Secoué par une crise économique et monétaire aiguë, le Liban adoptera un régime monétaire flottant préconisé par le Fonds monétaire international (FMI), mais après l’obtention d’une aide externe cruciale, a indiqué vendredi à l’AFP le ministre des Finances Ghazi Wazni.
La livre libanaise, indexée sur le dollar américain depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar, a connu une forte dépréciation ces derniers mois, franchissant an avril le seuil des 4.000 livres pour un dollar dans les bureaux de change.
Les deux monnaies sont utilisées au quotidien au Liban, pays surendetté et en proie à une crise économique sans précédent depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
Le naufrage économique a été l’un des déclencheurs en octobre 2019 d’un soulèvement inédit contre l’ensemble de la classe politique, quasi inchangée depuis des décennies, accusée de corruption, d’incompétence et d’avoir poussé le pays au bord du gouffre. La colère s’est amplifiée après des restrictions draconiennes sur les retraits bancaires en dollars et une hausse vertigineuse des prix, une situation exacerbée par le confinement à cause de la pandémie de Covid-19.
« Le FMI exige (…) un change flottant, mais le gouvernement libanais a demandé une phase transitoire », a indiqué M. Wazni dans un entretien à l’AFP.
« Nous allons adopter dans un premier temps une politique de change flexible et ce dans un avenir proche, et lorsque nous recevrons un soutien financier externe, nous passerons au (taux) flottant », a-t-il précisé, prévoyant « une augmentation progressive » du taux dollar/livre en « coordination avec les autorités monétaires ».
Le gouvernement libanais a finalement demandé début mai l’aide du FMI. Il a entamé cette semaine des négociations avec l’institution monétaire en vue d’une aide cruciale dans le cadre d’un plan de sauvetage adopté fin avril.
Neuf milliards d’aide
Une libéralisation immédiate du régime monétaire risque, selon M. Wazni, de conduire à « une détérioration rapide du taux de change » alors que l’inflation est prévue d’atteindre 53% en 2020.
Les négociations se poursuivent avec le FMI pour discuter « des détails du plan » de sauvetage, incluant des réformes fiscales.
« La quote-part du Liban au sein du Fonds s’élève à environ 870 millions de dollars. Le Liban espère pouvoir obtenir dix fois ce montant, soit une aide d’environ neuf milliards de dollars, grâce au soutien des pays frères et amis », a ajouté le ministre.
« Plus nous accélérons les négociations et mieux c’est (…) Un accord avec le FMI donne de la crédibilité au plan du gouvernement, ouvre la voie à des conférences de soutien internationales et facilite les négociations entre le Liban et les créanciers, en sus du soutien financier direct », a-t-il souligné.
Le plan de sauvetage prévoit par ailleurs une restructuration de la dette de 92 milliards de dollars (170% du PIB) après l’annonce en mars du premier défaut de paiement dans l’histoire du Liban. Les négociations avec les créanciers ont débuté il y a deux semaines, a indiqué M. Wazni, sans préciser lesquels.
Effacer la dette
« Le plan du gouvernement évoque une escompte sur la dette souveraine due (par l’Etat) à la Banque du Liban (BDL) et à des banques commerciales, à hauteur de 38 milliards de dollars.
« Il prévoit, par ailleurs, une restructuration du secteur bancaire, qui « se fera pas à pas », a ajouté M. Wazni.
« Au Liban, il y a 49 banques commerciales, il est normal que ce nombre soit réduit de près de moitié durant la prochaine étape. » Le plan, a-t-il poursuivi, jette les fondements d’une transition vers une économie productive susceptible de créer de nombreuses opportunités d’emploi.
Le ministre a fait par ailleurs état de l’existence d’une nouvelle proposition de loi sur le contrôle des capitaux, après des mois de restrictions informelles imposées par les banques sur les retraits et les virements. Ce projet devrait être approuvé par le Parlement dans les semaines à venir, selon lui.
D’après M. Wazni, le plan de sauvetage a reçu l’aval de plusieurs pays, dont les Etats-Unis.
« C’est une feuille de route technique, financière, économique, pas un document politique », a dit M. Wazni, insistant sur l’absence de « conditions politiques », en allusion indirecte à la forte influence du Hezbollah au gouvernement.
Source: Avec AFP