Ci-dessous le texte discours :
Chères libanaises, chers libanais,
Mes chers compatriotes … mes compagnons d’armes … mes compagnons dans les épreuves
Pour être indépendant, il faut tout d’abord affronter la vérité.
Voilà pourquoi je me retrouve aujourd’hui au Sud-Liban, cette terre qui résume toute l’histoire du Liban : la résistance, l’absence et le retour.
C’est donc ici, là où se mesurent la valeur de l’État et la notion de souveraineté, que nous entamons notre discours sur l’indépendance… une fois de plus.
Les agressions et l’absence de l’État ont affaibli cette terre, mais elle a résisté… et elle se relèvera avec le retour de l’État qui y imposera une seule autorité, hissera un seul drapeau et aura seul le pouvoir de décision.
Car le chemin vers l’indépendance commence par la présence de l’État, et non par son absence ; par sa souveraineté, et non par la dualité étatique, sur chaque pan du territoire libanais.
Mes chers compatriotes, vous savez que j’ai l’habitude d’être franc avec vous.
Aujourd’hui, la franchise semble plus nécessaire que jamais.
En premier lieu parce que c’est la première fois que je m’adresse à vous en tant que président à l’occasion de la fête de l’indépendance, suite à des années de vide que nous avons surmontées et que nous ne laisserons pas se reproduire.
En second lieu parce qu’il nous semble opportun, en ce moment crucial de l’histoire de notre pays, qui ne tolère point de demi-vérités, de parler vrai.
Notre indépendance est une réalité vivante qui ne saurait être reléguée au passé.
Notre indépendance est une réalité, car des femmes et des hommes libanais ont versé leur sang pour la réaliser.
Il y a ceux que nous oublions malheureusement de mentionner parfois, qui sont tombés sur le long chemin de l’indépendance, et le 22 novembre n’en est qu’une étape parmi tant d’autres sur cette marche jalonnée de sacrifices.
Aujourd’hui, en votre nom à tous, je m’incline devant leur sacrifice.
Aujourd’hui, je rends hommage à ceux qui sont tombés en martyrs à Bchamoun pour défendre le gouvernement indépendant, sur la place de l’Etoile pour défendre le drapeau de l’indépendance, et les quatorze anges de Tripoli, qui ont été martyrisés alors qu’ils manifestaient en faveur de l’indépendance.
Ils constituent les martyrs tombés durant les événements qui ont précédé et qui ont suivi le 22 novembre 1943, date de l’indépendance du Liban. Nous sommes fiers d’eux et nous leur rendons hommage. Nous leur témoignons toute notre loyauté et notre profonde reconnaissance.
Mais il faudrait aussi reconnaitre la deuxième vérité, à savoir, que le pays n’a pas accédé à l’indépendance du jour au lendemain, et qu’aucune patrie ne se construit en un an.
Le Liban est le fruit d’un combat séculaire pour la liberté.
Soyons francs les uns envers les autres sur le point suivant : La naissance du Liban n’a pas fait l’unanimité.
En effet, d’aucuns envisageaient un État plus petit que le Liban, par crainte de perdre leur identité individuelle ou collective en se retrouvant dans un environnement différent.
D’autres encore envisageaient un État plus grand que le Liban, convaincus d’une appartenance différente à l’idée libanaise ou rejetant la domination étrangère ou la mentalité coloniale.
Mais deux développements fondamentaux ont changé la donne :
Tout d’abord, les Libanais ont appris à mieux se connaître… et ont découvert qu’ils se ressemblent davantage les uns aux autres qu’à n’importe qui d’autre, d’où qu’il vienne.
Deuxièmement, ils se sont rendus compte que le vivre-ensemble était bien moins coûteux que notre loyauté à un pays étranger, quel qu’il soit, ou l’adhésion à une illusion, qu’elle soit occidentale ou orientale.
