Un verdict inédit en Arabe saoudite : la Justice saoudienne a prononcé la plus longue peine d’emprisonnement jamais infligée auparavant à aucun opposant, et de surcroit à une femme.
Une cour d’appel saoudienne a condamné Salma al-Chehab, une doctorante saoudienne de 34 ans, à une peine de 34 ans de prison pour avoir utilisé Twitter pour aider des opposants politiques qui cherchent à « troubler l’ordre public », selon un document judiciaire vu par l’AFP mercredi 17 août.
Cette mère de deux enfants qui est doctorante en médecine dentaire à l’université de Leeds en Angleterre, avait été arrêtée en janvier 2021 alors qu’elle était en vacances en Arabie saoudite.
Elle a subi un interrogatoire pendant 285 jours selon l’organisation de défense des droits humains ALQST, basée à Londres.
En juin 2022, un tribunal spécial antiterroriste saoudien l’avait condamnée en première instance à six ans de prison, dont trois avec sursis, pour le “crime” d’avoir utilisé Twitter en vue de “provoquer des troubles publics et déstabiliser la sécurité civile et nationale”.
Elle retweetait des dissidents et des militants.
Mais sa peine a été considérablement alourdie le 15 août dernier par le Tribunal pénal d’appel spécialisé, quelques semaines après la visite à la mi-juillet du président américain Joe Biden en Arabie saoudite. La nouvelle peine de 34 ans est assortie d’une interdiction de quitter son pays pour une durée similaire après sa sortie de détention, selon un jugement rendu le 9 août et dont l’AFP a pu consulter une copie mercredi. Le jugement en appel peut être contesté dans les 30 jours devant la Cour suprême.
« Cette affaire est la dernière illustration en date de la manière dont le prince héritier Mohammed ben Salmane cible les utilisateurs de Twitter dans sa campagne de répression, en profitant de son actionnariat indirect majeur dans le réseau social américain via le fonds souverain saoudien », souligne The Guardian.
Selon une traduction des archives judiciaires, consultées par le journal britannique, les nouvelles accusations incluent l’allégation selon laquelle la jeune mère “aidait ceux qui cherchent à provoquer des troubles publics et à déstabiliser la sécurité civile et nationale en suivant leurs comptes Twitter” et en retweetant leurs tweets. Selon The Guardian, Salma Al-Chehab n’était pas une militante de premier plan et “son profil Twitter comptait (seulement) 2 597 abonnés”.
La plus longue peine jamais infligée
ALQST a dénoncé dans un communiqué « la plus longue peine d’emprisonnement jamais infligée par les autorités saoudiennes à un militant pacifique » dans un contexte de « répression déjà excessivement dure ».
Cette organisation précise que la plupart des peines prononcées contre elle se réfèrent au régime de lutte contre les crimes de terrorisme et son financement, et un se référant au régime de lutte contre les délits d’informatique.
Selon l’AFP, Salma Al-Chehab, publiait régulièrement des messages en faveur des droits des femmes dans le royaume ultraconservateur.
Elle « ne pensait pas que son activité sur Twitter pourrait lui causer des problèmes », a raconté à l’AFP une amie de la jeune femme, qui a requis l’anonymat. « On a été surpris par son arrestation. »
La brutalité de MBS renforcée après la normalisation avec l’Occident
ALQST exprime « sa profonde inquiétude quant à la manière et à la raison de l’arrestation de Chehab, ainsi qu’à propos de sa peine de prison, qui dépasse les niveaux de brutalité excessive des autorités en premier lieu ».
L’organisation craint « qu’il ne s’agisse d’une nouvelle tendance que le Les autorités saoudiennes suivront dans la période à venir comme un outil punitif contre tous les détracteurs de sa politique intérieure et extérieure, en particulier après la normalisation des relations diplomatiques entre le prince héritier Mohammed ben Salmane et les dirigeants internationaux, après la forte tension qu’elle a connue à la suite du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi sur ordre de Mohammed ben Salman ».
Lina Al-Hathloul, responsable du département veille et communication de l’ALQST, a déclaré : « Cette terrible peine de prison révèle le mépris et le manque de sérieux des autorités saoudiennes face aux allégations de réforme et de modification des lois et réglementations en faveur des femmes, et montre leur détermination à imposer les peines les plus sévères à ceux qui expriment librement leurs opinions. Des militants saoudiens ont déjà averti les dirigeants occidentaux que la couverture de la légitimité par le prince héritier ouvrira la voie à davantage de violations, ce à quoi nous assistons précisément dans cette affaire et ce à quoi nous verrons peut-être dans la période à venir ».
MBS a « donné de nouveaux droits aux femmes »
Dans les médias occidentaux, le prince héritier Mohammed ben Salmane est salué pour avoir donné à l’Arabie saoudite « de nouveaux droits aux femmes, comme celui de conduire ou de voyager seule ».
Alors que depuis l’avènement de son père le roi Salmane et sa désignation comme ministre de la Défense en 2015 puis comme prince héritier en 2017, le royaume a connu l’une des vagues de répression les plus violentes de son histoire moderne.
Dans sa quête au trône, il s’en est pris à toutes les couches de la société saoudienne: celle des princes de la famille royale et des hommes d’affaires dont un grand nombre ont été dépossédés de leur fortune, celle des responsables gouvernementaux soupçonnés d’être proches des autres clans de la famille royale, celle d’intellectuels et de professeurs universitaires réclamant des réformes pro démocratie, celle des religieux qui pouvaient contester la libéralisation de la société qu’il prônait…
Source: Divers