Le New York Times a un travail à faire – et il l’a fait de manière spectaculaire au cours des derniers mois. Le Times est un précurseur, de l’avis de cet auteur, le précurseur dans l’élaboration du récit américain de la guerre en Ukraine, un récit conçu pour maintenir le moral, donner à la guerre un objectif moral élevé et justifier les milliards incalculables déversés par les contribuables dans la guerre par procuration de Joe Biden contre la Russie.
Jour après jour, page après page, avec des mots et des images, le Times explique à tous, y compris aux politiciens et aux leaders d’opinion de bas niveau, ce qu’il faut penser de la guerre en Ukraine.
Ainsi, lorsque le Times affirme que les choses ne vont pas bien pour les États-Unis et leur homme à Kiev, Volodymyr Zelensky, il s’agit d’une histoire du type « l’homme mord le chien ». Il nous dit que certaines vérités sont passées d’inconfortables à indéniables. Telle était la nature de l’article publié en première page le 11 mai, intitulé « Les Russes tiennent une grande partie de l’Est, malgré les revers ».
Même ce titre antinarratif adoucit l’amère vérité. Le premier paragraphe de l’article avoue plus complètement : « Obscurcie dans les combats quotidiens, la réalité géographique est que la Russie a gagné du terrain. » Pas « tenir » le terrain mais « gagner » du terrain. Pas vraiment de quoi remonter le moral des troupes.
Le Times poursuit : « Le ministère russe de la Défense a déclaré mardi que ses forces dans l’est de l’Ukraine avaient progressé jusqu’à la frontière entre Donetsk et Lougansk, les deux provinces russophones où les séparatistes soutenus par Moscou combattent l’armée ukrainienne depuis huit ans ». Il nous rappelle ici que les premiers coups de feu de cette guerre n’ont pas été tirés le 24 février, comme le veut la narration, mais il y a huit longues années dans le Donbass. C’est un rappel cinglant pour ceux qui basent leur soutien à la guerre sur « qui a tiré le premier coup de feu », que leur vision « morale » a un angle mort considérable.
Le Times poursuit : « …. la prise du Donbass, combinée au succès précoce de l’invasion russe dans la prise de parties du sud de l’Ukraine jouxtant la péninsule de Crimée … donne au Kremlin un énorme levier dans toute négociation future pour mettre fin au conflit. »
Il poursuit : « Et les Russes jouissent de l’avantage supplémentaire de la domination navale en mer Noire, la seule route maritime pour le commerce ukrainien, qu’ils ont paralysée par un embargo qui pourrait finir par affamer l’Ukraine économiquement et qui contribue déjà à une pénurie mondiale de céréales. Encore des mauvaises nouvelles.
Plus encore, « La Russie a pratiquement atteint l’un de ses principaux objectifs : s’emparer d’un pont terrestre reliant le territoire russe à la péninsule de Crimée». Et, « Le dernier bastion de la résistance ukrainienne dans cette zone, à l’usine sidérurgique Azovstal de Marioupol, a été réduit à quelques centaines de soldats affamés, désormais confinés pour la plupart dans des bunkers ». Aïe !
Enfin, tournant son attention vers l’économie, le Times déclare : « La guerre a soumis l’économie ukrainienne à un stress énorme, avec la lourde dévastation des infrastructures et des capacités de production », citant la banque dans une mise à jour économique. Celle-ci estime que 30 à 50% des entreprises ukrainiennes ont fermé leurs portes, que 10% de la population a fui le pays et que 15% supplémentaires sont déplacés à l’intérieur du pays. Soit un grand total de 25% de la population déplacée de chez elle.
Cette triste histoire d’échec, de misère et de mort est entrecoupée par un verbiage considérable, quelques anecdotes du front et le témoignage d’Avril Haines, directrice du renseignement national, dont le témoignage est prudent mais sombre. Mais, lu avec réflexion, c’est un grand échec qui plane sur l’entreprise.
Ainsi, dans la panique, les États-Unis continuent de jeter des montagnes d’argent sur le problème, environ 63 milliards de dollars si l’on inclut la récente infusion d’environ 40 milliards de dollars sur le point d’être sifflée par le Sénat et déjà adoptée par la Chambre avec seulement 57 Nays, tous républicains. (Et c’est là que se trouve une autre histoire, celle de la disparition du sentiment anti-guerre au sein du parti démocrate et de sa renaissance parmi les républicains populistes de Tucker Carlson qui ont rejoint les libertaires du GOP sur cette question).
Mais pourquoi ce brusque changement de ton de la part du Times. Une surveillance éditoriale laxiste ? Cela ne semble pas être le cas, car le même jour, nous avons droit à un article d’opinion intitulé : «L’Amérique et ses alliés veulent saigner la Russie. Ils ne devraient vraiment pas ». Cet article suggère qu’il est temps pour les États-Unis d’agiter le drapeau blanc.
L’article se conclut ainsi :
« Mais plus la guerre est longue, plus les dommages causés à l’Ukraine sont importants et plus le risque d’escalade est grand. Un résultat militaire décisif dans l’est de l’Ukraine pourrait s’avérer insaisissable. Pourtant, l’issue moins dramatique d’une impasse persistante n’est guère mieux. La prolongation indéfinie de la guerre, comme en Syrie, est trop dangereuse avec des participants dotés de l’arme nucléaire.
« Les efforts diplomatiques devraient être la pièce maîtresse d’une nouvelle stratégie pour l’Ukraine. Au lieu de cela, les frontières de la guerre sont étendues et la guerre elle-même est présentée comme une lutte entre la démocratie et l’autocratie, dans laquelle le Donbass est la frontière de la liberté. Ce n’est pas seulement une extravagance déclamatoire. C’est de l’inconscience. Les risques n’ont guère besoin d’être énoncés. »
Il semble que certains membres de l’élite de la politique étrangère et d’autres enceintes de l’État profond aient vu le désastre imminent de la guerre par procuration contre la Russie menée par Biden, Nuland, Blinken et le reste de la cabale néocon. La perspective d’un holocauste nucléaire au bout de cette route pourrait suffire à les tirer de leur torpeur. Ils semblent vouloir arrêter le train qu’ils ont mis en marche avant qu’il ne se jette dans le précipice. Il n’est pas certain qu’ils y parviennent. Mais il est clair que nous devons chasser du pouvoir les responsables de cette dangereuse débâcle – avant qu’il ne soit trop tard.
Par John V. Walsh.
Source : Antiwar; traduction Arrêt sur Info