De sources dans le milieu du renseignement affirment qu’« Israël souhaite que la Syrie revienne à l’époque d’avant 2011, quand ses leaders étaient moins puissants et expérimentés qu’aujourd’hui après sept ans de guerre, la livraison d’équipement perfectionné russe principalement pour assurer la défense aérienne du pays, la livraison et la fabrication de missiles iraniens de pointe en Syrie et la présence formative de conseillers de l’Iran et du Hezbollah ».
Les sources ont révélé que « les responsables israéliens ont dit à leurs homologues américains que ce serait inapproprié de retirer leurs forces du nord-est de la Syrie en laissant sur place l’Iran et ses alliés. Le retrait – qui semble partiel – des forces américaines devrait se faire pas avant, mais au minimum en même temps que le départ de toutes les forces étrangères actives sur le sol syrien, afin de créer un équilibre du pouvoir sur le terrain. De plus, il est important de préciser que le président Bachar al-Assad doit se garder d’utiliser ses missiles de précision à moyenne portée contre Israël à quelque moment que ce soit dans le cadre de tout accord lié au départ des USA de la Syrie. Israël soutient que les USA laissent le Levant aux mains de la Russie et de «l’Axe de la résistance» sans la moindre concession en retour », selon les sources.
L’administration américaine ne semble pas disposée à répondre aux angoisses exagérées d’Israël. Des responsables américains en visite à Tel-Aviv ont déclaré à des responsables locaux que « l’armée israélienne est assez puissante pour se défendre elle-même et que depuis 1974, Israël n’est plus sur la défensive dans la région. Bien au contraire, Israël est passé à l’offensive, en ayant pris l’initiative d’attaquer des cibles en Syrie pendant les sept années de guerre ».
Selon des responsables occidentaux, les USA ont dit à Israël que des milliers de soldats américains sont stationnés dans le pays, en Méditerranée et dans diverses bases militaires au Moyen-Orient. Ces forces peuvent intervenir rapidement en faveur d’Israël chaque fois que cela est jugé opportun. Par conséquent, Israël devrait cesser de hurler pour qu’on vienne le secourir sans raison, alors que c’est lui qui inflige des dommages à ses adversaires ».
Israël a bombardé à répétition en Syrie des cibles appartenant à l’armée syrienne et à « l’Axe de la résistance ». Il a repoussé la ligne rouge plus loin encore en bombardant des responsables iraniens à la base aérienne T4 en 2018, tuant alors plusieurs officiers iraniens. En 2019, Israël a déjà bombardé un entrepôt à l’aéroport de Damas, quelques heures seulement après le déchargement d’une cargaison militaire iranienne. Bien que la majorité des missiles israéliens ont été abattus, quelques-uns ont réussi à atteindre leur cible. Il n’en demeure pas moins que ces bombardements ont peu de signification au niveau stratégique, parce que tout en démontrant la longue portée de ses missiles, Israël a échoué lamentablement dans son objectif de paralyser la capacité des missiles de la Syrie et du Hezbollah au Liban et en Syrie. Lors de sa récente visite au Caire, le secrétaire d’État des USA a dit que le Hezbollah a aujourd’hui « plus de 130 000 missiles ».
Si, comme l’affirme le chef d’état-major israélien, le général Gadi Eisenkot, Israël a « une supériorité complète en termes de renseignement dans cette zone » (le Liban et la Syrie), comment peut-il expliquer la possession et le déploiement de 130 000 missiles – selon Pompeo – par le Hezbollah? Eisenkot a trompé les Israéliens quand il a dit que « le Hezbollah n’a pas les capacités qu’il faut pour posséder des missiles de haute précision, sauf en quantité négligeable ». Dans les faits, lorsque le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a averti Israël qu’il « répliquerait à toute attaque au Liban », Israël a pris bonne note de l’avertissement et s’est gardé de viser toute cible au Liban.
Pendant toute la durée de la guerre en Syrie, les avions israéliens ont violé l’espace aérien libanais et volé au-dessus du Liban pour bombarder la Syrie, mais sans jamais oser attaquer le moindre objectif lié au Hezbollah au Liban, en se limitant à cibler des camions militaires du Hezbollah et des objectifs syriens et libanais au Levant.
Selon des sources bien informées, les avions israéliens ont tiré des missiles en guise d’avertissement devant les camions visés – avant de détruire la cible plus tard – afin d’éviter les pertes humaines par crainte d’une riposte du Hezbollah. Si la puissance militaire supposément limitée du Hezbollah est fondée, comme le prétend le service du renseignement israélien, il serait insensé pour Eisenkot de vanter sa toute-puissance militaire face à un « ennemi négligeable », comme il décrit la capacité militaire du « Parti de Dieu » libanais.
Des sources actives en Syrie et au Liban confirment les déclarations israéliennes selon lesquelles Israël a largué des milliers de bombes sur divers objectifs en Syrie, comme l’a annoncé le premier ministre Netanyahu. Elles affirment toutefois que seulement 5 % du stock d’armes livrées a été intercepté et détruit.
« Le bombardement de cibles en Syrie par Israël n’est ni stratégique ni tactique. Il ne s’agit que d’attaques politiques visant à rehausser l’image de Netanyahu. Ces frappes n’ont pas affaibli le Corps des gardiens de la révolution iranienne ou le Hezbollah. Israël se contredit tout le temps. Par exemple, les Israéliens disent que le Hezbollah est la cinquième force la plus puissante du monde, mais qu’elle est très faible et que son pouvoir est limité; que le Hezbollah a creusé quatre tunnels qui présentent une menace grave à la sécurité nationale d’Israël, etc. », a fait remarquer la source.
