Le retrait US de Syrie est un redéploiement tactique visant à assurer la sécurité des moyens militaires engagés au Levant et à éviter une éventuelle confrontation avec la Russie dont l’issue est susceptible de porter atteinte à l’image de marque de certains systèmes d’armes US fortement médiatisés comme les avions de combat F-35 et F-22.
Dans les faits, l’État profond ne lâche pas le morceau. Cette obsession tourne à la caricature: Bolton menace Damas de frappes aériennes en cas d’usage d’armes …chimiques (toujours du réchauffé!) après le retrait des forces US de l’Est de l’Euphrate. A croire que la présence US en Syrie n’était pas destinée à combattre « Daech » mais à surveiller les forces régulières syriennes, mais passons, il y a pire.
Nancy Pelosi, une fervente fanatique pro-israélienne, déguisée sous le label démocrate, est revenue à la tête de la Chambre des Représentants des États-Unis d’Amérique. Il faut reconnaître que l’AIPAC, l’un des principaux lobbies pro-israéliens activant en Amérique ne chôme guère et se démène comme il peut pour rétablir sa mainmise sur la vie politique US. L’un des objectifs prioritaires, stratégiques et existentiels de l’AIPAC est de veiller à ce que la « guerre civile syrienne» (sic) perdure le plus longtemps possible et que l’issue de ce conflit soit la chute du régime syrien ou mieux, la neutralisation physique du président syrien Bachar Al-Assad. Un retrait militaire US de Syrie tel qu’annoncé par le président US Donald Trump ne sera au mieux qu’un redéploiement en Irak et plus précisément dans la province d’Al-Anbar et en Jordanie, en attendant des jours meilleurs.
Pour le moment tous les indicateurs sont défavorables au camp belliciste:
La Turquie du président Tayyip Recep Erdogan, mangeant à tous les râteliers et poursuivant sa propre politique néo-impériale, est arrivée à trouver un compromis inattendu avec Damas.
Ankara fermera les yeux et oubliera ses ambitions régionales si Damas lui octroie sa part dans le gros, le très gâteau de la reconstruction syrienne. Et il s’agit d’un gros contrat.
Pour le reste ni Damas ni Ankara n’acceptent ni ne sont prêts d’accepter une quelconque autonomie kurde à leurs confins, sans même parler d’entité étatique. Que d’affinités entre deux ennemis jurés.
Du côté kurde, la palette des choix et la marge de manœuvre se rétrécissent au point ou une partie des milices kurdes sont en pourparlers avec Damas pour une intégration de leurs unités armées au sein de l’Armée Arabe Syrienne.
Une fois le problème kurde stabilisé, Damas pourrait avoir les mains libres pour faire imploser la province rebelle d’Idleb de l’intérieur. Un travail assigné aux renseignements syriens et à leurs homologues russes.
Au Sud, le « front du Golan » n’est plus uniquement l’affaire de Damas mais celui de Téhéran, qui entend y maintenir ainsi une pression accrue sur Israël et le maintenir en alerte maximum par crainte d’un conflit asymétrique impliquant cette fois la Galilée et Tibériade.
Tout ceci explique pourquoi les Israéliens se lamentent publiquement de ne pas avoir assassiné Assad quand l’occasion était favorable à une telle éventualité. Or, la Syrie est en phase de réintégration au sein de la Ligue Arabe et l’Italie se prépare à ré-ouvrir son Ambassade à Damas, en prélude à une reprise des relations diplomatiques entre la Syrie et la plupart des pays de l’Union Européenne.
Techniquement, la Syrie, dévastée, détruite et ruinée, a gagné l’une des guerres hybrides les plus sophistiquées du 21ème siècle.
Cependant la guerre mondiale hybride n’est pas terminée et une surprise stratégique n’est pas à écarter.
Cela résume à lui seul toute la complexité du conflit mondial en cours.
Source: Strategika51