Partout au Soudan, des manifestants protestent contre la hausse du prix du pain, passé du simple au triple par décision du gouvernement. Au pouvoir depuis près de trente ans, Omar El-Béchir n’avait jamais été contesté de la sorte.
Au Soudan, la colère ne retombe pas. Depuis le 18 décembre et l’annonce par le gouvernement d’une hausse du prix du pain, qui est passé de 1 à 3 livres soudanaises – soit de 2 à 6 centimes d’euros – pour 40 grammes, le pays vit des “jours de colère”, rapporte Magdi El-Gizouli dans un article d’analyse publié par le Sudan Tribune. Cette semaine, écrit l’universitaire soudanais, “des décennies d’histoire ont été condensées dans un élan capital”. Les manifestations ont commencé dans la ville d’Atbara, à l’Est, et se sont rapidement propagées partout dans le pays, prenant la forme d’une contestation virulente du régime.
Sans avertissement, les manifestants les plus téméraires ont lancé à travers tout le pays une surenchère d’actions révolutionnaires, mettant le feu aux bureaux du parti du Congrès national (NCP) et des services de renseignement (NISS) et à des bâtiments administratifs.”
Depuis plusieurs années, le Soudan connaît une sévère crise économique. L’inflation y est de 70 %, et la livre soudanaise ne cesse de s’effondrer face au dollar.
Répression violente
Le gouvernement d’Omar El-Béchir – au pouvoir depuis 1989 – n’a pas tardé à réprimer le mouvement. D’après un bilan donné par Amnesty International le 25 décembre, 37 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre.
“Des unités armées, ressemblant aux ‘shabiha’ tristement célèbres de Bachar El-Assad [civils armés agissant pour le parti Baas syrien], ont été déployées dans des camions pick-up équipés de fusils-mitrailleurs pour terroriser les manifestants”, relate Magdi El-Gizouli. Si la contestation a débuté en réaction à la hausse du prix du pain, c’est plus largement contre la politique d’austérité menée depuis près de trente ans par le régime du colonel El-Béchir que s’élève la population.
Au fil du temps, le gouvernement d’Omar El-Béchir a développé une forme de rigueur économique fondée sur l’exportation des coûts vers les régions les plus périphériques – transformées en zones de guerre – et la concentration des bénéfices au centre, le tout mâtiné d’une idéologie raciste mêlant chauvinisme et bigoterie islamiste. L’irruption de ces ‘jours de rage’ témoigne de l’essoufflement de sa formule.”
Source: courrier international