Dans les rues vides, le pépiement des oiseaux a remplacé l’habituelle cacophonie de klaxons et d’interjections: l’Inde s’est brusquement claquemurée mercredi, au premier jour d’un confinement national contre la pandémie de coronavirus.
Dans le géant d’Asie du Sud d’1,3 milliard d’habitants, l’effervescence a fait place au calme irréel d’une vie ralentie à l’extrême. Depuis minuit, la deuxième nation la plus peuplée du globe est entrée avec anxiété dans un confinement de trois semaines avec un mot d’ordre: « Restez à la maison ».
Les avions sont cloués au tarmac, les trains ne roulent plus, le service de bus est devenu squelettique. Les différentes régions ont scellé leurs frontières pour éviter la propagation du virus à la faveur de déplacements de population.
Mercredi matin, l’Inde comptait officiellement 562 cas confirmés de coronavirus, qui y a déjà fait 9 morts. Mais les experts jugent ce nombre grandement sous-estimé en raison de la faible quantité de tests réalisés.
Sur un chantier de construction à l’arrêt de la capitale New Delhi, des ouvriers désœuvrés, bloqués loin de chez eux, écoutent de la musique de Bollywood sur leur portable ou étendent leur linge au soleil de printemps pour tuer le temps soudain abondant.
Dans le quartier chic de Bandra à Bombay (ouest), la plupart des boutiques ont tiré leur rideau de fer. À l’intérieur des commerces essentiels encore ouverts, bien des rayons sont vides. Les clients ne peuvent entrer que par un ou deux pour respecter la distanciation sociale.
« Nous allons avoir de grosses pénuries dans les jours à venir. Et en parallèle les prix vont grimper. Les tomates ont plus que doublé », décrit à l’AFP Rafiq Ansari, un vendeur de légumes. « Les clients s’énervent contre nous en nous disant qu’on leur facture trop, mais que pouvons-nous faire ? Il y a moins de tout et tout est plus cher qu’avant ».
Barricades de bambous
Quelques minutes à peine après l’annonce du confinement par le Premier ministre Narendra Modi lors d’une allocution télévisée mardi soir, des Indiens paniqués se sont précipités pour faire le plein de provisions et médicaments avant l’entrée en vigueur de la mesure.
« Nous avons dû crier sur les gens pour leur demander de ne pas se masser dans la boutique », raconte Mukesh Patel, propriétaire d’une modeste pharmacie à Ahmedabad, dans le Gujarat (ouest).
Les autorités assurent que l’approvisionnement de produits essentiels ne sera pas perturbé et appellent les habitants à ne pas céder à la panique. Mais bien des commerçants s’inquiètent de ne pas réussir à recevoir leurs marchandises dans un pays à l’arrêt, où les déplacements se heurtent souvent à des barrages de police.
« Je reçois encore du lait, des œufs et du pain. Mais là où je reçois en moyenne disons 100 paquets de pain, aujourd’hui je n’en ai eu que 20 », indique à l’AFP Pradeep, un épicier travaillant dans l’est de New Delhi, qui a déjà des appels de fournisseurs lui annonçant que leurs cargaisons sont bloquées.
« Je ne sais pas combien de temps mon stock actuel va durer », se préoccupe-t-il.
Dans une atmosphère d’incertitude et de méfiance généralisée, des enclaves résidentielles se transforment en camp retranchés. Perçus comme des pestiférés, livreurs et employés de maison ont interdiction d’entrer dans la communauté.
À Bangalore (sud), ville aux pires embouteillages du monde selon une récente étude, les rares voitures autorisées filent désormais sur des axes vides. Dans le nord-est de l’Inde, certains villages ont bloqué leurs routes d’accès avec de longs bambous pour empêcher toute venue de l’extérieur.
À New Delhi, la police va de quartier en quartier pour coller sur des maisons des affiches rouges de quarantaine avec les noms de personnes habitant là et ayant récemment voyagé à l’étranger, suscitant la paranoïa des voisins.
Dans l’Etat du Telangana (sud), le gouvernement local a même menacé d’autoriser la police à tirer à vue si les habitants ne respectent pas les consignes de confinement.
Travailleur migrant du Bihar (est) et employé comme chauffeur à Bombay, Rohit Chaudhry salue l’imposition d’un confinement national face au coronavirus. « Nous devons éradiquer cette maladie », dit-il à l’AFP.
« Jusqu’ici je n’ai pas eu de problème pour acheter de la nourriture ou quoi que ce soit d’essentiel, mais on verra ce qu’il va se passer… اa sera difficile mais nous devons faire face ».
Source: AFP