Au Soudan, la semaine dernière, la coalition civile a appelé à 48h d’arrêt de travail, à partir de ce mardi 28 mai, pour faire céder les militaires putschistes qui ont pris le pouvoir. En jeu : la composition du Conseil souverain, l’organe qui va mener la transition jusqu’aux élections. Les deux camps ne sont pas d’accord sur sa composition et sa présidence.
Les civils se préparent. Conférences, communiqués, comités sont utilisés pour mobiliser les Soudanais. « On s’attend à une grosse participation. C’est une grève politique d’avertissement aux militaires, pour accélérer le transfert du pouvoir », explique Rashid Saeed, porte-parole de l’Association des professionnels.
Depuis plusieurs jours, les civils publient les noms des corporations ralliées au débrayage comme les salariés des secteurs pétrolier, portuaire, les vétérinaires, les avocats, etc. Solidaires, ceux de l’eau et électricité promettent néanmoins une continuité du service.
Les négociations entre les deux camps sont suspendues, mais pas les contacts. Des propositions alternatives sont d’ailleurs à l’étude pour le cas du Conseil souverain, avec cinq membres chacun et une présidence alternée de 18 mois, ou encore une présidence tournante de six mois, des votes à la majorité simple ou aux deux tiers selon l’équilibre des forces qui sera choisi.
Ces deux journées auront valeur de test. Une grève suivie mettrait la pression sur les militaires. D’autant que les civils seraient prêts à concéder aux putschistes soit la présidence du Conseil souverain, soit la majorité des membres.
Les chefs militaires dans le Golfe
Néanmoins, pas sûr que la grève fasse céder les soldats. Les dirigeants du Conseil militaire de transition ont en effet été reçus solennellement par les trois grandes puissances arabes ce week-end.
Le général Hemeti, numéro deux du régime, était en Arabie saoudite vendredi. Samedi, c’est le numéro un du Conseil, le général Abdel Fattah Burhan qui s’est rendu d’abord en Égypte, puis aux Émirats arabes unis, dimanche.
À l’instar du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le prince héritier d’Abou Dhabi, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, a assuré au général soudanais que les Emirats se tiendraient « auprès du Soudan dans ses efforts pour préserver la sécurité et la stabilité ».
Le chef adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, dit « Himeidti », a pour sa part rencontré le 24 mai le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Jeddah, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, chacun ayant exprimé son soutien à l’autre.
Ces voyages ont été l’occasion, pour les militaires soudanais, d’affirmer quelques principes à savoir le soutien indéfectible à la coalition saoudo-émiratie qui mène une guerre contre le Yémen.
Pour l’Arabie saoudite, l’Égypte et les Émirats, l’essentiel tient en deux exigences, estime un bon connaisseur du Soudan. D’abord ne pas affaiblir la coalition qui combat au Yémen. Ensuite, s’assurer de conserver une domination arabe sur le Soudan pour contrer l’influence de leur bloc rival constitué de l’Iran, de la Turquie et du Qatar.
Dans ce contexte, à la veille de la grève générale et alors que les pourparlers piétinent, l’opposition soudanaise se retrouve politiquement bien seule. Les généraux soudanais ont donc profité de la suspension des pourparlers pour montrer ce qu’ils pèsent. Les manifestants soudanais reprochent souvent à ces deux pays du Golfe, ainsi qu’à l’Egypte, de soutenir les militaires au pouvoir, issus de l’ancien régime de M. Béchir.
Le Conseil militaire de transition, soutenu par le président Sissi, a également reçu le soutien de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis qui ont annoncé une aide conjointe de 3 milliards de dollars et ont déjà déposé 250 millions chacun à la Banque centrale du Soudan.
Sources: RFI et autres