Les indiscrétions sur les premiers échanges entre Donald Trump et le Premier ministre australien, début 2017, en ont laissé plus d’un abasourdi: le nouveau président américain avait sermonné le dirigeant de ce proche pays allié, avant de lui raccrocher au nez.
Le premier dialogue, jeudi, entre Joe Biden et le chef du gouvernement australien Scott Morrison a semblé être d’une autre teneur. Selon les détails fournis par son équipe, le président élu des Etats-Unis s’est dit enclin à travailler sur de « nombreux défis communs » avec son interlocuteur, qui s’est engagé pour sa part à lui partager une étude sur la lutte de son pays contre le Covid-19.
Après quatre années d’une diplomatie peu diplomate, ponctuée d’attaques personnelles et d’un désordre permanent face aux dirigeants étrangers, Joe Biden a, quelques jours seulement après l’annonce de sa victoire à la présidentielle, déjà amorcé un tournant.
Avec le septuagénaire démocrate, les Etats-Unis retrouvent une diplomatie plus prévisible, plus « normale ». Voire même un peu fade à la lecture des comptes rendus partagés par son équipe de transition, un canal de communication traditionnel qui avait toujours été plus ou moins soporifique jusqu’à l’élection surprise de Donald Trump en 2016.
Après une conversation téléphonique avec le Premier ministre canadien Justin Trudeau, que le milliardaire républicain avait un jour qualifié sur Twitter de « très malhonnête et faible », l’équipe Biden a sobrement fait savoir que les deux hommes avaient « réaffirmé les liens étroits entre les Etats-Unis et le Canada », et s’étaient engagés à travailler de concert face au Covid-19 et aux futures menaces biologiques.
L’appel d’Angela Merkel, dont Donald Trump avait ouvertement critiqué la politique migratoire, a accouché d’un même langage diplomatique: Joe Biden a « loué le leadership » de la chancelière allemande et lui a « fait part de son intérêt pour travailler étroitement » sur la pandémie, le changement climatique et d’autres sujets.
« Pas sur Twitter »
L’approche très traditionnelle de l’ancien bras droit de Barack Obama n’est pas une surprise.
Du haut de près de 50 ans d’expérience dans les arcanes du pouvoir à Washington, ce vieux routier de la politique a promis au cours de sa campagne présidentielle un retour à la normale, à des décisions prises en concertation avec les experts plutôt qu’à coups de tweets compulsifs.
Lors d’un discours sur la politique étrangère, Joe Biden a souligné à quel point la présidence Trump avait érodé le respect pour les Etats-Unis à travers le monde, et s’est engagé à tourner la page du « bombage de torse, des échecs auto-infligés et des crises artificielles » de l’administration sortante.
Ce changement n’est pas qu’une question de caractère. Après quatre années d’unilatéralisme trumpien, le démocrate de 77 ans montre aussi qu’il est davantage ouvert que son prédécesseur à collaborer avec les autres pays.
« Trump aime faire les choses de façon bilatérale ou unilatérale. La grande différence est que Biden respecte et comprend le fait qu’il faille parfois travailler de façon multilatérale », explique Monica Duffy Toft, qui enseigne la politique étrangère à l’université Tufts.
« Je pense que ce sera moins personnel, moins chaotique, beaucoup plus protocolaire et évidemment pas sur Twitter », développe-t-elle.
L’universitaire s’attend à voir le démocrate redonner ses lettres de noblesse au département d’Etat, négligé par le président sortant, et laisser moins de place à l’affect dans ses relations avec ses homologues.
Les dirigeants autocrates ont assidûment cherché à communiquer le plus directement possible avec Donald Trump, qui congédiait ses habituels preneurs de notes pour ses rencontres avec le président russe Vladimir Poutine ou que l’on disait ne pas préparer avec ses conseillers ses échanges téléphoniques avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Son gendre Jared Kushner, nommé en charge du Moyen-Orient, communiquait sur WhatsApp avec le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane, susceptible d’être davantage mis sous pression par Joe Biden sur la question des droits humains.
« C’était plus simple pour les hommes forts de ces pays », juge Monica Duffy Toft. « Ils savaient qu’ils pouvaient, d’une façon ou d’une autre, se faire entendre de Trump et obtenir ce qu’ils voulaient ».
« C’est peut-être une bonne chose pour les dirigeants en question, mais c’est très déroutant pour les autres », ajoute-t-elle.
Source: AFP