Le président soudanais Omar el-Béchir a annoncé vendredi le limogeage du gouvernement et décrété l’état d’urgence dans tout le pays, secoué depuis deux mois par des manifestations réclamant son départ.
Réagissant à ces annonces, l’Association des professionnels soudanais (APS), fer de lance du mouvement de contestation, a affirmé qu’elle continuerait à appeler à manifester jusqu’à ce que M. Béchir, au pouvoir depuis presque 30 ans, démissionne.
« Je décrète l’état d’urgence dans tout le pays pour un an », a déclaré le président soudanais, 75 ans, dans un discours télévisé à la Nation.
« J’annonce la dissolution du gouvernement aux niveaux fédéral et provincial », a ajouté l’homme fort du pays, qui compte briguer un troisième mandat en 2020.
« Notre pays traverse une situation difficile et compliquée, la plus difficile de son histoire », a affirmé M. Béchir.
« Les problèmes économiques doivent être traités par des gens qualifiés et à cette fin, je formerai un gouvernement composé de personnes aux qualités » requises, a-t-il ajouté.
Cinq ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, conserveront leur portefeuille, a annoncé quelques heures plus tard le président soudanais, qui a aussi nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l’armée et deux responsables de la sécurité.
En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis le 19 décembre de manifestations quasi quotidiennes déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
« Conspirateurs »
La contestation s’est vite transformée en un mouvement réclamant la chute du président Béchir, qui tient le pays d’une main de fer depuis 1989. Selon des experts ce mouvement son plus grand défi en trois décennies.
Le puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) mène la répression et a arrêté depuis décembre des centaines de manifestants, leaders de l’opposition, militants et journalistes, d’après des ONG.
Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le 19 décembre. L’ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts, dont des enfants et des personnels médicaux.
Le président, qui impute les violences à des « conspirateurs », avait déclaré en janvier que la seule façon de changer le pouvoir en place était de passer par les urnes.
En dépit de la répression, l’Association des professionnels soudanais, qui regroupe notamment des médecins, enseignants et ingénieurs, maintient la pression en appelant à des manifestations quotidiennes à travers le pays.
« Nous appelons notre peuple à continuer les manifestations jusqu’à ce que l’objectif principal de ce soulèvement, qui est le départ du chef du régime, soit atteint », a-t-elle indiqué dans un communiqué vendredi après le discours du président.
Jeudi encore, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays dont la capitale Khartoum, où des militants et membres de l’opposition soudanaise ont été arrêtés.
« Violence excessive »
L’APS avait une nouvelle fois appelé les manifestants à se diriger vers le palais pour remettre à la présidence une lettre réclamant la démission du président.
Le principal chef de l’opposition, Sadek al-Mahdi, a dit soutenir le mouvement. Dernier Premier ministre démocratiquement élu du Soudan, il avait été chassé du pouvoir par le coup d’Etat fomenté en 1989 par M. Béchir.
Au-delà de la baisse des subventions du pain, le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères.
Les habitants doivent composer avec des hausses de prix et des pénuries d’aliments et de carburants.
Source: Avec AFP