Avec la visite au Liban de David Hale, le sous-secrétaire d’État chargé des Affaires politiques, les choses semblent bouger de nouveau en faveur de la formation du gouvernement libanais qui tarde à naitre depuis 8 mois. Sachant qu’elle trébuche surtout sur le refus du Premier ministre Saad Hariri de partager avec le chef de l’État Michel Aoun, la désignation des membres du cabinet. Une enfreinte à ses droits constitutionnels, selon ce dernier.
Ayant suivi sa tournée de trois jours au cours desquels il a rencontré les trois chefs de l’exécutif et du législatif ainsi que le chef de l’armée et surtout le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, les observateurs médiatiques libanais perçoivent un certain assouplissement dans le ton des Américains. Quoique Hale devrait prochainement quitter ses fonctions, ils estiment que sa visite ne peut qu’être lié aux nouvelles orientations de l’administration Biden. Laquelle pourrait être plus pragmatique que la précédente. Hale l’a d’ailleurs dit clairement qu’il est venu au Liban à la demande du secrétaire d’état américain Anthony Blinken.
Or certains observateurs croient deviner que Washington a renoncé à une condition à laquelle il était très attaché, mais qu’il n’exprimait que dans les coulisses, -pour ne pas paraitre s’ingérer dans les affaires internes libanaises. Le refus de voir le Hezbollah participer au gouvernement.
Constatant que Hale dit la chose et son contraire, ils se sont arrêtés sur ses déclarations dans lesquelles il a dit qu’il ne comprenait pas la position du prince héritier Mohamad ben Salmane à l’encontre du premier ministre désigné Saad Hariri en raison de la relation que ce dernier entretient avec le Hezbollah.
Il s’est interrogé rapporte le journaliste libanais Hussein Ayoub dans son article publié sur l’édition électronique 180 degrés : « Saad Hariri peut-il former un gouvernement et gouverner sans le Hezbollah ? »
Il est de notoriété au Liban que MBS refuse de rencontrer Saad Hariri depuis qu’il l’avait séquestré en 2017 en Arabie saoudite et obligé à présenter sa démission en direct, après l’avoir même giflé selon certaines sources, pour la simple raison qu’il n’est pas parvenu à circonscrire le Hezbollah. Avant que le président français Emmanuel Macon n’accoure à son secours vers Riad pour obtenir sa libération.
La revendication saoudienne étant la même que celle des Américains, il est clair que la question de Hale laisse filtrer une position claire. Compte tenu que l’exclusion du Hezbollah est irréalisable, autant admettre ce qui s’impose.
En effet, après avoir dument contribué à l’effondrement du pays du cèdre, en interdisant les rentrées des dollars et en soutenant entre autres l’ingénieur de cet effondrement Riad Salamé, le gouverneur de la Banque centrale, et dont la dernière de ses manoeuvres a été de priver les Libanais de leurs avoirs banquiers, les Américains craignent que la situation au Liban ne leur échappe définitivement.
Dans leur évaluation annuelle des dangers qui guettent les Etats-Unis, le rapport des renseignements américains perçoit que le Hezbollah poursuit le développement de ses « capacités terroristes » pour les chasser de la région.
« Les Américains craignent que le Liban s’effondre définitivement parce qu’ils craignent qu’il ne tombe entre les mains du Hezbollah et de l’axe Iran-Syrie », ont estimé des observateurs pour le journal libanais al-Bina.
Ayant été le moins touché par la crise économique et financière, dans un pays où 40% de la population vit désormais en dessous du seuil de pauvreté, le parti de la résistance s’investit entièrement pour épargner au Liban « le grand collapse », tel qu’est décrit actuellement dans les grands médias libanais la phase à venir, à l’approche de la suspension du soutien aux produits de première nécessité.
Durant les mois précédents, le parti de la résistance avait investi ses institutions sociales et mis sur pied des comités qui se sont activés à pleine vitesse dans les œuvres caritatives pour aider le plus grand nombre de familles.
Selon le député du Hezbollah, Hassan Fadlallah, il accorde une aide directe à 50 mille familles et le chiffre devrait atteindre les 100 mille durant le mois de Ramadan.
Sans compter l’aide qu’il procure aux agriculteurs libanais soutenant 300 projets agricoles jusqu’à présent.
Dans le cadre d’une politique qui encourage l’économie productive, il s’intéresse aussi au secteur industriel, a révélé M. Fadlallah.
Et la dernière de ses initiatives : le Hezbollah a lancé depuis une dizaine de jours un projet d’aide massives aux familles les plus défavorisées. Il a ouvert des dizaines de supermarchés dans quelques régions libanaises ou les produits de première nécessité sont vendus à des prix cassés. Dotées d’une carte de ration distribuées dans ses bureaux de quartier, ces familles peuvent y faire leurs provisions, une seule fois par mois, pour empêcher les monopolisations.
Autant l’accueil favorable que cette initiative a reçu, elle a soulevé un tollé dans les milieux libanais pro américains. Stigmatisant entre autres le fait que dans les grandes surfaces ouvertes par le Hezbollah, on y vend aussi des marchandises iraniennes ou syriennes, en plus des locales, leur campagne d’acharnement contre le Hezbollah n’a pu cacher leur exaspération de voir leurs objectifs de faire sombrer le Liban tomber à l’eau.
C’est dans ces nouvelles conditions qu’est intervenue la visite de David Hale au Liban. Et son changement de ton perçu par ceux qui ont suivi ses déclarations.
« La principale préoccupation des Américains est actuellement d’empêcher l’effondrement du Liban et surtout qu’il ne tombe entre les mains du Hezbollah et de l’axe de la résistance. Etant donné que le Hezbollah semble s’être adapté au blocus et aux sanctions, en pompant de grandes quantités de marchandises et de produits alimentaires dans le marché pour renforcer la résilience de son environnement populaire et soutenir les autres environnements… c’est ce qui explique pourquoi est tombée la condition américaine qu’il ne soit pas représenté dans le gouvernement », a écrit al-Bina.
Les Américains misent néanmoins que le prochain gouvernement que formera Hariri se soumettra aux desideratas du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, lesquels conditionnent leur aide à des mesures d’austérité qui devront appauvrir davantage les Libanais. Il faut croire que le Hezbollah ne restera pas les bras croisés.
Ils misent aussi sur l’armée libanaise à laquelle ils multiplient les aides, sans passer par les mécanismes juridiques qui supervisent les offres de dons, ni par les transferts bancaires. Selon le journal libanais al-Akhbar, les Américains offrent des sommes allant de 300 mille à deux millions de dollars, dans des valises, à des officiers de l’armée. Ce n’est pas si sure que c’est leur carte gagnante. Au pays du cèdre, les Américains ne sont pas au bout de leur peine.
Source: Divers