Les tractations irano saoudiennes se poursuivent depuis que le prince héritier Mohamad Ben Salman a déclaré le mois d’avril dernier que le royaume ambitionne d’établir de bonnes relations avec l’Iran, compte tenu que c’est un pays voisin. Opérant une rupture avec sa politique précédente lorsqu’il a déclaré combattre l’Iran sur le sol iranien.
Parrainées par Bagdad, elles en sont à leur sixième round au moins. Quoiqu’il soit trop top d’en déduire leur résultats, force est de constater que pour le moment les Iraniens et les Saoudiens divergent dans leur lecture.
Se voulant optimistes, les responsables iraniens font état « de progrès sérieux », d’après les termes du porte-parole du ministère iranien des AE Saïd Khatib Zadeh. Lequel insiste que «les négociations avec l’Arabie saoudite sont cordiales et fondées sur le respect mutuel »,
Alors que les Saoudiens affichent leur scepticisme sur les résultats qui en découleront. « Elles n’ont pas réalisé de progrès tangibles », estime le chef de la diplomatie saoudienne Fayçal Ben Farhan, tout en admettant leur cordialité.
Fidèles à leur approche positive, ce sont les Iraniens qui ont révélé que les exportations iraniennes au royaume ont été rétablies après une suspension de plusieurs années. Tout en constatant qu’elles sont encore minces. Sans que les Saoudiens n’en disent rien.
Et ce sont eux aussi qui ont annoncé que L’Arabie va réouvrir bientôt son ambassade à Téhéran. Sans trop s’attarder sur l’exclusion pour le moment qu’une délégation saoudienne visite l’Iran, et vice versa.
Riad avait convoqué son corps diplomatique de Téhéran suite aux manifestations qui ont éclaté devant son ambassade après l’exécution de la peine de mort à un éminent religieux chiite saoudien qui réclamait des réformes politiques.
L’évènement a eu lieu en 2016, un an après la guerre lancée au Yémen par l’Arabie, à la tête de la coalition arabe, pour soutenir son allié le président contesté Abed Rabbo Mansour Hadi contre Ansarullah qui avait conquis la capitale Sanaa. Depuis leur offensive contre ce pays, les Saoudiens accusent inlassablement les Iraniens de soutenir et d’armer l’organisation houthie qu’ils n’ont pu vaincre après six années de guerre.
Et c’est sur ce dossier précisément que les pourparlers se heurtent manifestement.
« Le Yémen est l’un des dossiers les plus importants que les saoudiens abordent devant les Iraniens. Mais les Iraniens leur disent que son règlement ne passe pas par Téhéran mais par l’équipe yéménite des négociations présente à Oman, a indiqué l’expert iranien pour les questions iraniennes et régionales, Mohamad Mahdi Chariatmadari pour la télévision libanaise d’information al-Mayadeen.
Selon l’expert les divergences entre ces deux pays qui se partagent les plus longues frontières sur le golfe persique, à travers lequel transitent près de 40% du pétrole mondial sont bien plus profondes.
« Le désaccord principal entre Riyad et Téhéran réside dans la différence de perception de la relation avec les Etats-Unis, de la présence étrangère et de leur influence dans la région et sur la nature du tissu des relations régionales et internationales ».
Il poursuit : « l’Iran est hostile à la présence et à l’influence étrangère, et il prône l’établissement de mécanisme de collaboration et de complémentarité économique, alors que l’Arabie saoudite est favorable à des relations privilégiées avec Washington et à la présence de ses bases militaires dans la région ».
Tout en soulignant que c’est le seul point qui pourrait altérer les liens entre ces deux pays, l’invité iranien se veut rassurant sur le pragmatisme de son pays.
« La preuve en est la relation entre l’Iran et la Turquie qui est entachée par des nombreuses divergences sur plusieurs endroits de la région, surtout concernant l’ingérence turque en Syrie et au nord de l’Irak ce qui n’entrave pas la nature des relations entre les deux pays », d’après lui.
Contrairement au ton positif de l’invité iranien, l’expert saoudien sur les questions stratégiques Ahmad al-Chahri semble coincé sur les questions qui tracassent son pays.
Tout en admettant qu’« il n’y a pas d’impossible en politique », ainsi que l’importance des intérêts communs entre les deux pays et de la région, il s’arrête sur le dossier yéménite qu’il qualifie d’« épineux ».
« Les difficultés qui entravent les négociations irano-saoudiennes sont nombreuses. Les plus importantes sont celles de l’ingérence iranienne au Yémen, la sécurité dans le golfe et de l’influence iranienne dans certains pays arabes », a-t-il affirmé pour al-Mayadeen Tv.
« Tant que l’Iran ne renonce pas à ses ambitions expansionnistes, le fait de parvenir à un règlement semble difficile », a-t-il conclu. Sont sous-entendu les relations iraniennes avec la Syrie, l’Irak et le Liban.Ainsi que le Yémen
La rhétorique de l’expert saoudien montre que les griefs saoudiens à l’Iran sont inchangés, malgré les échecs cumulés par la politique hégémoniste de Riyad.
Et d’après le discours de l’expert iranien, l’Iran ne parait pas vouloir faire des concessions sur des choix politiques régionaux qu’il estime être de son plein droit.
Mais force est de constater que les Iraniens évitent de soulever une autre pomme de discorde qui les écartent diamétralement des Saoudiens : la relation avec l’entité sioniste.
« Israël tentera d’entraver tout rapprochement dans la région parce qu’il nuit à ses intérêts, surtout entre l’Arabie saoudite et l’Iran », s’est contenté de souligner M. Chariatmadari. Sans reprocher à Riyad ses efforts pour pousser le monde arabe et islamique vers la normalisation avec l’entité sioniste, avant de passer à l’acte. Alors que Téhéran ne cache pas l’aide qu’il procure à tous ceux qui veulent la combattre.
Une précaution iranienne qui ne veut pas embarrasser Riyad et en dit long sur le long souffle des Iraniens dans leur politique de négociations.
Sur cette question, l’omerta saoudienne laisse perplexe sur les causes profondes de l’animosité saoudienne à Téhéran.
Source: Médias