La Turquie a eu gain de cause pour ses revendications, avant de donner son feu vert indispensable à l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, lors de la rencontre organisée le mercredi 29 juin à Madrid. Les deux pays européens ont manifestement sacrifié les Kurdes qui disent qu’ils ne comptent pas se laisser faire.
Les conditions principales que le président turc Recep Tayyip Erdogan avait posées lui ont été accordées dans le mémorandum trilatéral rédigé au terme de trois heures de tractations sous le parrainage du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. C’est ce dernier qui a annoncé l’accord qui fraye le chemin à l’adhésion de ces deux pays jadis neutres, jugeant que l’organisation envoyait « un message au président Poutine », relève Bloomberg. Il a ajouté que si le chef d’Etat russe « voulait moins d’Otan, il en a finalement plus, à ses frontières ».
Aussi bien la Finlande que la Suède vont modifier leurs lois pour inscrire le parti kurde PKK sur leur liste terroriste. D’autres organisations kurdes, dont le YPG syrien, hébergées par ces deux pays scandinaves sont aussi affectées par les mesures qui découleront de cette décision.
Les deux pays candidats ont pris l’engagement de ne fournir aucun soutien aux kurdes syriens [tant aux YPG qu’au PYD, leur vitrine politique] et de « rejeter et de condamner le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations dans les termes les plus forts » et de « condamner sans ambiguïté toutes les organisations terroristes commettant des attaques » sur le sol turc.
Les mêmes dispositions seront appliquées à Fetö, le mouvement associé à Fethullah Gülen, accusé d’avoir concocté la tentative de coup d’état qui a tourné au fiasco en Turquie en
De même, Stockholm et Helsinki vont devoir livrer des dirigeants et activistes kurdes qui vivent sur leur sol à la Turquie, dont l’extradition d’une trentaine de personnes soupçonnées d’être liées au PKK est réclamée par les Turcs aux Suédois.
Elles ont aussi consenti de renforcer leur coopération en établissant des commissions conjointes des services de sécurité et de renseignement avec Ankara qui lui permettront de bénéficier de leurs anciens dossiers et d’obtenir des informations sécuritaires et sur leurs activités de financement et de recrutement.
Par ailleurs, les deux pays européens ont accepté de suspendre l’embargo sur les armes qu’elles avaient imposé à la Turquie depuis 2019, pour son offensive lancée en octobre 2019 contre l’YPG, dans le nord-est de la Syrie.
« À l’avenir, les exportations militaires de la Finlande et de la Suède seront menées dans le respect de la solidarité avec l’Alliance et conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 3 du Traité de Washington », précise la déclaration.
Dans une première réaction kurde à cet accord : le représentant de l’administration autonome du nord-est de la Syrie dans ces pays, Chiar Ali l’a qualifié «d’injuste et de repli par rapport aux principes démocratiques et des droits de l’homme », soulignant que la communauté kurde communiquera avec les autorités pour demander des explications sur ses raisons.
« En ce qui concerne l’extradition, ils ont convenu de trouver un mécanisme de communication avec les suspects de crimes de terrorisme, et conformément à la loi qui entrera en vigueur le 1/07 (1er juillet), nous avons discuté de cette loi avec les autorités compétentes. En premier lieu, en ce qui concerne tous les terroristes et tous ceux qui figurent sur la liste du terrorisme, si un crime est prouvé conformément à la loi suédoise, et non conformément à ce que la Turquie ou tout autre pays exige, la Suède agira conformément aux lois et aux preuves dont elle dispose, c’est le contenu de la décision… Nous communiquerons avec les autorités compétentes et le gouvernement suédois pour expliquer cette loi et comment la mettre en œuvre », a-t-il dit, rapporte l’agence Sputnik.
M. Ali a toutefois déploré une loi « dangereuse et inhumaine ».
« Elle ne fait que détailler la volonté turque qui a imposé la sienne à ces deux pays, et la Suède a reculé sur certains de ses principes en tant que pays démocratique qui accueille des personnes et des personnalités politiques fuyant le fléau de la guerre, du terrorisme et des persécutions politiques et religieuses… La communauté kurde mènera des activités sociales et autres pour s’opposer à l’application de cette décision », a-t-il affirmé.
Selon le Guardian, quelque 100.000 réfugiés kurdes vivent en Suède. Avant l’accord de Madrid, la cheffe du gouvernement suédois social-démocrate, Magdalena Andersson, avait promis à Amineh Kakabaveh, une députée d’origine kurde, que Stockholm ne céderait pas sur les exigences exprimées par M. Erdogan.
Source: Divers