L’Iran a dit samedi attendre des mesures concrètes de la part des Européens pour décider si l’accord sur le nucléaire pouvait être sauvé, au premier jour d’une visite à Téhéran du commissaire européen à l’Energie Miguel Arias Canete.
M. Canete est le premier responsable occidental à être reçu dans la capitale iranienne depuis la décision des Etats-Unis de se retirer de l’accord historique signé en 2015 entre Téhéran et six grandes puissances et de réimposer des sanctions économiques dont les effets s’imposent aux entreprises étrangères, notamment européennes.
Ce retrait et les menaces de sanctions font planer de gros risques financiers sur les entreprises européennes qui voulaient investir en Iran.
L’UE avait indiqué cette semaine chercher « des solutions pratiques pour permettre à l’Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, poursuivre ses transactions bancaires, maintenir les liaisons aériennes et maritimes ».
Préserver l’accord nucléaire est « fondamental pour la paix dans la région », a déclaré samedi M. Canete lors d’une conférence de presse commune avec le vice-président iranien Ali Akbar Salehi, retransmise en directe par la télévision d’Etat.
« Il est certain qu’il y a des difficultés évidentes avec les sanctions (…) Nous devrons demander des dérogations, des exemptions pour les entreprises qui font des investissements » en Iran, a déclaré M. Canete lors d’une conférence de presse commune avec M. Salehi.
« Pas question de renégocier »
La Commission européenne a notamment lancé vendredi une procédure visant à activer la « loi de blocage » afin de contrecarrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran.
« M. Canete nous a présenté verbalement un certain nombre de propositions et de mesures destinées à contrebalancer la décision américaine et nous espérons qu’elles vont se concrétiser », a déclaré de son côté M. Salehi.
« Pour le moment (…) nous attendons de voir si ces mesures débouchent sur des résultats tangibles », a-t-il insisté.
« Dans le cas contraire, nous serons contraints de prendre une décision que personnellement je ne souhaite pas », a-t-il ajouté.
L’Iran a auparavant menacé de relancer son programme d’enrichissement d’uranium à un « niveau industriel ». « Nous avons beaucoup de possibilités et de combinaisons possibles » pour cette décision, a souligné M. Salehi, qui dirige aussi l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA).
« La balle est dans le camp de l’Union européenne », a-t-il résumé lors d’un entretien avec des journalistes européens accompagnant M. Canete.
Il a en outre réaffirmé l’opposition de l’Iran a toute renégociation de l’accord de 2015.
« Il s’agit d’un paquet complet et nous entendons le conserver ainsi. Il n’est pas question de le renégocier », a-t-il soutenu.
L’accord nucléaire de 2015 vise à faciliter les échanges commerciaux avec l’Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internationales en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.
« Attendons quelques semaines »
Le président américain Donald Trump juge que le texte est trop laxiste sur l’aspect nucléaire, et qu’il ne s’attaque pas aux missiles balistiques de Téhéran.
Interrogé sur cette question des missiles, M. Salehi a botté en touche. « Il s’agit de thèmes de la compétence du ministre des Affaires étrangères », a-t-il déclaré. M. Canete doit rencontrer dimanche le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif avant de repartir pour Bruxelles.
M. Zarif s’est rendu ces derniers jours à Pékin, Moscou et Bruxelles avec l’objectif de sauver l’accord nucléaire et préserver les intérêts économiques de son pays.
Les Européens, qui veulent éviter à tout prix que l’Iran abandonne l’accord et relance son programme nucléaire, s’étaient notamment engagés mardi à Bruxelles à assurer des ressources économiques à l’Iran.
Le vice-président iranien a pressé samedi les Européens à rapidement concrétiser leurs engagements. « Si rien ne vient, la majorité de la population nous forcera à l’abandonner » (l’accord), a-t-il averti.
« Je ne veux pas préjuger. Attendons encore quelques semaines et voyons comment tout cela se développe », a-t-il ajouté.
M. Canete a reconnu que la tâche ne serait pas facile car nombre d’entreprises européennes engagées en Iran parlent de quitter le pays pour éviter les conséquences des sanctions américaines, comme la perte de leur licence aux Etats-Unis pour les banques.
Le groupe français Total a annoncé mercredi qu’il ne mènerait pas à terme un grand projet gazier entamé en 2017 en Iran à moins d’obtenir une dérogation de la part des autorités américaines. D’autres entreprises et groupes européens ont signalé leur intention de se désengager faute de garanties.
Source: AFP