Suite aux déclarations du président Donald Trump expliquant sa décision de retirer ses troupes de Syrie [1] et au coup de fil la concédant à Erdogan par la phrase « La Syrie est entièrement à vous » [2][3], John Bolton, le conseiller américain à la Sécurité nationale, est arrivé dans la région.
Il a rencontré les responsables israéliens avant de lancer ses propres déclarations consistant à prévenir les responsables turcs et le président Erdogan qu’il leur était interdit de toucher aux Kurdes alliés des États-Unis.
Autrement dit, selon Bolton, la position américaine est devenue : « Toute la Syrie est à vous sauf les régions contrôlées par les Kurdes… ».
Puis Bolton s’est rendu à Ankara où Erdogan a refusé de le rencontrer et où il a entendu des propos du style : « La Turquie ne reçoit pas d’instructions portant sur sa sécurité nationale… Washington ne fait pas de distinction entre les Kurdes et les éléments armés qu’il soutient… ».
En réponse, Trump a tweeté que si la Turquie s’attaquait aux Kurdes, il dévasterait son économie :
Les Turcs lui ont répondu qu’ils n’avaient cure des menaces américaines. Ce qui n’a pas empêché un nouvel entretien téléphonique entre les deux présidents, suivi de leur entente sur une « zone de sécurité » que la Turquie établirait à la frontière syro-turque, avec l’accord et le soutien de Washington.
Entente dont la Turquie a profité, avec détermination, pour lancer sa campagne médiatique destinée à réamorcer son ancienne théorie relative à la création de sa « zone de sécurité » tout le long de sa frontière avec la Syrie.
Un comportement qui décrédibilise l’hypothèse d’une planification politique et opérationnelle entre une grande puissance internationale telle que l’Amérique, et une grande puissance régionale telle que la Turquie.
En effet, si la succession de conversations téléphoniques entre les deux présidents, suivies de décisions tweetées par Trump, passant de « la Syrie est entièrement vôtre », à « gare à vous si vous touchez aux Kurdes », sinon « je détruirai l’économie turque », pour aboutir à « nous soutenons l’établissement de votre zone de sécurité… » témoignent de la légèreté du président américain et du président turc ; c’est là un comportement qui témoigne aussi de leur sentiment de faiblesse et d’impuissance, comme de leur besoin de recourir à des fanfaronnades médiatiques.
Fanfaronnades, pour faire croire à une force dont ils ne disposent pas, ni n’ont disposée dans un passé récent où à chaque fois qu’ils ont sérieusement axé leurs efforts communs sur ce projet de « zone de sécurité », leurs calculs réciproques les ont amenés à éviter de le concrétiser.
Et aujourd’hui, au moment où il se retire de Syrie, Trump veut nous convaincre qu’il est capable de soutenir Erdogan en vue de l’établissement d’une « zone tampon ou de sécurité » qu’il s’est révélé incapable d’établir alors que ses forces étaient présentes sur le terrain.
Et Erdogan veut nous convaincre qu’il est capable d’établir sa « zone de sécurité », alors que lui aussi s’est révélé incapable de l’établir, même quand il était à l’apogée de son contrôle des milices armées occupant la moitié de la Syrie, au point de défier la Russie en abattant un avion militaire russe à la frontière syrienne [novembre 2015] ; des milices armées qu’il a d’ailleurs abandonnées à la défaite en fuyant Alep, pour rejoindre le processus turco-irano-russe des « Accords d’Astana » afin d’éviter une confrontation qu’il craignait.
À moins que sa légèreté n’ait atteint des sommets le portant à s’imaginer qu’après avoir échoué à tenir ses engagements concernant Idlib [Astana 10 ou « Accord de Sotchi » du 17 septembre 2018, entre Erdogan et Poutine, consistant en la création d’une zone démilitarisée à Idleb, suite aux précédentes sessions où Erdogan, en tant que garant des milices armées, s’est engagé à respecter les zones de désescalade et à séparer lesdits terroristes modérés des terroristes radicaux ; NdT], il serait en mesure d’aboutir à un compromis subordonnant sa couverture d’une opération militaire syrienne, devenue inévitable, à ce qu’il considère comme un « cadeau de compensation » lui permettant d’entrer dans quelques villages frontaliers syriens.
Auquel cas Erdogan n’aurait pas compris que l’entente syro-russo-iranienne repose sur un credo irrévocable : le retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le sol syrien sans l’accord de l’État syrien et le refus de tout compromis portant atteinte à la souveraineté syrienne et, par conséquent, à son unité territoriale.
En effet, la vérité, constamment confirmée par la Syrie face aux déclarations de Erdogan, se résume à dire que l’alliance des vaincus n’obtiendra pas dans sa faiblesse ce qu’elle n’a pas réussi à obtenir à l’apogée de sa force ; que l’État syrien est prêt à répondre à toutes les possibilités, y compris par les armes si nécessaire, pour interdire toute atteinte à sa souveraineté et à son unité ; que les déclarations stupides de Erdogan n’ont qu’un seul intérêt : celui de révéler aux dirigeants kurdes la nature de leur allié américain et, en conséquence, de les convaincre que leur seule option est de s’en remettre à leur État syrien, seul garant de la sécurité de la terre et du peuple en Syrie.
Par Nasser Kandil
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Sources : Al-Binaa; Réseau international