Une entreprise française spécialisée dans la cyberdéfense a vendu des logiciels espions à des pays autoritaires, ayant notamment permis de surveiller des opposants, selon une enquête collective publiée jeudi de plusieurs médias internationaux dont le site français Mediapart.
« Le groupe français Nexa a vendu le logiciel espion Predator, capable de pirater les téléphones portables, à au moins trois autocraties: l’Égypte, le Vietnam et Madagascar », montrent les documents obtenus par Mediapart et Der Spiegel, dans le cadre d’une enquête coordonnée par le réseau European Investigative Collaborations (EIC).
Predator a été conçu par Intellaxa, un groupe piloté par des anciens des services secrets israéliens surtout basé en Europe, et déjà visé par des sanctions américaines en juillet.
Nexa a aussi fourni « d’autres matériels d’espionnage, dont un système de surveillance de masse de l’Internet, à de nombreuses autres dictatures, sous le regard complaisant des services secrets français, et sans que l’État y trouve à redire », accuse Mediapart qui cite par exemple le Qatar, le Congo Brazzaville, les Émirats arabes unis et le Pakistan.
Selon les auteurs de l’enquête, « les autorités ne peuvent ignorer que ces régimes illibéraux acquièrent ce matériel de pointe pour surveiller, réprimer, parfois emprisonner ou tuer leurs opposants politiques, des journalistes et des militants des droits de l’homme ».
Accusée d’avoir vendu du matériel de cybersurveillance au régime du président Al-Sissi en Egypte qui lui aurait permis de traquer des opposants, la société Nexa et quatre de ses dirigeants avaient effectivement été mis en examen en novembre 2021. La justice avait toutefois annulé ces inculpations en décembre 2022 pour les placer sous le statut de témoin assisté, éloignant ainsi la menace d’un procès à leur encontre, selon des sources judiciaires à l’AFP.
Le sujet des logiciels espions privés a surgi sur le devant de la scène internationale à la suite des révélations en cascade autour du logiciel Pegasus, exporté par la société israélienne NSO Group.
En juillet 2021, une enquête coordonnée de plusieurs médias avait révélé une liste de plus de 50.000 noms d’individus susceptibles d’avoir été surveillés via Pegasus. Ces allégations ont déclenché des scandales et des procédures judiciaires dans plusieurs pays.
« Les révélations +Predator Files+ (…) nous apprennent que la France et de nombreuses démocraties européennes ne se comportent guère mieux, en laissant ces industriels de l’espionnage prospérer au mépris des droits humains les plus élémentaires », affirme Mediapart.
Source: AFP