Profitant de la crise économique et brandissant l’arme des sanctions, les dirigeants saoudiens et leurs alliés des pays du Golfe s’acharnent contre le pays du cèdre, multipliant leurs diktats qui menacent non seulement sa souveraineté mais aussi l’un des principes fondateurs du système libanais : la liberté politique et médiatique.
Le plus récent épisode a été la campagne saoudienne contre le ministre de l’Information George Kordahi qui a été poussé à la démission pour avoir critiqué la guerre contre le Yémen.
Dans la continuité de cet évènement, voilà que les Bahreïnis prennent le relais sur une autre affaire, réclamant l’expulsion d’opposants bahreïnis résidants au Liban.
Le samedi 11 décembre, des membres de l’Association bahreïnie de l’opposition al-Wefac avaient organisé une conférence à Beyrouth. Les intervenants, des experts en droits de l’homme y ont exposé les violations des droits de l’homme dans leur pays, réclamant une amnistie pour ouvrir la voie de la réconciliation.
Sans tarder, Manama a vivement exprimé sa protestation par la voix de son Premier ministre qui a contacté son homologue libanais Najib Mikati. Et celui-ci a demandé au ministre de l’Intérieur Bassam al-Moulawi d’ordonner à la direction de Sécurité générale de prendre les mesures nécessaires pour expulser les membres bahreïnis de l’association al-Wefaq, sous prétexte que la rencontre qui avait été organisée «porte atteinte à la relation du Liban avec le royaume bahreïni frère et qu’elle est nuisible aux intérêts de l’Etat Libanais ».
Cet engouement de façade pour les intérêts du Liban ne trompe personne. Il est clair pour de nombreux observateurs et une grande partie de l’opinion libanaise que les efforts des pays du Golfe conduits par l’Arabie ont pour but de confisquer au Liban sa souveraineté et son indépendance. Cette-cois, ils visent la liberté d’action et d’expression au pays du cèdre, surtout lorsqu’il s’agit de critiquer les pays du golfe.
Paradoxalement, ce traitement n’est pas réservé à ceux qui adoptent les points de vue pro pays du golfe et pro américains, dont les ONG qu’ils financent s’attellent nuit et jour, à diaboliser le Hezbollah et l’Iran.
« La décision de Mikati constitue un danger sans précédent à la liberté d’action des organisations des droits de l’homme », a déploré le quotidien libanais al-Akhbar dans sa dernière édition.
Sur les réseaux sociaux, les ripostes sont outragées dans le milieux pro résistance et au delà. Elles sont signées du hachtag : nous#tous#libres#Bahrein.
« Le Liban : d‘une arène de la liberté d’opinion et d’expression à une prison dirigée par un régime dictateur et autoritaire », a tweeté le journaliste Ahmad Yassine.
« Monsieur le ministre de l’intérieur, en tant que citoyenne libanaise je te demande d’expulser tous ceux qui incitent contre la résistance honorable parmi les non Libanais qui ont soutenu l’ennemi dans la guerre de juillet 2006 pour nous décimer. Oses-tu le faire », a écrit la journaliste Zeinab Awada sur sa page Twitter.
« La décision d’expulser les opposants aux régimes de la normalisation, sir elle est exécutée devrait être confrontée par l’expulsion de tous ceux qui collaboré un jour avec l’ennemi usurpateur », a écrit cheikh Chafik Jradé, un religieux libanais.
« Nous sommes face à une tentative de changer la face du Liban et sa spécificité de la part des royaumes golfiques de la répression et à l’intérieur de la part de responsables qui ont pris l’habitude de se plier par peur ou par convoitise aux dépens de la dignité et de la souveraineté », a tweeté la journaliste Bouthayna Ollaik.
« Nos maisons sont ouvertes pour tous les gens du Bahreïn », a tweeté le journaliste Hussein Mortada. Et de poursuivre d’un ton moqueur : « le ministère des AE saoudien a envoyé un message de protestation au ministre libanaise des AE en raison de la joie qui a été exprimée au Liban pour la victoire de l’équipe du Yémen et Mikati ordonne a son ministre de l’intérieur de surveiller et punir tous ceux qui ont souri ou ont exprimé une quelconque joie ».
La semaine passée, l’équipe nationale junior du Yémen a remporté le match contre l’Arabie saoudite dans le cadre de la Finale de la coupe de championnat d’Asie de l’ouest pour les .
« S’il en est ainsi, il faudra demander l’expulsion de tous les membres de l’opposition syrienne », a objecté sur Twitter le journaliste Hassan Sakr.
Même la directrice d’information d’une télévision locale al-Jadid, Mariam al-Bassam n’a pu s’empêcher le ton sarcastique qui lui est propre, quoique sa télévision n’est pas pro Hezbollah.
« Concernant Khaled Mechaal, qu’allez-vous nous conseiller de faire vous les Arabes. Quelle est votre classification ? On fête sa venue ou on lui demande de partir ? », a-t-elle écrit en allusion à la visite que le responsable du Hamas devrait faire au Liban.
Plus est-il la décision du Premier ministre libanais va à l’encontre des accords que le Liban a ratifiés, lesquels interdisent le rapatriement de citoyens arabes ou étrangers qui pourraient être victimes de torture dans leur pays, a averti le centre Khiam pour le rétablissement des victimes des tortures.
Il faut croire que MBS se permet tout au Liban. Sans vergogne. Depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie, dont il en est sorti indemne, les condamnations internationales étant restées strictement verbales. Et depuis l’affront qu’il a infligé à l’ex-Premier ministre libanais Saad Hariri, l’allié de son pays de longue date et détenant la nationalité saoudienne.
Arrêté en 2017 en Arabie saoudite, il a été insulté et contraint à présenter sa démission. Relâché sous la pression des dirigeants et de l’opinion publique libanaises, il lui a été strictement interdit de se rendre au royaume, ses sociétés ont été poussées vers la faillite, et ses biens ont été confisquées puis vendus aux enchères à son insu.
Le spectre de Hariri doit certainement planer sur le Premier ministre actuel, ce qui explique sa volonté insatiable de satisfaire aux caprices du prince héritier saoudien et à ses alliés golfiques. Dans une soumission humiliante qui fait craindre le pire: « la saoudinisation de la vie politique au Liban », selon les termes d’al-Akhbar
Jusqu’à présent le Hezbollah n’a pas réagi officiellement à sa décision. Il est d’autant plus concerné que les opposants bahreïnis se trouvent au Liban sous son égide. Et il semble exclu que leur sort aille dans le même sens que celui de M. Kordahi. Plusieurs fois ses responsables ont mis en garde que rien n’assouvira la volonté de vengeance de l’Arabie et des pays du Golfe qui ne pardonnent pas au Liban sa résistance contre ‘Israël’. Car en fin de compte c’est là que le bât blesse la bête.
Source: Divers