Ainsi, une nouvelle majorité s’est formée, composée de chrétiens, de musulmans et de tous les Libanais, plaçant l’appartenance libanaise au premier plan, et refusant de prêter allégeance à l’extérieur. Il s’agit d’une majorité constitutionnelle et identitaire fortement convaincue que le Liban est une entité et une patrie. Cette majorité a mis en œuvre le pacte libanais en travaillant et en vivant réellement ensemble, en dépit des critiques formulées par les deux camps, des campagnes de diffamation lancées par les deux camps opposés, ainsi que les accusations et les reproches de toutes sortes.
L’indépendance que nous célébrons aujourd’hui n’est que l’aboutissement de ce travail acharné.
Après quoi, nous avons mal géré notre indépendance.
Oui, nous avons mal géré notre indépendance.
Cependant, ne perdons pas de vue les circonstances extérieures explosives qui ont jalonné notre chemin, nous faisant basculer, il y a 50 ans, dans des guerres complexes.
Puis nous en sommes sortis grâce à l’accord de Taëf. Mais nous n’avons pas tardé à retomber sous la tutelle extérieure qui a déformé notre pays pendant plus d’une décennie. Ensuite, une nouvelle occasion de retrouver notre indépendance s’est présentée avec la fin de l’occupation et de la tutelle.
Mais nous nous sommes ensuite retrouvés à nouveau aux prises avec les conflits régionaux pour savoir qui hériterait de cette tutelle ou qui détiendrait la carte du Liban comme atout dans la cartographie des aires d’influence régionale.
Je vous présente ces faits parce que la situation d’aujourd’hui ressemble à celle d’hier. Nous vivons aujourd’hui une période décisive similaire à celle qui avait marqué la première et la deuxième indépendance, étant donné que nous assistons aujourd’hui à des développements de grande envergure et au bouleversement des rapports de force autour de nous, le tout semblant indiquer que ce qui se passe actuellement ressemble aux événements qui prévalaient à l’époque qui a attesté de la fondation de l’État libanais indépendant. Aujourd’hui, le renouvellement de notre indépendance est mis à l’épreuve.
Nous avons l’impression de vivre deux perceptions contradictoires qui n’ont rien à voir avec la réalité et en opposition à l’essence même de l’indépendance. Parlons-nous franchement.
Au Liban aujourd’hui, certains se méfient des développements régionaux et ont l’impression que rien n’a changé. Ni chez nous, ni autour de nous, ni en Palestine, ni en Syrie, ni dans le monde entier.
Ces personnes recourent aux tartuferies ou vivent dans le déni pour se convaincre soi-même qu’il est possible de maintenir les distorsions qui existent depuis 40 ans dans la conception de l’État et de sa souveraineté sur son territoire.
Qu’il me soit permis de vous dire que ce comportement ne correspond pas à la réalité. Il va à l’encontre de la volonté libanaise avant tout, avant même d’être incompatible avec les circonstances régionales et internationales.
Par ailleurs, il se peut que certains Libanais ont l’impression contraire, à savoir que le séisme qui s’est produit a anéanti tout un groupe au Liban. Comme si une communauté libanaise tout entière avait disparu ou s’était évanouie.
Ces personnes ont l’impression que ladite communauté était laissée pour compte sur le plan national, constitutionnel et étatique.
Quant à moi, j’estime qu’il s’agit là d’une autre forme d’arrogance, d’un déni tout aussi grave et dangereux que le premier.
En tant qu’État, et en tant que président de cet État, nous défendons les intérêts de la patrie et de tout le peuple. Nous ne servons pas les intérêts d’un parti, d’une faction ou d’une communauté.
Nous nous tenons ici, au Sud-Liban, pour dire à ceux qui refusent de reconnaître ce qui s’est passé, que les temps ont changé, que les circonstances ont changé, que le Liban en a assez de l’anarchie, et que les Libanais en ont marre des projets de création d’États parallèles.
Le monde était sur le point de se lasser de nous. Nous ne sommes plus capables de vivre dans un État défaillant.
Il ne s’agit pas ici seulement du contrôle des armes et de la décision de faire la paix ou la guerre. Cela est certes très important et indispensable. Mais ce qui est encore plus important, c’est de garantir la loyauté des Libanais envers leur patrie ainsi que leur appartenance constitutionnelle et légale à leur État.
