« Nous sommes fiers d’être Iraniens! »: dans un assourdissant fond sonore de chants patriotiques et sourates du Coran diffusés par des haut-parleurs, une foule impressionnante, noire d’innombrables femmes en tchador, a déferlé mardi sur Téhéran pour célébrer la révolution islamique.
L’atmosphère est changeante et déconcertante: d’un côté des familles de classe moyenne avec des poussettes décorées de ballons, des enfants dont les vêtements sont les seules couleurs vives, détonnant dans la masse noire, des jeunes filles agitant avec un grand sourire des drapeaux, se réchauffant des températures glaciales en avalant une soupe ou des abricots séchés vendus sur de nombreux stands.
Et à quelques mètres seulement, des participants piétinent d’immenses drapeaux américains et israéliens sur un sol à peine dégelé des chutes de neige de la nuit.
Toisant la foule de leurs regards défiants, un groupe de jeunes portent un faux cercueil symbolisant l’enterrement d’un soldat américain, devancé par un des leurs, enchaîné par des cordes tel un soldat captif.
Aux cris de « Mort à l’Amérique » ou « Mort à Israël », des caricatures de Donald Trump sont brandies. L’odeur entêtante des fumées de drapeaux américains brûlés traverse le cortège.
« Montrer une nation unie »
Parmi la foule, Jaber Seyvanizad, 30 ans, étudiant en droit international, se démarque avec sa barbe de hipster, ses lunettes à la mode et son keffieh négligemment posé sous un manteau cintré.
Mais son message rejoint celui de la foule: « c’est très important de participer à ce rassemblement parce que l’Iran est actuellement visé par des sanctions illégales et illégitimes et des pressions politiques, économiques et culturelles », lance-t-il à l’AFP.
Après s’être retirés unilatéralement de l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018, les Etats-Unis ont rétabli par vagues des sanctions économiques contre l’Iran, asphyxiant son économie.
« Mais si nous sommes capables de montrer que nous sommes une nation unie, cela enverra un message fort aux gouvernements occidentaux et en particulier à la Maison blanche », estime Jaber.
Survolée à basse altitude par des hélicoptères des forces de sécurité – dont l’un lancera de manière inopinée des fleurs sur les participants – la foule tient à bout de bras des portraits en hommage au puissant général iranien Qassem Soleimani, tué début janvier par une frappe américaine à Bagdad.
L’hommage au « martyr » est au cœur du rassemblement, explique Said Khanabadi, 36 ans, travaillant dans les médias, dans un français impeccable.
« Nous en profitons pour commémorer le martyre du général. Soleimani était aimé par tous les milieux sociaux, pas seulement par les religieux. Il a combattu pour l’islam et pour l’Iran », argumente-t-il. « Pour nous, l’islam est important mais aussi l’Iran et le nationalisme iranien. »
En l’éliminant, « Donald Trump voulait humilier la République islamique. Au contraire, son martyre a unifié les Iraniens de différentes classes sociales (…) nous allons défendre la cause nationale jusqu’au dernier souffle », martèle-t-il avant de s’évanouir dans le cortège ondulant vers la place où le président iranien Hassan Rohani a prononcé un discours fustigeant les Etats-Unis.
« Cause palestinienne »
Parmi la foule, nombre de jeunes brandissent aussi des pancartes représentant le poing d’une main fermée, pour dénoncer le plan américain de règlement du conflit israélo-palestinien, rejeté par l’Iran et d’autres pays musulmans.
« Il y a des morts tous les jours en Palestine », lance Yasser Mohammadi, 37 ans, employé dans l’import-export, dénonçant le manque de condamnations internationales et rappelant que le sujet lui tient à cœur car « l’un des piliers de notre révolution était la défense de la cause palestinienne ».
« Israël essaie de prendre leur pays aux Palestiniens! Les Israéliens tuent des femmes et des enfants », s’emporte Zahra Behnamrad, professeure d’anglais de 37 ans.
Pour elle, la foule est aussi venue pour montrer son opposition « à tous ceux qui bafouent la liberté ». « Nous sommes fiers d’être Iraniens, nous aimons l’Iran », lance-t-elle, survoltée.
Plusieurs femmes se sont assises à même le trottoir pour écouter avec recueillement le discours du président. Mais autour d’autres petites estrades qui ponctuent le défilé, les haut-parleurs tournent toujours à plein volume et le discours est parfois éclipsé, notamment par une chorale d’écoliers s’époumonant en hommage au général Soleimani.
Source: AFP