La décision du nouveau dirigeant de la Syrie Ahmad al-Charaa (alias Abou Mohamad al-Jolani) de prolonger le délai pour la prochaine élection présidentielle ainsi que les récentes désignations et promotions dans la nouvelle armée ont attisé les craintes quant à sa monopolisation du pouvoir.
Les nouveaux délais de 4 ans pour la présidentielle et de 3 ans pour la rédaction de la constitution contredisent les premières déclarations de Charaa au lendemain de la prise du pouvoir à Damas lorsqu’il avait fixé à trois mois le mandat du gouvernement provisoire qu’il a désigné. Charaa les a expliqués par la volonté de préparer le terrain en menant d’abord un recensement de la population syrienne.
Des experts appréhendent que cette décision n’illustre sa volonté de renforcer son pouvoir politique et administratif en Syrie.
« Des propos édulcorés »
Le membre du bureau politique du parti syrien de la gauche démocratique Zaki al-Droubi constate que Charaa lance dans ses déclarations officielles « des propos édulcorés », qui laissent entendre qu’il aspire à une participation inclusive au pouvoir, mais « ses actions montrent qu’il exécute un plan qui lui permet de s’accaparer le pouvoir ».
Depuis sa prise du pouvoir, explique Droubi pour le site Erem News, il s’est accaparé la désignation des ministres, des gouverneurs des provinces, nommant ses proches, sans aucune participation des autres composantes politiques syriennes. De même pour la restructuration de l’armée en intégrant les factions qui faisaient partie de sa coalition Hayat Tahrir al-Sham.
Dimanche soir, un décret signé par « le commandant général Ahmad al-Charaa », a ordonné la première promotion dans les rangs de commandants qui ont été désignés au commandement de la nouvelle armée. Le nouveau pouvoir, issu d’une coalition dirigée par des islamistes radicaux, avait dévoilé la semaine dernière un accord avec « tous les groupes armés » pour leur dissolution, et leur « intégration sous la tutelle du ministère de la Défense ».
La décision prévoit d’accorder à cinq personnalités le grade de général de brigade et à 42 autres celui de colonel. Cette promotion est « fondée sur l’intérêt national suprême, et dans le cadre du lancement du processus de développement et de modernisation de l’armée et des forces armées », d’après le communiqué.
Ont été promu entre autres au grade de général de brigade Morhef Abou Qasra, pressenti au ministère de la Défense dans le gouvernement provisoire et Ali Noureddine al-Naasane. Abou Qasra originaire de la ville de Halfaya, du gouvernorat de Hama occupait le poste de commandant général de la branche militaire de Hayat Tahrir al-Sham. Al-Naasane occupait celui de son chef d’état-major.
6 étrangers inclus dans le promotions
« La majorité de ces promotions concernent des personnalités du cercle rapproché d’Ahmad Al-Charaa », a indiqué à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
L’OSDH, a identifié au moins « six jihadistes étrangers » dans la liste, notamment un Albanais, un Jordanien, un Tadjik, un Ouïghour du Turkestan, mais aussi un Turc issu de HTS.
Le Ouïghour est issu du parti islamique du Turkestan (TIP), groupuscule jihadiste implanté à Idleb, bastion rebelle de Syrie d’où est partie l’offensive qui a mené à la chute d’Assad, a précisé à l’AFP M. Abdel Rahmane.
Selon Al-Droubi, il existe de plus en plus d’indicateurs montrant le désir d’al-Jolani de monopoliser le pouvoir, tout en essayant de contourner les demandes du peuple concernant la tenue d’une conférence nationale qui réalise ses ambitions et ses intérêts et ceux de ceux qui l’accompagnent, ce qui illustre selon lui qu’il agit de la même manière que le régime déchu d’Assad.
Selon le chercheur spécialisé dans les affaires des groupes fondamentalistes et extrémistes, Mustafa Amin, le changement du discours d’al-Jolani sur la durée de la période de transition et la préparation de la constitution jusqu’à la tenue des élections, de 3 mois à 4 ans, est « prévisible ». Il a dit s’attendre à d’autres déclarations similaires dans lesquelles il contredira d’autres de ses déclarations, étant donné qu’il est un « pragmatique ».
« La nature de sa transition de Daech (EI), puis son départ d’Al-Qaïda après en avoir été un membre actif, puis en s’exprimant dans un langage et d’une manière modérée et en « paraissant modéré » comme dans la forme actuelle, confirme sa possession d’un pragmatisme clair dans la gestion des affaires, sur le terrain, nous le voyons avec son groupe, ils vont vers le contrôle des articulations du pays », selon Amin.
Source: Divers