Un jeune étudiant franco-canadien aux idées nationalistes est soupçonné d’être l’auteur de l’une des pires attaques contre la communauté musulmane au Canada, après avoir abattu dimanche par balle six fidèles dans une mosquée de Québec.
Alexandre Bissonnette, 27 ans, étudiant en science politique à l’université Laval voisine de la mosquée, avait été interpellé peu après le drame qui a également fait huit blessés, dont cinq dans un état grave.
Vêtu d’une combinaison blanche, le jeune homme est sorti menotté d’une voiture de police avant d’être présenté à un juge lundi soir.
« Le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a porté 11 chefs d’accusation à l’encontre d’Alexandre Bissonnette », a déclaré Jean-Pascal Boucher, porte-parole du DPCP.
Les 11 chefs d’inculpation correspondent aux « meurtres avec préméditation » des six fidèles abattus pendant la prière et aux « tentatives de meurtres avec arme à feu » pour les cinq blessés graves lors de la fusillade.
Avec 80 policiers sur place, l’enquête se poursuit afin de rassembler des éléments pouvant mener dans les prochains jours à une inculpation pour « terrorisme » et atteinte à la sécurité nationale, a précisé la Gendarmerie royale du Canada (GRC, police fédérale).
Idées nationalistes
Près de 24 heures après la tragédie, beaucoup de questions restaient en suspens, principalement sur les raisons qui ont poussé ce jeune homme à tirer sur des fidèles dans un lieu de culte situé à moins d’un kilomètre de son domicile dans le quartier Sainte-Foy à Québec.
Ses idées nationalistes et le partage sur ses réseaux sociaux, fermés depuis, des propos du président américain Donald Trump donnent un premier éclairage sur un geste condamné unanimement dans le monde.
« C’est avec douleur et colère que nous apprenons l’identité du terroriste Alexandre Bissonnette, malheureusement connu de plusieurs militants à Québec pour ses prises de positions identitaires, pro-Le Pen et anti-féministes à l’université Laval et sur les réseaux sociaux », a dénoncé sur Facebook le collectif Bienvenue aux réfugiés – Ville de Québec.
Si la police avait d’abord fait état de deux suspects, la progression de l’enquête a permis de blanchir un autre étudiant d’origine marocaine interpellé alors qu’il sortait de la mosquée juste après la fusillade.
Les policiers ont interpellé Mohamed Belkhadir, qui a expliqué au journal La Presse avoir fui par peur. Il a été remis en liberté plus tard, considéré par les enquêteurs comme un simple témoin.
Six binationaux
Les six personnes tuées étaient toutes des Canadiens binationaux, a indiqué Mohamed Labidi, vice-président du Centre culturel islamique de Québec.
Un Marocain, deux Algériens, un Tunisien et deux Guinéens ont perdu la vie, a-t-on appris de sources officielles. Ils étaient âgés de 39 à 60 ans, a annoncé le médecin légiste.
Les premiers appels sont arrivés au 911, numéro d’appel d’urgence, à 19H55, a expliqué Denis Turcotte, inspecteur de la police de Québec.
Des effectifs policiers ont alors été très vite déployés autour du petit bâtiment abritant le lieu de culte, au coeur du quartier résidentiel Sainte-Foy, à une dizaine de kilomètres à l’ouest du centre historique de la ville de Québec.
Environ une demi-heure après la fusillade, un homme a appelé la police en disant « qu’il était impliqué dans l’incident » et voulait se rendre, a expliqué Martin Plante, officier de la GRC.
Ce drame vient jeter une ombre sur l’image d’un Canada inclusif qui a accueilli quelque 40.000 réfugiés syriens en un peu plus d’un an. Sur les 36 millions d’habitants au Canada, environ 1,1 million sont de confession musulmane.
« Nous n’allons pas répondre à la violence par la violence. Face à la peur et à la haine, nous répondrons par l’amour et la compassion », a déclaré lundi le Premier ministre Justin Trudeau devant la Chambre des députés.
Un peu après 18h30 locale (23h30 GMT), le chef de gouvernement et son épouse Sophie Grégoire ont assisté à une veillée en face de la mosquée Sainte-Foy, entourés de plusieurs responsables politiques et de représentants de toutes les confessions.
Cette veillée a rassemblé quelques milliers de personnes par un froid glacial, avec des bougies, des fleurs et des messages de condoléances.
D’autres veillées étaient organisées dans plusieurs villes canadiennes comme à Montréal et Toronto.
A Paris, la Tour Eiffel s’est éteinte à minuit en mémoire des victimes.
Avec AFP