Quelques centaines de personnes ont afflué samedi 11 février dans les rues du centre-ville de Los Angeles -coïncidant avec le 44e anniversaire de la victoire de la Révolution islamique de 1979- appelant à un «changement de régime » en Iran.
Parmi les participants, figuraient des membres du groupuscule terroriste anti-iranien Mojahedin-e-Khalq (OMK) [connu en Iran sous l’appellation des « Monafeghines ou les hypocrites], des monarchistes fidèles à la famille Pahlavi et un visage familier qui a joyeusement posé pour des photos au milieu du cirque.
Vêtu d’un T-shirt bleu et d’une casquette de baseball blanche, l’ancien chef adjoint du SAVAK, la soi-disant « police secrète » de Mohammad Reza Pahlavi connue pour ses tortures au troisième degré et d’autres violations flagrantes des droits de l’homme, était présent avec sa famille au rassemblement des partisans du « changement de régime ».
Parviz Sabeti avait la même apparence -inique et sans remords- alors qu’il rejoignait le soi-disant chœur « zan, zendegi, azadi » [femme, vie, liberté] devant l’hôtel de ville de Los Angeles avec sa fille, qui a publié les images (désormais virales) sur Twitter.
« Il y a 44 ans aujourd’hui, notre pays natal tombait dans les ténèbres. En espérant que cette année apporte la lumière et la solidarité », a tweeté Pardis Sabeti, omettant de mentionner l’obscurité que son infâme père a apportée dans la vie de millions d’Iraniens ordinaires, y compris des femmes de son âge.
L’ironie n’a pas échappé aux personnes qui ont vécu, été témoins ou entendu parler de la torture impitoyable pratiquée par le SAVAK sur des prisonniers politiques et des citoyens ordinaires, y compris des femmes, dans les années précédant la Révolution de 1979.
Il existe des preuves documentées de la façon dont des agents infiltrés du SAVAK -travaillant directement sous les ordres de Sabeti- intimidaient, arrêtaient, torturaient, violaient et tuaient des femmes pendant la dictature de Pahlavi. Les récits sont si horribles qu’ils rappellent les camps de concentration nazis.
On en trouve des traces dans des archives de journaux, des articles de recherche, des livres et aussi dans une prison située au centre de Téhéran, transformée de nos jours en musée, et qui donne un aperçu des techniques de torture utilisées par le SAVAK.
Pour la grande majorité de ces victimes, en particulier les femmes, la torture a laissé des cicatrices physiques et surtout psychiques et indélébiles, avec lesquelles elles continuent de vivre, ou sont déjà mortes.
Sabeti s’en est pourtant tiré, ayant fui le pays avant que l’imam Khomeini ne revienne triomphalement en février 1979 et que la République islamique ne remplace la dictature de la famille Pahlavi soutenue par l’Occident. Le célèbre maître-espion a trouvé refuge dans l’Occident qui rabâche sur les droits de l’homme.
Samedi, entouré de sa famille et de ses amis proches, Sabeti a posé pour des photos lors du rassemblement de Los Angeles – peut-être pour la première fois depuis son évasion d’Iran il y a plus de quatre décennies. Son apparition à la marche en soi met un gros point d’interrogation sur l’agenda de ses organisateurs.
Le SAVAK a été créé en 1957 avec l’aide de la CIA américaine et du Mossad israélien. L’agence était investie de pouvoirs étendus pour recourir à la torture contre ceux qui exprimaient leur dissidence contre les Pahlavi. Le musée « Ebrat » de Téhéran [l’ancienne prison susmentionnée] n’était qu’un des lieux de torture utilisés par la redoutable « police secrète ».
Sabeti et ses mercenaires se sont spécialisés dans la torture en détention, les faux procès et les exécutions sommaires. Fait intéressant, certaines de ses victimes étaient des membres du groupe terroriste OMK, que l’on peut maintenant voir frayer avec lui.
Parmi les personnes interrogées et torturées sous la garde du SAVAK figurent des étudiants, que ce soit de fervents musulmans ou des gauchistes laïcs. Celui qui disait la vérité au pouvoir finissait par être puni. De nombreux étudiants ont été empoisonnés à la prison d’Evin ou exécutés sans procès et sans que leurs familles ne soient informées.
Après des décennies d’hibernation, le criminel notoire a donné une interview en février 2012, niant avoir été impliqué dans des actes de torture ou d’autres formes de violence contre des prisonniers. Les remarques ont provoqué un volcan de colère et d’indignation de la part de ceux qui avaient été les victimes de son horreur inexprimable.
Au total, 198 anciens prisonniers politiques qui avaient subi des tortures brutales aux mains de Sabeti et de ses sbires ont publié une déclaration ferme après la publication de l’interview. Ils n’étaient pas d’humeur à pardonner ni à oublier.
Samedi, après sa première apparition publique en plus de 40 ans, les réseaux sociaux ont de nouveau éclaté de colère, lui reprochant d’avoir singé la solidarité avec le peuple iranien alors qu’il devrait en fait être jugé pour des crimes horribles.
« Il est étrange qu’au cours de ces années, aucune action en justice n’ait été intentée contre Parviz Sabeti par les victimes de la torture du SAVAK qui vivent maintenant en Amérique et en Europe », a tweeté l’analyste, avocat et expert de politique étrangère, Reza Nasri, ajoutant que « la base juridique nécessaire » existe pour sa poursuite.
« Sabeti était un chef-adjoint du SAVAK, supervisant la torture, l’enlèvement et l’assassinat des membres de l’opposition de l’époque. Le nom de Sabeti était synonyme de mort et de torture pour de nombreux Iraniens », a tweeté Setareh Sadeqi, commentatrice politique et animatrice de podcast. « Nous n’avons pas oublié. »
« La diaspora iranienne en un mot, votre demi-oncle iranien aux États-Unis, avec sa chemise bleue, est Parviz Sabeti – un haut fonctionnaire du SAVAK connu pour ses techniques de torture à l’époque Pahlavi. Le gars avec sa fausse solidarité, on dirait que ses tortures sanguinaires lui manquent », a écrit Arya, chercheur et écrivain.
« Ces tentatives de se blanchir, de la part de gens comme Parviz Sabeti, en disent long sur le long chemin que nous devons parcourir ensemble, et le cas de Sabeti ne sera pas la dernière » a écrit Leila, une autre utilisatrice de Twitter.
Par Syed Zafar Mehdi: journaliste, commentateur politique et auteur basé à Téhéran.
Source: Press TV