Le martyre de Mohamad Samer Jaber, du nom de résistant Abou Shouja‘, « le brave », a été annoncé vendredi, par le Jihad islamique 10 heures après de rudes combats dans les axes du camp Nour Shams. Situé à l’est de la ville de Tulkarem, au nord de la Cisjordanie occupée, il avait été auparavant assiégé, depuis la nuit, pendant 18 heures, lors d’une énième incursion israélienne contre la ville de Tulkarem, puis a été attaqué à son tour.
C’est « la plus importante et la plus violente des 22 incursions réalisées par les forces d’occupation israélienne durant ces deux dernières années », décrivent les médias palestiniens. Cette fois-ci, les bulldozers israéliens D9 y ont saccagé la totalité de son infrastructure et une bonne partie de ses maisons.
Assiégé par l’unité de l’armée d’occupation israélienne, Lotar, pour la « lutte antiterroriste », qui a été assistée par des éléments du Shin Bet et de l’unité des gardes-frontières, tous ses axes étaient le théâtre de combats qui faisaient rage.
Face aux colonnes de véhicules militaires, les résistants ont eu recours aux engins piégés et aux accrochages aux mitrailleuses, endommageant plusieurs d’entre eux. L’armée d’occupation a reconnu qu’un officier et 3 soldats ont été blessés dont deux grièvement. En même temps, ils jouaient au chat et à la souris pour fuir les drones et les snipers deployés sur les toits des maisons, destinés à les traquer et les éliminer.
Durant ces deux dernières années, sur les 40 jeunes résistants palestiniens tombés en martyrs à Tulkarem, la moitié à peu près résidaient dans ce camp. Ils avaient fondé la célèbre Brigade de Tulkarem, affiliée a l’organisation palestinienne de résistance Jihad islamique. Elle s’était distinguée par ses opérations en dehors du camp, contre des soldats israéliens sur les lignes de démarcation et les barrages israéliens, notamment ceux avoisinant le mur de séparation, à l’ouest de la ville de Tulkarem.
L’un de ses combattants les plus célèbres a été Sayf Abou Labdat qui est devenu un héros et une icône de la lutte contre l’occupation après être tombé en martyr en avril 2022. Il était devenu célèbre après une tentative d’une force spéciale israélienne qui voulait le capturer et qui s’était soldée par un échec. Celle-ci avait été détectée d’avance et des échanges de tirs ont éclaté au cours desquels Sayf il avait blessé 4 soldats dont un officier touché grièvement à la poitrine, dans son véhicule.
Lui a succédé Abou Shouja‘, libéré quelque temps après son martyre. Il a développé l’action résistante dans le camp en recrutant davantage de jeunes dans ses rangs.
Originaire de la ville de Haïfa occupée par Israël, la famille de Mohammad qui en avait été expulsé en 1948 s’était installée à Nour Shams. Il faisait partie d’une fratrie de 5 garçons. Il n’a pu poursuivre ses études scolaires et s’est consacré à la résistance, hanté qu’il est, comme son peuple, par la répétition du scénario de l’usurpation, de l’expulsion et de l’exode. Il a été arrêté une première fois à l’âge de 17 ans. Puis à deux reprises. Il a passé en tout 5 années dans les prisons de l’occupation israélienne. Il a aussi été arrêté deux fois par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne.
L’occupation a arrêté deux de ses frères : son aîné Ouday, qui a été libéré depuis deux mois et le plus jeune Ahmad, encore incarcéré depuis deux ans.
Il a perdu un troisième frère, Mahmoud, qui est tombé en martyr en décembre 2023, il y a 4 mois, lors d’une incursion meurtrière de 12 heures dans le camp, dans un raid de drone, avec 4 autres jeunes combattants. Blessé légèrement, les soldats israéliens l’ont laissé saigner pendant 6 heures jusqu’à son martyre. Comme son frère, il était traqué depuis plusieurs mois.
« C’est la voie que mes fils ont tracée par leur résistance et l’ont empruntée. Ils étaient conscients que leur destin est soit la victoire soit le martyre. Le retour à la patrie et la victoire ne se réalisent que par le sang et les martyrs. Il n’y a pas d’autre voie », avait confié pour al-Jazeera son père Samer Jaber, Abou ‘Ouday, après le martyre de Mahmoud.
« Abou Shouja‘ avait été très affecté par le martyre de son frère Mahmoud. Mais ceci ne l’a pas dissuadé de poursuivre sa résistance. Il me disait toujours : Sois toujours fier de tes fils », a-t-il révélé vendredi pour la même chaine qatarie, après celui de Mohammad.
Il avait écrit ce jour-là sur sa page Facebook : « J’a vu dans ses yeux qu’il me disait de continuer la voie, avant que son cœur ne cesse de battre… Par Dieu nous allons suivre la marche jusqu’à la victoire ou le martyre… La bannière de Dieu restera brandissant, au plus haut, jusqu’à ce qu’Il autorise une victoire éclatante. Que Dieu t’accorde Sa miséricorde, mon compagnon de route et compense ta jeunesse au paradis ».
Ces deux dernières années, Mohamad était traqué comme jamais, après avoir refusé à plusieurs reprises de se rendre pendant les incursions israéliennes précédentes, au cours desquelles sa maison familiale avait été perquisitionnée et saccagée des dizaines de fois. Dans l’une d’entre elles, elle a été détruite partiellement. Il y a 5 mois, l’occupation l’a fait sauter entièrement et déplacé une énième fois les membres de sa famille.
Dans les médias israéliens, Abou Shouja‘ est qualifié comme étant « l’un des plus grands recherchés », l’accusant « d’avoir déstabilisé le nord de la Cisjordanie ». Il était « un symbole et un chef », le décrivent-t-ils aussi.
« Les dernières minutes qui ont précédé la dernière incursion israélienne le jeudi, il était au summum de sa vitalité et de sa joie. C’est comme s’il disait Adieu à toute cette vie ici-bas. Il s’était acheté des glaces aves ses amis résistants, pour célébrer. Lorsque les soldats ont lancé l’assaut contre le camp, il m’a demandé de partir et m’a fait ses derniers adieux », raconte aussi son père.
Après des heures de combats « héroïques », il s’était abrité dans un bâtiment avec trois de ses compagnons lorsqu’un drone l’a bombardé. Est également tombé en martyr son compagnon de route, Salim Ghannam, dont deux frères étaient tombés en martyrs le 19 octobre dernier.
Après son martyre, les mosquées de Tulkarem, Jénine, Naplouse et d’autres villes de la Cisjordanie lui ont rendu hommage et décrété une grève générale les vendredi et samedi.
Le média palestinien Quds a rapporté après son martyre, qu’il lui avait demandé un jour, pendant ces deux années de traque ce qui se passerait s’il l’occupation le tuait, il lui avait répondu : « si l’occupation me tue ou tue quelqu’un d’autre, on continuera. Jusqu’à la libération de la terre. Inchallah ».
Dans toutes les interviews qu’il accordait aux médias palestiniens, il revenait sur la même phrase : « Le tronc de la Brigade se renforce par le martyre de chacun d’entre nous. Ce qui renforce notre force et notre détermination. Et nous continuerons ».
Une équation et une conviction que partagent tous les combattants de la résistance palestinienne, plus que jamais pendant ces jours où toute la bande de Gaza est martyrisée par la guerre génocidaire israélienne. Elle est aussi celle de leurs soutiens, libanais, irakiens, yéménites et iraniens,syriens,… acteurs de l’Axe de la résistance.
Source: Divers