liban, la Syrie et Gaza. C’était le troisième chèque en bois.
Il a poursuivi en déclarant que son administration ne permettra pas à l’Iran de continuer à étendre son influence dans la région, alors qu’ils sont témoins du règlement qui progresse au Yémen et dans lequel ceux qu’on qualifiait de source de l’influence iranienne s’affirment comme partenaires à part entière dans l’avenir du Yémen. C’était le quatrième chèque en bois.
Pompeo a continué à distribuer ses chèques, et les auditeurs savaient qu’ils étaient sans provision et que, tôt ou tard, ce sont eux qui alimenteront le compte, car le seul compte dans lequel Washington puise pour payer est celui de ses valets arabes.
Pompeo est parti en obtenant un seul succès, celui d’embarrasser l’Égypte qui a affiché une attitude négative à l’égard de la Syrie (1), alors qu’elle ne se remet pas encore des conséquences de son positionnement sur l’agenda américain. Pompeo n’a accordé à l’Égypte ni un partenariat dans la solution au Yémen ni un rôle à jouer dans le règlement syrien, alors qu’il a confié ce rôle à la Turquie que l’Égypte décrit comme le plus grand danger à la sécurité nationale arabe.
Par Nasser Kandil
Sources : al-Binaa ; Traduit par Rania Tahar ; Réseau international