L’immersion du Liban dans les dettes se poursuit. Depuis la fin de la guerre civile en 1990, plus de 80 milliards de dettes se sont accumulés à l’Etat libanais. De nouveaux milliards de dollars vont s’y ajouter.
Vendredi a eu lieu dans la capitale française la rencontre baptisée CEDRE au cours de laquelle des prêts, bien plus que des dons, ont été consentis au Liban par une cinquantaine d’acteurs régionaux et internationaux.
A en croire le président français Emmanuel Macron, leur montant s’élèverait à 11 milliards d’Euros: 550 millions de la part de la France, quatre milliards sur 5 ans de la Banque Mondiale, un milliard de l’Arabie saoudite, 1 milliard, 800 millions de la BEI et 1,1 milliard de la BERD sur 6 ans, entre autres.
Loin des propos pompeux du président français qui a fait part d’une « mobilisation exceptionnelle… pour maintenir la stabilité dont le Liban a besoin », ces fonds passent indubitablement par des mesures qui vont durablement léser le peuple libanais, hormis le fait que le poids de la dette va s’amplifier, et avec, celui des intérêts.
Encore des privatisations… vers l’austérité?
Concernant la part destinée aux investissements, il faut s’attendre en échange à une nouvelle vague de privatisations du secteur public.
Selon le journal libanais al-Akhbar « le gouvernement libanais a répertorié les sociétés publiques les plus rentables pour les proposer aux investisseurs locaux et étrangers : dont la production de l’électricité et sa distribution, les stations de liquéfaction du gaz et son stockage, l’administration du secteur de l’Eau, la gestion des déchets et leur recyclage, les secteurs de communication, des voies rapides, et des transports en commun, sans oublier les ports, les aéroports et autres… »
Quelque soient les modes de rétribution qui seront adoptées par les sociétés qui s’acquièrent ces sociétés publiques, les privatisations ont pour effet direct de baisser drastiquement des rentrées de l’Etat libanais et de baisser en conséquence les subventions qu’il accorde à la population libanaise. Il faudra s’attendre à ce qu’il tente de pallier par une hausse des impôts et des taxes sur les produits de consommation. Sans oublier la hausse des prix des services confisqués par les privatisations, en comparaison à ceux fixés par les institutions étatiques.
Dans cet état de cause, ce sont les catégories les plus défavorisées qui devront payer la facture.
A prévoir aussi l’adoption d’une politique d’austérité, comme le dictent le plus souvent les institutions internationales comme la Banque mondiale et le FMI partout dans le monde. Une mesure qui risque de frapper directement les effectifs de la fonction publique.
Réfugiés syriens: les allégations de bonnes oeuvres
les perspectives semblent lamentables pour les Libanais d’autant que l’accord de ces prêts stipule entre autre que 70% des emplois qu’ils vont générer doivent être accordés aux réfugiés syriens.
Curieusement, la question des réfugiés syriens étaient fortement présente durant la rencontre CEDRE. Elle a été le prétexte avancé pour cette nouvelle générosité en prêts accordée au Liban.
Saluant la « générosité exceptionnelle du peuple libanais qui a accueilli plus d’un million de réfugiés syriens », le président français a estimé qu' »il est de notre devoir d’être pleinement solidaire » du Liban.
Il est vrai que les puissances occidentales font pression sur le Liban pour empêcher le retour de ces réfugiés dans leur pays.
« La poursuite des combats en Syrie rend impossible le retour rapide des réfugiés syriens et les offensives du régime de Bachar el-Assad, comme récemment dans la Ghouta, ont pour résultat davantage de personnes déplacées », a argué le président français.
Ce dernier semble ne pas voir que l’Etat syrien a déjà sécurisé plus de 60% du sol syrien.
Le journal al-Akhbar soupçonne de mauvaises intentions par derrière ces allégations de bonnes oeuvres.
Alors que de nombreux observateurs libanais craignent sérieusement l’implantation de ces réfugiée au Liban pour changer sa composition démographique.
Un prêt de 3 milliards de dollars pas encore utilisé
Interrogé par la chaine de télévision Al-Manar, le ministre du Hezbollah Mohamad Fneich a insisté sur le fait qu’il fallait réclamer des dons pour le Liban et non pas des prêts.
Selon lui, ce sont les pays européens et autres qui disent vouloir aider le Liban qui sont responsables des séquelles qui lui ont été infligées par la crise syrienne, d’autant que « l’Europe veille à ce que ces vagues de réfugiés n’arrivent par chez elle et à les garder là où ils se trouvent maintenant ».
M. Fneich a dit aussi craindre que ces fonds ne soient dilapidés dans la corruption endémique qui ronge la bureaucratie libanaise, à l’instar des prêts précédents.
Selon lui, un prêt de trois milliards de dollars contracté dans le passé n’a toujours pas été utilisé, alors que l’Etat libanais se charge de payer ses intérêts.
De quoi s’interroger sur les réelles raisons pour lesquelles de nouveaux emprunts sont contractés, sachant que le Liban en est à la quatrième conférence de Paris, sans compter ceux qui ont précédé.
Noyer le Liban dans les dettes et leurs intérêts avant que ne soit extrait son pétrole montre bien où ses rentrées seront envoyées. L’arnaque n’est que trop apparente.