Le Premier ministre israélien a bien choisi son moment pour annoncer sa décision à laquelle tous s’attendaient : reporter l’examen parlementaire de sa très contestée réforme de la justice qui vise à conférer au gouvernement un poids plus important dans le choix des juges et à limiter les capacités de la Cour suprême à annuler des lois votées par le Parlement.
Pour la première fois, des dizaines de milliers de partisans à cette réforme étaient descendus quelques heures auparavant dans les rues de la ville sainte d’al-Qods occupée, autour de la Knesset.
Leur rassemblement, devait servir de contrepoids aux manifestations qui se sont poursuivies pendant plus de 12 semaines consécutives, lesquelles faisaient croire que toute la population israélienne était hostile à cette réforme.
Des chiffres de la police israélienne ont recensé près de 300 mille qui se sont rassemblés près de la Knesset dans la nuit pendant que Netanyahu prononçait son allocution télévisée en « prime time ».
Il n’a d’ailleurs pas manqué à la fin de son discours de leur rendre hommage, assurant son engagement à faire adopter la réforme coûte que coûte.
Un report de l’adoption de la réforme
En effet, au cours de son discours, Netanyahu n’a concédé que le report de l’adoption définitive des différents projets de loi de la réforme en deuxième et troisième lectures, à la prochaine session parlementaire devant s’ouvrir après les fêtes de la Pâque juive. C’est-à-dire du 5 au 13 avril.
Ce report avait été négocié avec son ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, issu de l’aile ultra-nationaliste, auquel il lui avait aussi promis un accord pour former une Garde nationale – une démarche condamnée par l’opposition, selon laquelle cela offre à Ben-Gvir une milice personnelle.
Dans son allocution, Netanyahu n’a admis que vouloir négocier avec les partis contestataires pour « parvenir à un consensus large » sur la réforme, décrivant sa décision comme «une chance d’éviter une guerre civile » et affichant sa «volonté d’éviter un déchirement de la nation ».
Mais rien dans son discours ne présage qu’il a renoncé à la réforme.
Opposition sceptique
Du côté des chefs de l’opposition, l’accueil est plutôt sceptique.
Après le discours, Benny Gantz (Centre-droit), a déclaré “mieux vaut tard que jamais”, tout en indiquant n’être disposé à aucun compromis sur “les bases de la démocratie”.
De même de la part de Yaïr Lapid qui a annoncé être « prêt à un véritable » dialogue, mais à certaines conditions, rappelant les « mauvaises expériences dans le passé et nous allons donc d’abord nous assurer qu’il n’y a pas de ruse ou de bluff ».
Ils appréhendent un coup monté de la part de Netanyahu qui en est coutumier.
Par le passé, jugé pour des accusations de corruption qu’il rejette, il avait garanti qu’il protégerait les droits civiques, tout en déclarant qu’il ne modifierait pas le cœur de la réforme. Engagement qu’il n’a pas observé.
Et puis ce mardi, quelques heures ares avoir annoncé le report de la réforme, son cabinet a déposé sur la table du secrétariat de la Knesset, en préparation d’un vote, un projet de loi, qui vise à modifier la composition du Comité de nomination des juges et le contrôle de la coalition gouvernementale sur celui-ci. Une démarche qualifiée de « mesure strictement technique ».
Manifestations contre manifestations?
L’une des chefs de file de la contestation, Shikma Bressler, a accusé Benjamin Netanyahu de tenter d’affaiblir le mouvement. “Il n’est pas l’heure d’atténuer la pression, mais de l’accentuer”, a-t-elle dit.
En effetSelon Reuters, les chefs de file du mouvement de contestation sont d’accord pour poursuivre les manifestations jusqu’à l’abandon du projet.
Alors que le mouvement de grève décrété lundi a été suspendu après le discours de Netanyahu, les manifestations se sont poursuivies. Elles devraient avoir l’effet persuasif sur la table des négociations.
En contrepartie, à A prévoir aussi des manifestations de la part des partisans de la réforme et par conséquent d’éventuelles frictions comme cela s’est passé dans la nuit de lundi à mardi. Pour la première fois.
Nul doute que les prochaines semaines illustreront avec le plus de précision l’ampleur la scission qui divise la société israélienne et surtout qui est le camp le plus majoritaire.
Curieusement, Netanyahu a choisi d’ouvrir son discours en racontant l’histoire du roi Salomon (Soleiman) avec les deux femmes qui revendiquaient la maternité d’un bébé et comment lorsqu’il leur a proposé de le couper en deux pour en donner une partie à chacune, l’une d’entre elles s’est insurgée acceptant de le donner tout entier à l’autre. Et laquelle s’est avérée être la vraie mère.
Au moment où la maternité du bébé, métaphore d’Israël, nécessite des concessions, il transparait qu’aucun de ces deux camps n’est disposé à les admettre. Pour chacun d’entre eux, plus que jamais, c’est l’identité de leur entité qui en dépend. Ou alors le bébé serait-il déjà coupé…
Source: Divers