Une marée humaine en deuil a accompagné lundi à Téhéran les cercueils du général Qassem Soleimani, le commandant le plus populaire d’Iran, et de ses compagnons d’armes tués par une frappe américaine en Irak le 2 janvier.
Comme à Ahvaz dans le sud-ouest de l’Iran et Machhad dans le nord-est la veille, les habitants de Téhéran se sont déplacés en masse pour honorer le général iranien, au lendemain de l’annonce par Téhéran d’une nouvelle réduction de ses engagements internationaux en matière nucléaire sur fond de tensions exacerbées avec Washington.
Sous un soleil glacial, 5 millions d’Iraniens ont envahi les avenues Enghelab (« Révolution » en persan), Azadi (« Liberté ») et leurs alentours, agitant moult drapeaux rouges (couleur du sang des « martyrs ») ou iraniens, mais aussi libanais ou irakiens.
Portrait de leur héros souriant en main, elle s’est amassée aux abords de l’Université de Téhéran.
Visiblement ému, l’ayatollah Sayed Ali Khamenei, guide suprême d’Iran, a prononcé une courte prière en arabe devant les cercueils contenant les restes du général Soleimani, de l’Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi (paramilitaires irakiens anti-Daesh et anti-occupation US), et de quatre autres Iraniens.
Figure charismatique en Iran, le général Soleimani était le chef de la Force Qods, unité d’élite chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution, et à ce titre le chef de l’axe de Résistance dans la région.
« Faire trembler l’Amérique, Israël »
« C’était un héros. Il a vaincu Daech », déclare à l’AFP une trentenaire parmi la foule. « Ce que l’Amérique a fait, est sans conteste un crime. »
« Voici notre message pour l’Amérique: nous vous frapperons, nous vous ferons payer pour le sang versé par votre faute », dit Mehdi Ghorbani, fonctionnaire venu avec sa femme et son enfant.
Depuis le matin, la foule alterne entre moments de recueillement et de tristesse intense marqués par de profonds silence à l’écoute et d’élégies interprétées par des célèbres chanteurs religieux, et explosion de colère aux cris de « Mort à l’Amérique », « Mort à l’Amérique ».
C’est le cas notamment, lorsque la fille de Soleimani, Zeinab, déclare que « le martyre de (son) père entraînera un regain de résistance et fera trembler l’Amérique et Israël ».
Présent à Téhéran, le chef du bureau politique du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, électrise lui aussi la foule.
Un homme porte un bandeau « #hard_revenge » (#vengeance_terrible en anglais) alors que d’autres panonceaux, en anglais également, appellent à venger Soleimani.
On entend aussi des « Mort aux Saoud », la dynastie régnant en Arabie saoudite, allié des Etats-Unis.
Le général de l’amour submergé par une marée humaine
Faisant état de « plusieurs millions » de personnes dans la rue, la télévision d’Etat iranienne a parlé d’une « résurrection sans précédent de la capitale iranienne ».
Rendant compte de l’engouement suscité par la venue de la dépouille du général Soleimani à Machhad dimanche soir, le quotidien réformateur Arman titre lundi « Le général de l’amour submergé par une marée humaine ».
L’ultraconservateur Kayhan parle lui en Une d' »un cri unanime à travers la communauté musulmane »: « Vengeance, vengeance! »
Depuis la mort du général Soleimani le monde entier redoute une grave escalade.
Téhéran a promis une « riposte militaire », une « dure vengeance » qui frappera « au bon endroit et au bon moment ».
Alors que les appels à la « désescalade » et à la « retenue » émanant de nombreuses capitales dans le monde se multiplient, le président américain Donald Trump ne fait rien pour apaiser les inquiétudes.
Si l’Iran fait « quoi que ce soit, il y aura des représailles majeures », a-t-il lancé dimanche.
Trump a également évoqué la possibilité d’imposer des sanctions « très fortes » à l’encontre de Bagdad après le vote dimanche par le Parlement irakien d’une résolution demandant l’expulsion des troupes américaines d’Irak. L’Iran a salué cette décision.
Source: Avec AFP