Le rachat du club de Newcastle par un fonds saoudien est « une honte pour le football anglais », réalisé au mépris « des droits humains » et de « la justice », a dénoncé vendredi 8 octobre Hatice Cengiz, la fiancée du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi.
« Je suis vraiment triste. Je suppose que l’argent est plus important que tout dans cette vie », a confié à Sky News Mme Cengiz, au lendemain du rachat du club anglais par un consortium comprenant le fonds d’investissement saoudien PCP Capital Partners et les frères David et Simon Reuben.
Son fiancé Jamal Khashoggi, un ancien proche du pouvoir saoudien dont il était devenu un féroce détracteur, a été assassiné en 2018 au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a été désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire de l’assassinat.
Le rachat du club de football du nord-est de l’Angleterre, qui appartenait depuis 14 ans à l’homme d’affaires britannique Mike Ashley, a été estimé à environ 300 millions de livres (353 millions d’euros au cours actuel) par les médias britanniques. Il donnera au fonds d’investissement souverain saoudien 80% des parts.
« Comment les joueurs, les fans et le directeur de Newcastle peuvent-ils accepter cette situation? », a interrogé Hatice Cengiz. « Où sont les valeurs, où sont les droits humains, la responsabilité et la justice pour tous? Cela me brise le cœur de rappeler à l’Occident ces valeurs ».
« C’est une vraie honte pour Newcastle et pour le football anglais », a-t-elle martelé, demandant aux fans du club de « se positionner » à ses côtés pour « défendre nos valeurs et (demander) justice pour Jamal ».
« Sang sur les mains »
Jeudi soir, des milliers de supporters en liesse se sont réunis devant le stade de Newcastle pour célébrer l’accord avec une fête improvisée, laissant derrière eux, vendredi matin, bouteilles vides et autres débris.
Supporter invétéré, le retraité Justin Cowan a admis qu’il existait « des inquiétudes » au sein des fans, mais qu’ils étaient globalement heureux du rachat après avoir « attendu ça si longtemps ».
Les Saoudiens « ont des problèmes de droits humains, tout le monde le sait », a-t-il indiqué à l’AFP, « mais nous en avons besoin. C’est formidable pour la ville ».
Avant l’officialisation du rachat, Amnesty International avait appelé la Premier League à durcir les critères pour pouvoir acquérir un club de football en Angleterre, « au lieu de permettre à des personnes impliquées dans de graves violations des droits humains d’entrer dans le football anglais simplement parce qu’elles ont les poches pleines ».
L’organisme affirme avoir « reçu des garanties légalement contraignantes que le Royaume d’Arabie saoudite ne contrôlera pas le club de Newcastle United ».
Mais pour l’universitaire saoudienne Madawi Al-Rasheed, professeure à la London School of Economics, « MBS » sera directement impliqué dans les décisions du club.
« C’est très irréaliste de dire qu’il existe une séparation entre les fonds publics et privés en Arabie saoudite », a-t-elle déclaré à Channel 4 News.
« Le Royaume-Uni pourrait devenir une plateforme pour les dictateurs de ce monde », a mis en garde Mme Al-Rasheed, pour qui les Britanniques viennent de « vendre un joyau de la couronne à une couronne qui a du sang sur les mains ».