En fait, Israël n’a pas provoqué ou attaqué le Hezbollah depuis la guerre de 2006. La seule attaque sérieuse remonte à 2015 par un drone à Quneitra qui a tué Jihad Mughnnieh et le général iranien Mohammad Ali AllahDade. L’attaque n’était pas planifiée, mais plutôt opportune contre un convoi de l’Iran et du Hezbollah formé de trois véhicules à quatre roues motrices qui avaient passé plusieurs heures à s’amuser dans la neige dans un secteur à portée de vue d’un poste d’observation israélien. Israël n’avait pas de cible précise et n’était sûrement pas au courant de la présence d’un général du Corps des gardiens de la révolution iranienne. En riposte, le Hezbollah a attaqué une patrouille israélienne dans les fermes de Cheeba, tuant plusieurs soldats et un officier. Israël a alors fermé les yeux et les choses se sont arrêtées là.
Le président Assad et ses alliés croient qu’Israël cherche à provoquer la Syrie pour qu’elle riposte à ses violations de la souveraineté syrienne, de façon à retarder ou à empêcher le retrait des USA de la Syrie. Pour cette raison, ils préfèrent ne pas répondre directement aux provocations israéliennes d’ici à ce que les USA partent. Les récents commentaires du président Trump à propos de la « zone tampon de 20 milles » indiquent toutefois qu’il a l’intention de maintenir des forces en Syrie et n’effectuer qu’un retrait partiel, et non complet, des troupes américaines.
La Syrie et ses alliés devront réévaluer leur stratégie en réponse à l’agression israélienne et aux forces d’occupation américaines quand la poussière retombera au nord-est de la Syrie. Pour l’instant, il est impossible de prévoir ce que Trump va décider à la lumière de ses déclarations contradictoires concernant l’occupation de la Syrie par les USA.
Mais peu importe les intentions de Trump à l’égard de la Syrie et de ses plans de retrait inconstants, tous les objectifs d’Israël ont échoué en Syrie : le gouvernement syrien est toujours en place, son armée a été reconstituée et le Hezbollah et l’Iran ont entraîné des combattants locaux qui sont déterminés à en découdre avec Israël en temps et lieu.
Aujourd’hui, en 2019, le Hezbollah a reçu tous les missiles et armements requis – comme Pompeo l’a admis– et l’Iran demeure une grande source de préoccupation pour Israël et les USA, en étant présent sur le front syrien alors qu’auparavant il n’était présent qu’à la frontière avec le Liban. Par conséquent, malgré ses déclarations à l’emporte-pièce dans les médias et les milliers de cibles qu’il a frappées en Syrie ces dernières années, Israël se sent beaucoup plus vulnérable aujourd’hui qu’il ne l’était en 2011.
Le front irakien ne peut être écarté non plus. Les Hachd al-Chaabi (les Forces de mobilisation populaire irakiennes) ont été créées en 2014 pour combattre Daech. Aujourd’hui, elles comptent des dizaines de milliers d’hommes bien entraînés et équipés, dont l’idéologie forte est comparable à celle du Hezbollah et de l’Iran. L’influence iranienne s’est étendue du Liban à la Syrie et à l’Irak. C’est un autre motif d’inquiétude pour Israël.
Mais ce n’est pas tout. L’Iran est présent au Yémen, où la guerre destructrice de l’Arabie Saoudite contre les Houthis lui offre une occasion unique de soutenir les opprimés contre l’oppresseur. L’Iran a également réussi à prendre pied en Afghanistan. Il a d’ailleurs invité le leader des talibans Mullah Akhtar Mansour à se rendre à Téhéran accompagné d’une délégation de talibans de haut rang. L’Iran a léché ses plaies depuis que les talibans ont tué dix diplomates iraniens à Mazar-e Charif et a fini par surmonter ses différends avec les talibans afin de défendre une plus grande cause : la résistance à l’hégémonie des USA en Afghanistan.
L’Iran et la Syrie font preuve de patience et attendent le moment venu en gagnant en puissance. Après la révolution de 1979, le gouvernement de l’Iran avait peu d’expérience internationale. Il a commencé à soutenir le Hezbollah en 1982. Trente-cinq ans plus tard, le Hezbollah est devenu une armée irrégulière organisée présente sur bien des fronts au Moyen-Orient. Israël a beau s’amuser à provoquer la Syrie avec ses attaques tactiques et ses milliers de bombes larguées sur diverses cibles, il ne peut échapper à la nouvelle réalité stratégique.
L’Iran et la Syrie ont non seulement survécu à des menaces et à des guerres continuelles, mais ils en sont ressortis plus forts. Au même moment, Israël, une puissance nucléaire dont l’armée de l’air est la plus capable du Moyen-Orient, s’est abstenu jusqu’ici d’attaquer le Liban, un petit pays qu’on arrive à peine à voir sur la carte de monde. Israël est freiné par quatre petits mots prononcés par Sayyed Nasrallah à l’intention des puissants leaders à Tel-Aviv, qui bénéficient du soutien sans réserve d’une superpuissance (les USA) : « Faut pas nous chercher».
Par Elijah J. Magnier; Traduction : Daniel G.