Un groupe de députés a exhorté Londres à expulser l’ambassadrice israélienne Tzipi Hotovely, l’accusant de défendre une politique « génocidaire » à Gaza et de « bafouer le droit international. »
Ce groupe qui compte 20 députés a invoqué les obligations légales du pays au titre de la « Convention sur le génocide » et dénonçant la campagne militaire en cours à Gaza.
Dans une lettre menée par le député indépendant Adnan Hussain et cosignée par des élus de l’Independent Alliance, du Parti vert, du SNP et de la travailliste Abtisam Mohamed, les parlementaires accusent Israël de mener « une campagne génocidaire ». Ils estiment que « le silence ou l’inaction face au génocide n’est pas de la neutralité, mais de la complicité » et exhortent Londres à faire preuve de fermeté.
Les signataires demandent aussi au gouvernement britannique de soutenir les sanctions internationales contre Israël et d’appuyer les enquêtes de la Cour pénale internationale.
Rendre la balle : vous aussi
Cette stigmatisation d’une diplomate israélienne chevronnée touche particulièrement son discours depuis qu’elle a pris ses fonctions à Londres en 2020.
Interviewée par le journaliste star Piers Morgan, quelques jours après l’attaque du 7 octobre et le déclenchement de la guerre génocidaire israélienne contre la bande de Gaza, Tzipi Hotovely a justifié les massacres perpétrées contre les civils palestiniens en rappelant au journaliste britannique l’histoire de son pays, pendant la seconde guerre mondiale dans la guerre contre l’Allemagne nazie.
« Lors des attaques contre les villes allemandes », a-t-elle souligné. « Au total, plus de 600.000 civils allemands ont été tués », ajoute l’ambassadrice. « Cela en valait-il la peine dans l’optique de l’Allemagne nazie ? La réponse est oui. »
Deux ans plus tard, Hotovely a utilisé la même manœuvre avec le même Morgan, lorsqu’il lui a demandé si elle était « prête à tuer » des enfants, alors que le chiffres rendaient compte de la mort de plus de 17 mille enfants palestiniens.
« Combien d’enfants japonais ont été tués lors des attaques américaines, et combien d’enfants allemands sont morts sous les bombardements britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale ? », a-t-elle rétorqué.
Et l’ambassadrice de poursuivre en soulignant que les actions israéliennes restent mesurées comparées aux précédents occidentaux : « Israël n’approche même pas les attaques américaines sur Tokyo qui ont fait 100 000 victimes civiles, ni les actions du Royaume-Uni durant la Seconde Guerre mondiale. »
Cette manœuvre de rendre la balle aux interlocuteurs occidentaux en leur rappelant les massacres qu’ils ont commis contre des civils surtout pendant la seconde guerre mondiale est souvent utilisée par les diplomates et les politiciens israéliens pour persuader les dirigeants voire l’opinion publique occidentale du bien-fondé de leurs massacres contre les Palestiniens ou les autres peuples de la région. Pendant longtemps, cette manigance est parvenue à faire taire les voix critiques.
Les médias occidentaux se sont mis à défendre la diplomate israélienne, en contestant que l’analogie qu’elle a opérée puisse être interprétée comme une adhésion à l’assassinat des civils palestiniens !
Au nom de la démocratie et de la civilisation
Cette méthode de persuasion auprès des sociétés occidentales est basée sur la mise en exergue des similitudes entre Israël et l’Occident. En fait partie entre autres le discours qui vante que l’entité sioniste défend la civilisation occidentale, si cher à Netanyahu.
De même pour la mise en exergue de la démocratie israélienne, glorifiée comme unique dans un Moyen-Orient qui sombre dans les régimes dictatoriaux. On peut constater que l’exemple démocratique libanais est volontairement occulté car il sape l’exclusivité.
L’ambassadrice israélienne utilise arbitrairement l’argument de la démocratie israélienne. Lors d’une visite en France en 2015, alors qu’elle était vice-ministre des AE, elle avait présenté les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée comme « les premières lignes de la société démocratique ».