Rétablissons ensuite la culture de l’État, cette culture qui devrait se traduire dans notre mode de vie, nos comportements, dans chaque détail de notre vie, et sur chaque pan de notre territoire.
Il n’est plus acceptable d’empiéter sur le droit public, ni sur la propriété publique, ni sur les deniers publics, ni sur l’espace public.
Nous ne tolérerons plus de tels comportements, ni à titre d’exception, ni sous prétexte du passé, du présent ou de l’avenir, ni sous prétexte de la puissance ou de l’excès de pouvoir, ni en guise de réaction d’un autre groupe ou d’une autre région, face à une réalité malsaine.
Tout cela est désormais rejeté par tous les Libanais ; et cela s’applique à tous ceux qui résident au Liban.
Et tout comme je m’addresse à vous en toute franchise, guidé par le sens des responsabilités nationales, je me tiens ici pour rejeter une autre forme de déni.
Non, il n’est ni juste ni acceptable d’agir comme si un groupe libanais avait disparu, s’était évanoui ou avait été vaincu.
Car ce sont des Libanais. Ce sont nos compatriotes et les fils de cette terre. Nous continuerons à vivre ensemble. Nous n’acceptons rien d’autre pour eux. Il en va de même pour eux. Ils se sont sacrifiés; ils ont donné leur sang et leur vie. À présent, nous devons tous retourner avec eux et avec tous les Libanais dans le giron de la patrie, sous l’égide exclusif de l’État, qui est le seul égide possible, sans exception ni dérogation.
Chères libanaises, chers libanais,
Eu égard notre prise de position nationale par excellence, nous sommes la cible des critiques des deux camps. Nous sommes confrontés à l’incompréhension, aux malentendus et au manque de dialogue de la part des deux parties, à des degrés divers et pour différentes raisons.
Quoiqu’il en soit, notre position restera inébranlable. Nous ne céderons pas. Car tout ce qui se passe chez nous et autour de nous confirme la justesse de notre choix et de notre décision, à savoir, construire un État et non un mini-État, et restaurer la culture de l’État, sans reproduire les déformations et le clientélisme d’antan.
L’accord de Gaza et son approbation par le Conseil de sécurité confirment notre analyse de la situation. Nos relations avec la nouvelle Syrie évoluent dans la bonne direction, celles de deux pays égaux.
Et voici nos forces armées, dont la Constitution m’accorde l’honneur d’assurer le commandement suprême, qui accomplissent leur mission nationale dans l’ensemble du Liban, notamment au sud, comme en témoignent les déclarations officielles du mécanisme de supervision chargé de la mise en œuvre de l’accord de novembre 2024, en dépit de toutes les provocations et malgré les quelques troubles passagers.
Je ne saurais manquer de reconnaître les martyrs vertueux qui ont arrosé par leur sang cette terre même, pour mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu que le Liban a littéralement respecté, de manière unilatérale.
Et voilà que notre économie se redresse. Les chiffres le prouvent, loin des illusions, grâce à la gestion sage et raisonnable des autorités gouvernementales compétentes, notamment la gouvernance de la Banque du Liban qui est également la cible des campagnes de diffamation orchestrées par ceux qui ne veulent pas d’un État au Liban.
Et voilà que les Libanais, au Liban comme partout dans le monde, se tournent vers nous, animés d’un grand espoir et d’une détermination sans faille.
Vous les verrez unis dans quelques jours, lors d’un événement national exceptionnel, lorsqu’ils accueillerons ensemble Sa Sainteté le pape Léon XIV, dont la visite aura lieu sous la devise suivante : « Heureux sont les artisans de paix ».
Nous avons choisi ce thème parce que nous sommes un peuple qui croit en la paix et qui la recherche et parce que la situation régionale évolue vers une stabilité à laquelle nous devons bien nous préparer, et vers la reactivation d’une paix fondée sur les droits et la justice: une paix en faveur de la Palestine et du peuple palestinien. Nous sommes prêts à nous engager pleinement et efficacement dans ce processus, soit a travers l’elargissement d’accords antérieurs ou par l’établissement de nouveaux accords pour éviter de devenir la proie de l’Orient et pour que notre pays ne devienne pas une monnaie d’échange ou une compensation sur l’échiquier de la nouvelle carte régionale.
