En commémoration du 20e anniversaire de Google, nombreux ont été les médias mainstream à publier l’histoire du géant des moteurs de recherche, et notamment les moments clés de ces deux dernières décennies. Or, chaque récapitulatif semble omettre le rôle qu’auraient eues la CIA et d’autres agences de renseignement américaines dans sa création.
Bien que le refrain traditionnel à l’occasion du 20e anniversaire de Google soit de se remémorer les moments décisifs de son développement, les liens du géant de la recherche avec la CIA et d’autres agences plus ou moins secrètes ont été passés sous silence. Recommençons depuis le début.
Au début des années 1990, les services de renseignements américains lançaient une initiative audacieuse: en collaboration avec des universités et des entreprises vedettes de la Silicon Valley, en Californie, les agences d’espionnage cherchaient un moyen de surveiller les activités de certains groupes et individus.
Dans le contexte du boom informatique, la Central Intelligence Agency (CIA) et la National Security Agency (NSA) ne sont pas restées les bras croisés. Souhaitant notamment en tirer profit, les agences se sont lancées dans la création d’une plateforme en ligne pour faciliter la collecte de données sur les citoyens.
Et voilà que Google entre en scène.
Démenti plausible
Le renseignement américain a ainsi mis en place le programme de recherche Massive Digital Data Systems (MDDS), projet qui précisait les défis que les agences affrontaient et souhaitaient réaliser.
«Les demandes changeantes exigent que la communauté de renseignement traite divers types et volumes de données. Par conséquent, cette communauté joue un rôle proactif dans la stimulation de la recherche en matière de gestion efficace de bases de données importantes, et cherche également à garantir que les exigences de la communauté de renseignement soient intégrées ou adaptées en produits commerciaux», s’était-il dit à l’époque lors d’un point de presse.
«Les défis ne sont pas uniques pour chaque agence. […] Le personnel de la communauté de gestion a chargé le groupe de travail de Massive Digital Data Systems (MDDS) de répondre aux besoins et d’identifier et d’évaluer des solutions possibles».
Pour parvenir à ces buts, les agences ont émis une dizaine de bourses pour un montant de quelques millions de dollars chacune et les ont réparties entre plusieurs équipes dans différentes universités. Les bourses devaient aider à accomplir les tâches suivantes: identifier en ligne les empreintes digitales des individus et des groupes, lier et classer leurs requêtes par ordre d’importance, déchiffrer tous les schémas significatifs émergeant de ce « marais de données», tracer leurs futures traces numériques.
En cas de succès, les détenteurs des bourses devraient être transférés dans le secteur privé pour que leur travail prenne plus d’ampleur. Un grand nombre de sociétés technologiques d’importance moderne ont ainsi connu leur essor — Google était parmi elles.
Les recherches réalisées dans le cadre des deux subventions constitueront avec le temps la raison d’être et le fruit du travail de deux chercheurs, Sergueï Brin et Larry Page, de Google, capable de rechercher des informations spécifiques à partir d’un vaste ensemble de données. C’était exactement ce que la CIA et la NSA avaient espéré créer.
«En fait, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés en septembre 1998, Brin nous a montré son moteur de recherche, qui est devenu Google peu après», écrit par la suite le Dr.Bhavani Thuraisingham avec qui les deux chercheurs coordonnaient régulièrement leurs projets.
Le Dr.Bhavani Thuraisingham était un employé du groupe américain de défense MITER Corp., organisme dirigeant les efforts de recherche et de développement de la NSA, de la CIA et de l’US Air Force Research.
Mentir ou tout simplement omettre?
Les informations selon lesquelles la CIA a pu contribuer à la création de Google d’une manière ou d’une autre sont presque aussi anciennes que la société elle-même, qui rejette catégoriquement ces affirmations.
Par exemple, en 2006 avait été largement discuté le fait que Google entretiendrait une relation de longue date avec les agences de renseignement américaines, recevant des fonds de la part de la communauté. Un porte-parole de la firme a fermement réfuté ces allégations, les qualifiant de complètement fausses.
De même, l’histoire traditionnelle de l’entreprise évite d’évoquer les subventions de MDDS. L’œuvre scientifique de Brin et Page, L’anatomie d’un moteur de recherche Web hypertextuel à grande échelle, décrivant comment ils avaient créé Google, ne fait aucune mention de MDDS.
Ainsi, s’il n’y avait pas eu le témoignage de Thuraisingham, on n’aurait peut-être rien appris sur une éventuelle subvention de MDDS accordée à Brin et Page. D’ailleurs, le professeur Jeffrey Ullman a dans un rapport de 2000 décrit Google comme un produit du projet de recherches.
Puis un autre un document de 1998 qui mentionne Brin et Page comme auteurs, décrit Brin comme «partiellement soutenu par la communauté de gestion du programme MDDS».
Source: Sputnik