Cette manœuvre qui chatouille le sentiment de ressemblance avec les occidentaux pour justifier une action illégale, à savoir la colonisation, se base sur un paradigme qui autorise implicitement aux démocraties ce qui est prohibé aux autres systèmes politiques. Raison pour laquelle elle bâillonne miraculeusement toute contestation.
Dès qu’elle est entrée en exercice à Londres depuis 2020, cette ancienne ministre chargée de l’expansion illégale des colonies juives en Cisjordanie, a défendu ouvertement son annexion par Israël dans les rencontres auxquelles elle participait voire même dans les universités où elle a été huée à plusieurs reprises par les étudiants. Elle n’a jamais été inquiétée, la classe dirigeante prenant sa défense et réprimant les contestataires.
Hotovely excelle dans une autre manœuvre manipulatrice dans son discours : celle de démentir des faits historiques irréfutables et d’accuser ceux qui les démontrent d’être eux des menteurs. C’est la tactique d’attribuer son mensonge à l’adversaire.
Bien avant la guerre, en décembre 2020, elle avait qualifié la Nakba qui illustre l’expulsion documentée et avérée de plus de 700 mille palestiniens en 1948 de « mensonge populaire ».
Pas de peuple palestinien
Il faut croire que cette manipulation remonte à un fil conducteur qui a toujours distingué le discours de propagande israélien en général et celui de Hotovely en particulier : c’est l’absence insolite d’allusion au peuple palestinien.
Loin d’être une omission fortuite, c’est le fruit d’une décision bien concertée qui remonte à la rhétorique du mouvement sioniste depuis la fin du 19eme siècle : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». L’on pourrait être amené à croire que l’annihilation du peuple palestinien dans le discours se devait être le prélude de son annihilation dans la réalité, dans la géographie comme dans l’histoire. Israël s’y attelle depuis des décennies via une manipulation qui veut rendre le visible invisible.
En découle le rejet de l’existence de la Palestine, quoique des documents attestent que les premiers juifs qui s’y sont rendus au 20eme siècle détenaient des cartes d’identité palestinienne !
De même en propageant que la Palestine était un désert, occultant l’existence de villes aussi urbanisées que les villes européennes !
Nombreux sont les juifs qui ont reconnu avoir été arnaqués par cette propagande sioniste, lorsqu’en arrivant en Palestine ils ont trouvé un peuple !
Pendant longtemps, les massacres perpétrés contre les Palestiniens pour les pousser à l’exode, comme à Deir Yassine ou Tantoura et des dizaines de villages, sont soigneusement occultés. Leur révélation ultérieure fait l’objet d’une interprétation comme étant une riposte à des attaques palestiniennes.
L’occupation, elle-même, est omise par la prophétie du retour à la terre des ancêtres. Les exemples ne manquent pas.
Le déni de la résistance et les massacres de civils
Ce déni cynique se répercutera sur le droit du peuple palestinien à la résistance, quoique prôné par le droit international.
Israël a réussi à faire adopter dans le discours politique et médiatique occidental la taxation des organisations de résistance palestinienne de terrorisme en vue de les diaboliser. Comme si les Palestiniens étaient des étrangers ou des envahisseurs. Il en a été ainsi pour l’OLP. Il l’est aujourd’hui pour le Hamas.
Cette taxation permet non seulement de combattre le Hamas, mais aussi de tuer en toute impunité les civils palestiniens, pour la simple raison qu’ils sont attachés à leur terre et soutiennent la résistance, les présentant parfois « des dommages collatéraux » et d’autres fois des « soutiens au Hamas et ses complices ».
Et les médias occidentaux suivent à la lettre. Toute l’offensive contre la bande de Gaza depuis octobre 2023 a pour titre « la guerre contre le Hamas » et non contre la bande de Gaza ou les Palestiniens.
