Cherche gouvernement désespérément, acte II. L’alliance des forces de gauche en France a dénoncé jeudi « l’inaction grave et délétère » du président Emmanuel Macron, à la veille d’une réunion à l’Elysée censée conduire à la nomination d’un Premier ministre.
Finie la trêve des Jeux olympiques, retour à la réalité d’une France fragmentée et exaspérée.
L’impérieuse nécessité d’accoucher, au 1er octobre, d’un budget pour 2025 met l’échiquier politique au défi de dépasser ses divisions et bâtir une coalition, fut-elle bancale, pour succéder au gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal.
Et jeudi, les représentants du Nouveau Front populaire (NFP) et leur candidate au poste de Première ministre, la haute fonctionnaire Lucie Castets, 37 ans, ont réaffirmé leur volonté de gouverner après être sortis en tête des législatives le 7 juillet avec 193 députés, loin toutefois de la majorité absolue (289).
Dans un courrier aux Français, les leaders de gauche (gauche radicale, socialistes, écologistes et communistes) ont déploré que le chef de l’Etat « tergiverse plutôt que de tirer les conséquences » des élections.
« Il est plus que temps maintenant de passer à l’action: comme dans toutes les démocraties parlementaires, la coalition arrivée en tête doit pouvoir former un gouvernement et se mettre au travail », martèlent les représentants du NFP. « Nous sommes prêts », affirment-ils.
« Combien de temps allons-nous continuer comme si rien ne s’était passé au début de l’été ? », interrogent les signataires, pour qui le scrutin « oblige en premier lieu celui qui l’a provoqué ». Une référence à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, au soir de sa débâcle aux européennes.
La situation est d’autant plus tendue que la gauche promet une politique de rupture, avec notamment augmentation du salaire minimum et abrogation de la très impopulaire réforme des retraites.
Et que Gabriel Attal, resté en poste depuis six semaines pour expédier les affaires courantes, a déjà envoyé les lettres-plafond octroyant leurs crédits aux ministères. « Pur scandale », « coup de force », a vociféré la gauche.
Vendredi, la réunion entre M. Macron et des chefs de partis et groupes parlementaires promet donc d’être explosive.
Ces consultations ont pour but « de savoir dans quelles conditions » les forces politiques peuvent définir une « majorité large », a expliqué l’Élysée jeudi, assurant que le président était « du côté des Français, garant des institutions et surtout de l’expression de leur vote ».
Il n’en exclut pas moins, jusqu’à présent, de nommer Lucie Castets. Et le camp présidentiel, la droite comme le Rassemblement national (RN, extrême droite) menacent d’une motion de censure tout gouvernement comprenant des ministres issus de La France insoumise (LFI).
« La stabilité », c’est « la capacité pour un gouvernement à ne pas tomber à la première motion de censure déposée », insiste-t-on à cet égard à l’Elysée.
Le RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella, troisième grande force politique du pays avec ses alliés, sera de son côté reçu lundi. Mais il refuse de participer à un quelconque gouvernement de coalition.
Jamais en France un président n’avait pris autant de temps pour nommer un chef de gouvernement au terme d’élections législatives.
Jamais non plus une Assemblée aussi fragmentée n’avait à ce point compliqué l’émergence d’une majorité. « Une Assemblée qui rompt totalement avec les habitudes de la Ve République. Personne ne sait trop comment l’appréhender », observe un négociateur.
Pendant ce temps, les partis de gauche tenaient, chacun de leurs côtés, leurs traditionnels séminaires de rentrée, appelés « universités d’été ». L’occasion pour Lucie Castets, inconnue du grand public, d’enchaîner les apparitions.
Acclamée jeudi chez les écologistes, elle s’exprimera devant les communistes vendredi puis chez les insoumis samedi. Avant de conclure son tour de France le week-end suivant chez les socialistes.
Depuis deux mois, les quatre formations ont péniblement tenté de faire taire leurs incessantes querelles pour bâtir le NFP, dont nul n’attendait la victoire aux élections.
Mais la coalition vient de reprendre du plomb dans l’aile, avec la menace unilatérale de LFI de demander la destitution du chef de l’Etat. Une initiative qui a très peu de chance d’aboutir et qui n’a mobilisé aucune autre des forces de gauche.
Source: AFP