Oui, nous sommes présents et prêts; rien n’empêche le Liban d’agir, conformément à une règle claire:
Nous gérons seuls les affaires libanaises, de Beyrouth jusqu’à nos frontières internationales, selon notre propre décision indépendante, dans l’intérêt supérieur du Liban et de son peuple, sans autre considération. Cela exige le retrait israélien de chaque mètre carré de notre territoire, le retour de tous nos détenus, et des arrangements frontaliers définitifs garantissant une stabilité constante et définitive.
Quant à toute mesure allant au-delà des frontières, nous la prendrons en coordination et en accord avec la position arabe commune.
Nous estimons que le dernier sommet tenu à Washington entre le président américain Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane envoie des signes très encourageants pour le lancement de ce processus auquel le Liban adhérera pleinement.
Plus encore, pourquoi me suis-je rendu au sud aujourd’hui ?
J’ai choisi ce lieu et ce moment pour m’exprimer en toute conscience patriotique, en assumant ma responsabilité envers mon pays et mon peuple, et pour déclarer au monde entier ce qui suit :
Premièrement, je tiens à confirmer que l’armée libanaise est prête à reprendre les points occupés à notre frontière sud, et que l’État libanais est disposé à présenter immédiatement au mécanisme de supervision du cessez-le-feu un calendrier précis relatif à cette reprise;
Deuxièmement, je tiens à exprimer la volonté des forces armées libanaises de reprendre ces positions dès que toutes les violations et agressions auront cessé et que l’armée israélienne se sera retirée de tous les points ;
Troisièmement, je compte charger le mécanisme de supervision du cessez-le-feu de s’assurer que les forces armées libanaises contrôlent seules la région au sud du Litani et y exercent leur autorité par leurs propres moyens;
Quatrièmement, je tiens à annoncer que l’État libanais est prêt à négocier, sous l’égide de l’ONU, des États-Unis ou de la communauté internationale, un accord qui établirait une formule permettant de mettre fin aux agressions transfrontalières de manière définitive;
Cinquièmement, les pays frères et amis du Liban se chargent, en parallèle, de superviser ce processus, en fixant des échéances claires et précises pour la mise en place d’un mécanisme international de soutien à l’armée libanaise et d’aide à la reconstruction de ce que la guerre a détruit. Cela garantit et accélère la réalisation de l’objectif national final et constant, qui consiste à rétablir le monopole de l’Etat sur les armes, sur l’ensemble du territoire libanais.
Cette initiative concerne aujourd’hui le monde entier. Elle concerne tous les amis du Liban, soucieux et sincères dans leur volonté d’aider le Liban, d’assurer la sécurité et la stabilité à nos frontières et dans la région. Nous y sommes prêts. Nous y sommes engagés.
Mes chers compatriotes,
Aujourd’hui, nous écrivons un nouveau chapitre de l’histoire du Liban… Un chapitre qui commence avec l’indépendance, mais qui ne s’achèvera qu’avec la réalisation de la souveraineté totale, l’instauration d’une vie décente pour tous les Libanais, et la construction d’un État qui sauvegarde les droits et fait triompher la justice.
Nous menons aujourd’hui une lutte en vue de renouveler l’indépendance; cette bataille vous concerne tous, et je suis certain que nous allons la remporter ensemble.
Nous protégerons le Liban et préserverons son indépendance, dans l’intérêt de vos enfants, et en vue de réaliser les rêves de ceux qui sont partis et de répondre aux attentes de ceux qui ont résisté.
Nous lancerons le chantier du renouveau, afin que notre pays se transforme en un havre de dialogue, de liberté, de tolérance et de paix.
Tout comme le drapeau libanais flotte haut dans le ciel, et tout comme nos cèdres majestueux symbolisent la résistance et l’unité, nous restons attachés à une patrie qui nous rassemble tous.
Restons unis, croyons en le Liban et en sa capacité à être la patrie de tous, sans exception.
Vive le droit, vive l’indépendance, vive le Liban !
Source: Médias



