Le système d’artillerie à haute mobilité à base de roquettes (HIMARS) déployé par les USA dans la ville syrienne d’Al-Tanf, menace l’armée syrienne, et la Russie ne peut le neutraliser sans intensifier considérablement le conflit. Ce déploiement, n’affecte pourtant pas la dynamique de l’offensive à Raqqa, menée par les forces soutenues par les USA et les forces soutenues par la Russie, qui combattent ISIS.
Pour les Russes, le seul moyen de neutraliser le HIMARS déployé dernièrement à Al-Tanf, est de « le détruire quand ils s’apprêtent à tirer», a dit à RBTH Dmitri Litovkin, un expert militaire russe.
Du point de vue technique, pour les Russes ou l’armée syrienne qu’ils soutiennent, aucun autre moyen ne peut parer efficacement la menace posée par ce système de roquettes qui aurait été déployé dans le sud de la Syrie.
Selon l’expert, « Les roquettes de ce système ne sont pas guidées. Elles atteindront leur but si elles sont tirées depuis leur base de lancement. Il serait insensé d’essayer d’abattre ces roquettes avec des systèmes antimissiles, puisqu’elles coûtent bien moins cher que les missiles de défense pour les contrer.»
L’accumulation de moyens militaires dans la partie sud de la Syrie, ne semble pourtant pas ébranler significativement les intérêts russes à Raqqa, la ville clé des campagnes militaires US et russes dans le pays.
« L’instrument de génocide »
La portée de tir du HIMARS étant au maximum de 300 kilomètres, Raqqa et ses environs sont hors de sa portée. Le but principal des USA est donc de faire respecter une zone neutre [de-confliction zone], déclarée unilatéralement dans la région, afin d’empêcher l’Iran d’envoyer des fournitures à l’armée syrienne.
« En déployant le HIMARS, les USA envoient un signal clair à Moscou et Damas : Ils n’abandonneront pas la maîtrise des frontières syriennes avec l’Irak et la Jordanie aux forces iraniennes et pro-gouvernementales syriennes, » a dit à RBTH Alexey Khlebnikov, expert sur le Moyen-Orient au Conseil des affaires internationales.
L’expert pense qu’il est peu probable que le déploiement du système de roquettes hautement efficace a quelque chose à voir avec l’offensive prévue à Raqqa. Selon lui, « Les USA tentent de faire se retirer les forces en pro-gouvernementales syriennes de la ville stratégique d’Al-Tanf, et de les empêcher de s’emparer de la voie rapide reliant Damas, Bagdad et Téhéran. Sinon, cela signifierait que l’Iran peut envoyer directement des armes et d’autres fournitures à l’armée syrienne. C’est pourquoi les USA ont décidé d’établir là-bas leur propre zone neutre. »
Bien que le HIMARS ne semble pas avoir d’impact sur la région proche de la ville stratégique de Raqqa – qui est assaillie par les terroristes d’ISIS qui combattent les forces démocratiques syriennes soutenues par les USA, et l’armée arabe syrienne soutenue par la Russie – il entrave gravement le potentiel de l’armée syrienne, car il verrouille la région sud du pays.
Selon Litovkin, « Le HIMARS ravage des hectares de terres. En fonction du type des roquettes utilisées, il peut non seulement anéantir les effectifs militaires de l’adversaire, mais aussi disperser des mines antipersonnelles et antichars dans toute la zone. Il s’agit d’un instrument de génocide total, efficace et économique. »
L’offensive à Raqqa
Pourtant, malgré un désaccord apparent, sur la manière de mener la guerre, entre Moscou et Washington, les experts n’excluent pas une éventuelle coopération entre les forces soutenues par les USA et celles soutenues par la Russie, lors de la libération de Raqqa des terroristes d’ISIS.
Il est possible que « l’armée arabe syrienne et les forces démocratiques syriennes se partagent des zones de responsabilité et coordonnent leurs attaques pour libérer Raqqa d’ISIS, » a dit Khlebnikov, qui a aussi mis en avant que cela « réduira certainement les pertes pendant l’offensive » et fournira « un bon exemple pour les opérations futures contre ISIS. »
Il ne faut toutefois pas exclure le scénario dans lequel l’armée arabe syrienne et les forces démocratiques syriennes rivalisent pour prendre l’ascendant à Raqqa, quand la ville sera enfin libérée d’ISIS.
Selon Khlebnikov, « Le rôle de la Russie et des USA est ici crucial. Si Moscou et Washington acceptent de s’unir pendant l’offensive à Raqqa, cela se traduira au niveau de l’armée arabe syrienne et des forces démocratiques syriennes. Dans le cas contraire, il deviendra plus probable que les choses s’aggravent entre les forces soutenues par la Russie et celles soutenues par les USA. »
Igor Rozin
Source: Russia Beyond The Headlines, traduit par Réseau international