Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé mercredi le lancement « dans les prochains jours » d’une nouvelle offensive en Syrie contre des milices kurdes, au risque de brouiller davantage ses relations avec leur parrain américain.
Une telle offensive serait la troisième lancée par la Turquie en Syrie, où elle est déjà intervenue en 2016 et début 2018 pour repousser de sa frontière les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) et les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG).
Cette milice kurde, épine dorsale d’une coalition arabo-kurde soutenue par les Etats-Unis dans la lutte contre l’EI, est considérée comme « terroriste » par la Turquie, qui craint plus que tout la création d’un « Etat kurde » à sa frontière.
Cette collaboration entre Washington et les YPG est l’une des principales pierres d’achoppement troublant les relations turco-américaines.
M. Erdogan a régulièrement menacé de lancer une nouvelle opération contre les YPG, malgré la présence à leurs côtés des forces américaines, affirmant le 30 octobre que la Turquie était prête pour une telle offensive.
« Nous disons que notre opération pour sauver l’est de l’Euphrate de l’organisation terroriste séparatiste va commencer dans les prochains jours », a déclaré mercredi le président turc, se référant à des zones contrôlées par les milices kurdes dans le nord de la Syrie.
« Notre objectif ce ne sont pas les soldats américains, mais les membres de l’organisation terroriste active dans cette région », a-t-il souligné.
Ankara considère les YPG comme une extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984 et qui est classé « terroriste » par la Turquie, mais aussi les Etats-Unis et l’Union européenne.
« Protéger les terroristes »
Si M. Erdogan n’a donné aucun détail sur l’étendue exacte de l’opération prévue à l’est de l’Euphrate, Youssef Hammoud, porte-parole d’al-Jaich al-Watani (L’armée nationale), une coalition de groupes rebelles pro-Ankara, a indiqué que « toutes les régions sont concernées, de Minbej à Tal Abyad, sans exception », des deux côtés du fleuve.
« Les factions du Jaich al-Watani ont été mises au courant il y a un moment », a-t-il ajouté, affirmant que des entraînements, supervisés par des officiers turcs étaient en cours.
Les déclarations de M. Erdogan surviennent au lendemain de l’annonce par Washington de l’installation, en dépit de la ferme opposition d’Ankara, de postes d’observation censés empêcher toute altercation entre l’armée turque et les YPG.
Un porte-parole du Pentagone a déclaré mardi que les postes d’observations avaient été installés « dans la région frontalière du nord-est de la Syrie, pour répondre aux soucis sécuritaires de la Turquie ».
« Il est évident que l’objectif des radars et des postes d’observations installés par les Etats-Unis n’est pas de protéger notre pays des terroristes, mais de protéger les terroristes de la Turquie », s’est emporté M. Erdogan.
En octobre, la Turquie avait mené des attaques sporadiques contre les YPG dans le nord de la Syrie, conduisant la milice kurde a interrompre pendant dix jours ses opérations contre l’EI, et embarrassant fortement Washington.
Parmi les principaux sujets de tensions entre la Turquie et les Etats-Unis figure notamment la situation à Minbej, une région du nord de la Syrie contrôlée par les YPG et où se des soldats américains sont aussi stationnés.
Une feuille de route avait été arrêtée en mai pour apaiser les tensions, prévoyant notamment le retrait des YPG de Minbej et la mise en place de patrouilles conjointes américano-turques, qui ont démarré en novembre.
Mais Ankara n’a de cesse de rappeler que le retrait prévu n’a toujours pas eu lieu, menaçant d’agir militairement à Minbej contre les YPG si Washington ne respectait pas ses engagements.
« A Minbej, il y a indéniablement une tactique dilatoire qui est appliquée », a affirmé mercredi M. Erdogan.
Source: AFP