La Russie enregistre peu de décès dus au nouveau coronavirus malgré l’explosion des contaminations. Les autorités vantent leurs mesures précoces et des tests massifs, d’autres l’expliquent par des méthodes de comptage opaques.
Avec 165.929 cas officiellement enregistrés, la Russie occupait mercredi le 6e rang mondial en termes de contaminations. Mais la mortalité y est extraordinairement basse: seuls 1.537 décès, soit un taux de 0,9%, de loin le plus bas parmi les dix pays les plus touchés par la pandémie.
En comparaison, l’Allemagne, au système de santé souvent loué pour sa réponse efficace à la crise, présente un taux de mortalité de 4,2%.
Le ministère de la Santé et l’agence sanitaire Rospotrebnadzor ont justifié coup sur coup cette semaine ces résultats, mettant en avant la rapidité de la réaction russe face à l’épidémie.
Dans un communiqué, Rospotrebnadzor notait notamment que « la Russie est à la 2e place mondiale en nombre de tests: plus de 4,46 millions ».
Pour l’agence, ils « ont permis de détecter et d’isoler en temps opportun les patients atteints de formes bénignes ainsi que les porteurs asymptomatiques, ce qui réduit considérablement la circulation du virus parmi la population et certains groupes à risque ».
Tests massifs
Si des doutes ont été émis sur leur fiabilité, les tests sont accessibles à tous, via les laboratoires privés. Depuis fin avril, le géant des nouvelles technologies Yandex offre même d’en réaliser gratuitement à domicile.
Or, réaliser plus de tests permet de comptabiliser plus de malades et fait automatiquement baisser les statistiques de mortalité.
Anonymement, un représentant de Rospotrebnadzor a indiqué à l’AFP que le faible taux de contamination des plus de 65 ans était un autre indicateur de la réussite russe. Car les personnes âgées ont été confinées chez elles dès la deuxième moitié de mars, en particulier à Moscou, principal foyer de l’épidémie.
« La Russie a fait de son mieux pour que l’épidémie s’y déclenche plus tard: nous avons fermé les frontières et commencé à suivre les personnes infectées immédiatement », estime le docteur Evguéni Timakov, spécialiste des maladies infectieuses et conseiller du ministère de la Santé.
Ces quelques semaines ont permis à la Russie de se préparer, notamment en « isolant les personnes à risques et planifiant les places en hôpitaux ». Et selon lui, le taux de mortalité à la fin de l’épidémie sera d’environ 3%, « trois fois moins qu’en Europe ».
Opacité des comptages
Reste que l’opacité du système de comptage jette le trouble. Plusieurs témoignages parus dans la presse russe ont raconté l’histoire de décès catalogués comme « pneumonies » malgré des tests positifs au coronavirus.
C’est le cas d’Anastasia Petrova, une journaliste de 36 ans décédée le 31 mars à Perm (Oural): sa mort a été qualifiée de « double pneumonie » jusqu’à ce qu’une de ses amies révèle qu’elle avait été testée positive, forçant les autorités à revoir la cause du décès.
La première malade du coronavirus décédée en Russie symbolise ces tergiversations: annoncée dans la matinée du 19 mars, la mort de cette femme de 79 ans avait été requalifiée dans la journée, les autorités affirmant que c’est un « caillot sanguin » et non le virus qui l’avait tuée.
Sergueï Timonine, vice-directeur du Laboratoire international de recherche sur la population et la santé, relève que « si quelqu’un meurt d’un infarctus mais a été diagnostiqué porteur du Covid-19, la cause officielle de sa mort sera l’infarctus ».
« En d’autres termes, toutes les décès de porteurs du coronavirus ne seront pas inclus dans la liste des morts du coronavirus », dit-il à l’AFP.
Au final, il faudra attendre la publication des statistiques démographiques pour constater s’il y a une surmortalité importante.
« Ce n’est que fin mai, quand arriveront les statistiques d’avril, que nous verrons les vrais chiffres de la mortalité du Covid-19 en Russie », prédit l’expert.
Source: AFP