À peine placé sur la liste terroriste américaine, le guide religieux du front al-Nosra, branche d’Al-Qaïda en Syrie, le religieux saoudien Abdallah Mohaycini est monté à la barre, soucieux apparemment de blanchir sa page devant les Américains.
A la manière des opérations de relations publiques et médiatiques du régime saoudien, il a bien choisi sa tribune : le quotidien américain New York Times. Selon la direction du journal, c’est bien le cheikh wahhabite qui l’a contacté, via un médiateur qu’il n’a pas identifié, afin de lui accorder une entrevue, sa première avec un média occidental, « pour se défendre », a-t-il dit argué.
Le Trésor américain lui avait gelé ses avoirs, après l’avoir placé dans sa liste de personnalités terroristes, l’accusant d’être l’un des membres de la direction interne du front al-Nosra , de lui avoir collecté des fonds de 5 millions de dollars, et de lui avoir recruté des milliers de miliciens.
L’interview qu’il a réalisée via Skype est certes truffée de mensonges et de fourberies. Elle permet néanmoins de dévoiler sa stratégie médiatique.
« Aujourd’hui, les Syriens ont été choqués de savoir que les USA ont placé sur leur liste terroriste une personnalité qu’ils considèrent être leur symbole national. Ceci est vraiment étrange », a-t-il avancé. Sa manœuvre qui consiste à montrer qu’il est admis des Syriens, voire choisis par eux pour être leur guide : une généralisation forcée qui n’a rien à voir avec la réalité.
Déclarant se trouver à Alep, il continue dans la même rhétorique fallacieuse : « Je ne peux rien cacher parce que je suis connu de tous, je ne peux travailler clandestinement pour l’intérêt de personne ».
« Comment le Département d’état américain peut-il qualifier Abdallah al-Mohaycini qu’il appartient à Fateh al-Sham ? » en allusion à la nouvelle appellation du front al-Nosra, qu’il s’est donné pour se démarquer d’Al-Qaïda, après en avoir pris la permission de son numéro un Ayman al-Zawahiri ( !!). Et d’ajouter qu’il est une « personnalité entièrement indépendante ».
Interrogé sur sa rencontre avec Zawahiri, il ne peut néanmoins s’empêcher de le tarer d’éloges, indiquant qu’il a discuté avec lui en 2014, parce que « c’est un cheikh vieux et généreux ».
« Je voulais lui demander de parler avec Daesh en raison du grand public qui lui était attaché et pour empêcher les jeunes de rejoindre ses rangs », a-t-il ajouté.
Manifestement la raison qu’il fournit se veut caresser les préoccupations des Américains dont la priorité est accordée à la lutte contre Daesh. Comme ceci s’est illustrée par la campagne électorale, et surtout la victoire de Donald Trump.
Et lorsque le journal américain lui affiche les photographies qui le montrent en compagnie d’importants dirigeants d’Al-Qaïda, il répond non sans tartufferie : « elles (les photographies, ndlr) ressemblent à celles que le président Barack Obama a prises au côté de son homologue russe Vladimir Poutine lors d’un sommet. Cela ne veut pas dire qu’ils se partagent la même idéologie ».
Malgré la duplicité du religieux wahhabite, le journal américain n’a pas semblé convaincu.
Il a insisté pour dire que de nombreux responsables américains et européens le considèrent comme un éminent dirigeant du front al-Nosra, et qu’il entretient des liens étroits avec Al-Qaïda. Ce qui est visible à travers ses messages postés sur les réseaux sociaux, où il rend hommage à leurs dirigeants, leur présente ses condoléances dans le cas de leur mort, sans oublier qu’il incite aussi les combattants à exécuter des attentats suicide.
Selon le NYT, ces responsables sont persuadés que le Nosra s’efforcer de donner une image de lui qu’il est souple, et n’a rien à voir avec l’extrémisme.
De plus, les milieux de lutte contre le terrorisme ne croient pas du tout qu’il s’est écarté d’Al-Qaïda pour le simple fait qu’il a rompu son lien avec elle, et changé de nom.
Interrogé sur les propos de Mohaycini qu’il est « un observateur indépendant », l’analyste Thomas Juclin qui l’a traqué depuis 2013 et a consolidé ses liens avec Al-Qaïda les inscrit dans « la stratégie suivie par Al-Qaïda de ne pas dévoiler ceux qui la soutiennent, en utilisant entre autre des éléments locaux comme une feuille de vigne pour occulter ses réels objectifs ».
« Les propos de Mohaycini et du Nosra ne sont qu’une mise en scène du livre d’Al-Qaïda ; ils veulent semer la confusion sur leur réelle appartenance. Parce que si leur affiliation à Al-Qaïda était apparente, l’exécution de leurs buts serait plus difficile. Raison pour laquelle leur déni n’a aucune valeur », a-t-il conclu.
Traduit à partir du journal Assafir