S’ajoutent à cette diatribe la manie d’attribuer à la résistance les horreurs israéliennes commises.
S’il y a crise humanitaire à Gaza, c’est « le Hamas qui devrait être blâmé » car « il poursuit ses actions terroristes », défendait sans cesse l’ambassadrice pendant ses interviews. S’il y a famine c’est parce que le Hamas pille l’aide humanitaire.
Au nom de l’Holocauste… au nom du droit divin
L’autre face de ce déni confère un droit absolu au peuple israélien sur la terre de la Palestine aux juifs, au détriment de la population autochtone, toutes communautés confondues.
Pendant longtemps, l’usurpation de la Palestine a été défendue dans la propagande israélienne par la rhétorique de la victimisation en se référant à la Shoah et aux pogroms infligés aux juifs en Europe.
Elle se justifie de plus en plus par un discours qui prêche le « droit inaliénable des juifs sur la terre promise » à la base d’un droit divin religieux. Ce dernier qui renvoie aux origines religieuses du projet sioniste, longtemps méconnues, est de plus en plus manifeste. Comme l’illustre parfaitement le récent discours du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lequel a déclaré sentir « être pressenti d’une mission spirituelle pour la vision du grand Israël ».
Dans des pays occidentaux à la tradition laïque qui prône la séparation de l’Église et de l’Etat, ce discours est relégué à un second degré en faveur de celui de la victimisation au nom de l’Holocauste.
Dans ceux où cette séparation n’est pas de mise, il passe sans contestation, comme c’est le cas aux Etats-Unis où des politiciens dont les évangélistes parlent ouvertement du droit incontestable des juifs à la « terre d’Israël ».
Un clivage se creuse
Force est de constater qu’au Royaume-Uni, pays qui a contribué à la création d’Israël, ce discours de propagande israélienne de l’ambassadrice israélienne et des autres porte-voix d’Israël passe de plus en plus mal et creuse un clivage entre le peuple et la classe dirigeante.
Parmi ceux qui ont exigé l’expulsion de l’ambassadrice israélienne, le député indépendant John McDonnell a mis les points sur les i.
« Mais ce qui me dérange particulièrement, c’est que nous avons une ambassadrice israélienne qui défend le Grand Israël, refuse de reconnaître l’État de Palestine, s’oppose à toutes les résolutions de l’ONU sur la manière de parvenir à la paix et à la sécurité, et qui est toujours dans notre pays », a-t-il déclaré, réitérant : « Pourquoi ne pas expulser l’ambassadrice israélienne ? « .
Il est vrai que cette description ne révèle aucun élément nouveau dans le discours israélien. Elle montre toutefois que la propagande israélienne n’arrive plus à travestir les faits. Plus que jamais, avec la guerre de Gaza et les déclarations des dirigeants israéliens, la vérité d’Israël éclate au grand jour !
Mais la classe dirigeante peine à agir. Elle s’est bornée à la condamnation verbale et à la menace de sanctions qui tardent à venir. Ayant défendu l’ambassadrice, malgré ses outrances, Londres a attendu près de deux ans pour la convoquer, le mois de mai dernier. La demande de son expulsion est restée sans réponse.
Et comme ces mesures formelles ne rassasient pas le mouvement de contestation populaire pro palestinien qui ne cesse de gonfler les rangs de l’organisation Palestine Action, qui exige davantage dont la suspension de l’aide militaire, Londres n’a trouvé d’autres moyens que de recourir à des mesures de répression dignes d’un régime policier. Il est vrai que la défense d’Israël, à l’heure de vérité, ne saurait être compatible avec une démocratie digne de ce nom.
La faillite du discours de propagande israélien devant les images du génocide à Gaza place les démocraties occidentales, face à un dilemme par rapport à leur population. Elles devront choisir entre un système pour lequel elles ont lutté pendant des décennies ou le retour à une tyrannie archaïque. Entrainés ou impliqués dans le cycle diabolique israélien, ces démocraties sont à l’heure de vérité !