Dans le face-à-face juridique entre le juge d’instruction Tarek al-Bitar et le procureur général de cassation le juge Mounif Oweidat, les Etats-Unis ont fait fuir le détenu Mohamad Ziad Rateb Auf qui était inculpé dans l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth.
Détenant la double nationalité libanaise et américaine, il était chef du Département de la Sécurité et de la Sureté du port de Beyrouth lorsqu’il a été arrêté il y a deux ans et demi ainsi que 16 personnes inculpées dans cette affaire. Sans jugement depuis.
Sa libération a été arrêtée le mercredi 25 janvier par le procureur général Oweidat, qui a décidé de libérer tous les détenus dans cette affaire au lendemain d’une décision du juge Bitar d’en libérer 5.
Auf a été vu dans la nuit de mercredi à jeudi 26 janvier, en compagnie de son épouse et de ses deux filles, à l’aéroport de Beyrouth, quittant le Liban à destination des Etats-Unis. Il semble que les membres de sa famille qui vivent aux Etats-Unis sont venus spécialement pour l’escorter.
Sa libération ainsi que celle des autres était toutefois conditionnée par une interdiction de voyage.
Certains médias pros américains arguent qu’il a pris la fuite avant que Oweidat ne décrète cette interdiction. Sachant que l’arrêt de l’interdiction de voyage a été rendu public dans la journée du mercredi.
Des médias libanais ont laissé entendre que sa libération et son évasion semblent avoir été préparées d’avance, d’autant que l’envoyé spécial du président américain pour les Affaires des otages Roger Dean Carstens l’avait réclamée. Ainsi que l’ambassade des Etats-Unis au Liban qui l’a plusieurs fois demandé aux autorités libanaises. L’ambassadrice américaine avait rencontré le juge Bitar pour lui demander de le libérer arguant que son arrestation était arbitraire » assure le site d’information et organe du Courant patriotique libre (CPL).
Selon ce dernier, les Etats-Unis avaient menacé d’appliquer la loi Recovery and Hostage-Taking Accountability Act Robert Levinson Hostage qui autorise le président américain à imposer des sanctions de blocage de visa et de propriété à toute personne étrangère responsable ou complice de la détention illégale ou abusive d’un ressortissant américain à l’étranger.
Pour le journal al-Akhbar, le fait que le nom de Auf n’ait pas figuré dans la première liste des 5 personnes dont la libération avait été ordonnée par le juge Bitar n’a été qu’un « mouvement de camouflage » pour faire croire qu’il n’y a pas eu de pression.
Certains observateurs se sont demandés si cette libération n’était pas concertée par les deux juges, en catimini, pour éviter les sanctions américaines.
Selon le site d’information libanais aux capitaux qataris al-Modon, des photos de Auf lui ont été publiées lors de son arrivée aux Etats-Unis où un autre ancien détenu libano-américain l’y attendait.
Nizar Zakka, cet expert en technologies de l’informatique qui était le secrétaire général de l’Organisation arabe pour la technologie des Informations et de communication dont le siège se trouve à Washington avait été arrêté en Iran en 2015, lors de sa participation à une conférence à Téhéran.
Il a été inculpé pour espionnage pour le compte des Etats-Unis et n’a été libéré qu’en 2019 grâce à une médiation libanaise. Selon la télévision iranienne, il avait des liens étroits avec les milieux militaires et des renseignements américains.
Depuis, il préside la Hostage Aid Worldwide qui a, elle aussi contribué à la libération de Auf. Zakka a écrit sur sa page Twitter que ce dernier est rentré chez lui parmi les siens, selon al-Modon. Parlant toujours au nom de Auf, Zakka assure qu’il s’est rendu aux USA pour faire des examens médicaux.
En plus de son évasion, les liens de Auf avec Zakka le rendent encore plus suspect. On ne saura peut-être jamais quel a été son rôle dans l’explosion du port de Beyrouth. Et le rôle des USA…
Cette évasion n’est pas sans rappeler celle de Amer Fakhoury en mars 2020. Officier au sein de la milice collaboratrice avec l’entité sioniste de l’Armée du Liban du sud, il avait causé la mort d’innombrables libanais au sud du Liban avant la libération en l’an 2000.
Source: Divers