Par petits groupes, des centaines de familles et de militants sionistes religieux partis de la ville de Sderot (au sud-ouest d’Israël) se sont dirigés mercredi après-midi vers le pont d’observation d’Asaf Siboni, d’où l’on peut clairement distinguer, dans un paysage apocalyptique, les ruines de la ville palestinienne de Beit Hanoun.
A moins de 500 mètres de la bande de Gaza, des adolescentes arboraient une pancarte : « Gaza est à nous pour toujours ! ».
« C’est dans cette zone que se situait l’implantation juive de Nissanit avant le désengagement », explique un jeune, sur un ton nostalgique, à la foule qui contemple la frontière. « Il suffit de traverser la route », souligne-t-il.
Parmi les marcheurs, les drapeaux israéliens frappés de l’étoile de David se mêlent à ceux orange du Gush Katif, un ensemble de 21 colonies israéliennes (abritant environ 8.000 personnes) qui étaient installées dans la bande de Gaza depuis l’occupation de la bande de Gaza en 1967. Elles ont été démantelées en 2005 avec le retrait unilatéral décidé par le Premier ministre d’alors Ariel Sharon, dans le cadre de la « loi 2005 » votée par la Knesset, sur le désengagement à Gaza et en Cisjordanie.
Cette loi dont l’exécution s’est limitée à la bande de Gaza et non à la Cisjordanie où la colonisation s’est poursuivie à des rythmes irréguliers a été abrogée, avec l’avènement du gouvernement de la coalition entre le Likoud, les partis d’extrême-droite et ultra religieux. Ceci a eu lieu, en mars 2023, quelques mois avant l’attaque du 7 octobre et le lancement de la guerre israélienne contre Gaza.
« Plus proche que jamais »
Depuis, une frange de la société israélienne, petite mais très active, réclame la réinstallation de colonies juives sur le territoire palestinien ravagé par 21 mois de guerre au cours de laquelle Israël a tué plus de 60.000 Palestiniens selon le ministère de la Santé à Gaza.
Officiellement et officieusement, le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, avançait que l’opération à Gaza a été lancée pour détruire le Hamas et sauver les otages israéliens, et non pour rétablir les colonies.
Mais, le 29 juillet, Netanyahu a proposé lors d’une réunion restreinte avec plusieurs ministres d’annexer certaines parties de la bande de Gaza attribuant cette décision au refus du Hamas d’accepter certaines conditions pour le cessez-le-feu, dont le maintien des troupes israéliennes dans l’enclave.
Les potentiels colons affirment ainsi avoir eu des discussions avec des membres radicaux de la coalition au pouvoir et croient désormais en une opportunité politique, même si la réoccupation est considérée comme illégale au regard du droit international.
Le ministre des Finances d’extrême-droite Bezalel Smotrich a notamment promis mardi : « C’est plus proche que jamais. C’est un plan de travail réaliste. Nous n’avons pas sacrifié tout cela pour transférer Gaza d’un Arabe à un autre Arabe. Gaza est une partie indissociable de la terre d’Israël. Je ne veux pas retourner à Gush Katif, c’est trop petit. Il faut que ce soit beaucoup plus grand. Gaza nous permet aujourd’hui de voir un peu plus grand », a-t-il lancé.
Le ministre israélien d’extrême droite, Amichai Eliyahu, a ouvertement admis que le régime procédait à un nettoyage ethnique dans la bande de Gaza pour mettre en place des colonies. « Grâce à Dieu, nous éradiquons ce fléau. Toute Gaza sera juive », a-t-il assuré dans une interview diffusée le jeudi 24 juillet sur la radio Kol Berama.
6 ministres et 18 députés pour la réimplantation
Parmi les marcheurs mercredi, les anciens habitants du territoire côtier, le cœur encore gros d’une éviction jamais digérée, côtoient de nouveaux convertis.
Comme d’autres, qui filment la frontière, la militante Daniella Weiss, cheffe du mouvement pro-colonie Nahala, est venue ici en repérage.
Elle décrit au député Likoud Shlomo Karhi, qui a fait le déplacement, les plans pour l’établissement d’une nouvelle colonie à Gaza.

Avec une dizaine de députés de droite, des familles d’otages et des familles endeuillées, tous deux ont signé une lettre envoyée au ministre de la Défense, réclamant une visite immédiate de « préparation » pour l’établissement de cette colonie juive.
Selon les médias israéliens, la lettre a été signée par six ministres du gouvernement israélien, tous issus des partis de droite et d’extrême droite : Itamar Ben Gvir (Sécurité nationale, Otzma Yehudit), Shlomo Karhi (Communications, Likoud), May Golan (Égalité sociale, Likoud), Miki Zohar (Culture et Sport, Likoud), Amihai Eliyahu (Patrimoine, Otzma Yehudit) et Yitzhak Wasserlauf (Développement du Néguev et de la Galilée, Otzma Yehudit).
18 autres députés de la coalition, majoritairement du Likoud, du parti sioniste religieux et d’Otzma Yehudit, ont également signé la lettre. Parmi eux : Simcha Rothman, Zvika Fogel, Galit Distel Atbaryan, et Limor Son Har-Melech.
Le ministre « Israel Katz ne nous a pas répondu par écrit, mais il a dit oralement que c’est l’armée israélienne qui devait être à cet endroit », affirme celle souvent surnommée la « marraine » ou la « grand-mère » des colons.
1000 familles sont prêtes
« Nous sommes prêts à nous installer immédiatement dans la bande de Gaza », martèle Mme Weiss : « les 1.000 familles que vous voyez aujourd’hui défiler sont prêtes à partir dès maintenant, ici, sans attendre, et à vivre dans des tentes. »
Plusieurs mères de famille se disent elles aussi prêtes à migrer côté gazaoui, avec leurs enfants, dès l’aval du gouvernement obtenu. Ceci en dépit des nuages de fumée et des lourdes explosions d’artillerie dans le lointain.
Plusieurs groupes d’extrême droite ont appelé à ce rassemblement, sous le mot d’ordre : « Vingt ans après, on revient dans la bande de Gaza! »
« Je fais confiance à Dieu et au gouvernement », clame Sharon Emouna, 58 ans, venue de Cisjordanie, territoire palestinien où vivent près d’un demi-million d’Israéliens dans des colonies considérées comme illégales par le droit international.
« Je viens juste pour soutenir et dire que la terre d’Israël est destinée au peuple juif. C’est notre droit de s’y installer », ajoute-t-elle, assurant que les Palestiniens locaux « n’en tireront que des bénéfices ».
« La victoire sur le Hamas, c’est reprendre notre terre », crient des haut-parleurs.
51 martyrs en 3 heures
Quelques heures avant cette manifestation, l’armée israélienne a tué 51 Palestiniens et blessé 648 autres en 3 heures , pendant qu’ils se rendaient vers les centres de distibution de l’aide, contrôlés par les Etats-Unis et Israël dans la région de Soudaniya, selon le bureau médiatique du gouvernement de Gaza.
Cadavres des Palestiniens tués mercredi devant le centre de distribution dans la région de Zikim au nord-ouest de l’enclave.
Martyrs dans l’hôpital al-Chifa mercredi
101 martyrs et 625 blessés sont arrivés dans les hôpitaux de la bande de Gaza au cours des dernières 24 heures, rapporte le ministère de la Santé à Gaza ce jeudi.
Source: Divers