Le secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, a exprimé ses respects envers les contestations spontanées et honnêtes qui expriment la douleur des gens. Il a dans ce contexte appelé les manifestants à refuser que leurs protestations soient exploitées par certaines parties politiques impliquées dans la corruption. Une allusion au chef du parti progressiste, Walid Joumblatt, qui a appelé ses partisans à manifester pour réclamer la chute du président Michel Aoun.
« Vous perdez votre temps », a-t-il lancé à certains partis dans le gouvernement (Joumblatt et Geagea) qui veulent renversez le mandat du chef de l’Etat.
« Ceux qui renonceront à leurs responsabilités doivent etre jugés », a encore souligné le numéro un du Hezbollah, dans un discours ce samedi 19 octobre, lors de la commémoration de l’Arabaïn (40ème jour après le martyr de l’Imam Hussein) dans la région de la Békaa.
« Le message des gens a été reçu par le gouvernement… qui doit renoncer aux impôts et aux taxes imposés aux pauvres », a-t-il assuré
Il a en outre appelé le chef du gouvernement à traiter avec fermeté et à prendre des décisions courageuses pour faire face à la crise financière, qui est le résultat d’ accumulations des politiques erronées depuis 30 ans.
Voici les principaux points de son discours :
Tout d’abord, je voudrais remerciez femmes enfants hommes et âgés venus à pied pour commémorer l’Arbain de l’Imam Hussein à Baalbeck, où est passé le convoi des filles du prophète (S) faites prisonnières (par le Khalifat des Ommeyades, Yazid ben Mouaiya) ainsi que les têtes décapités de ses petits fils, dont l’Imam Hussein, dans l’année 61 de l’hégire.
De Baalbeck, nos regards se fixent vers Kerbala où des millions de fidèles, des quatre coins du monde, se dirigent vers le mausolée de l’Imam Hussein. Quel est le secret de cet Imam, qui après 1400 ans attirent ce nombre de fidèles…
Contestation populaire
Malgré l’importance des développements régionaux, j’aborderai aujourd’hui seulement les derniers évènements qui secouent le Liban.
Dans ces jours de l’Imam Hussein, il faut qu’on parle avec honnêteté. Tous doivent assumer leurs responsabilités faces à ces développements dangereux.
Il est facile de se rejeter les responsabilités
Tous ceux qui sont au pouvoir doivent assumer, à des degrés différents, ce qui se passe aujourd’hui. Il serait facile de dire actuellement que nous ne sommes pas concernés par cela et de rejeter les responsabilités sur les autres, de présenter notre démission, ou encore, surfer sur la vague des manifestations. Certains au Liban se comportent de la sorte, en se déresponsabilisant par rapport au passé et en accusant les autres d’être responsables de la situation. Cela fait preuve d’un manque de patriotisme et de responsabilité. La chose la plus facile à faire est de tenir les autres pour responsables.
Lors des incendies qui ont ravagé le pays il y a quelques jours, tout le monde a blâmé le gouvernement. Tous les responsables ont fait cela. Mais dans ce cas, qui est responsable de ce qui est arrivé ? Résultat: rien ! Après 24 heures de condamnations, ils ont oublié les maintenances des avions, et les mesures à prendre pour faire face à des cas similaires.
La crise est le résultat d’accumulation
Soyons honnêtes, la situation économique et financière actuelle ne date pas d’aujourd’hui, elle est le résultat d’accumulations des 20 à 30 dernières années au moins. Je ne veux pas entrer dans les détails des causes de cela. Mais tout le monde doit assumer ses responsabilités. Même nous. Chacun en fonction du degré de ses responsabilités.
Honteux de se dérober à ses responsabilités
Car il est honteux de se dérober à ses responsabilités. Tout le monde doit assumer ses responsabilités, je le répète. Surtout ceux qui ont participé au gouvernement depuis 30 ans (Joumblatt). Ensuite, chacun doit participer aux solutions. Ceux qui se retirent devront être jugés par le peuple libanais. On ne peut pas diriger le pays pendant 30 ans et ensuite prétendre être honnête et affirmer ne pas être responsable de la situation actuelle. Tout le monde doit participer aux solutions. Faute de quoi, c’est le peuple libanais qui paiera le cout …et cela aboutira à l’inconnu, notamment sur le plan politique et sécuritaire.
Deux grands dangers
« Il y a deux grands dangers : le premier est l’effondrement économique et monétaire. Le second, c’est une déflagration populaire, notamment en raison des taxes imposées aux classes pauvres et aux revenus limités. Lorsque vous les accablez, vous poussez le pays à l’implosion.
Et dans les deux cas, le pays sera perdu. Nous pouvons, en tant que Libanais, empêcher un effondrement économique et monétaire, sans pousser le pays vers l’implosion. Cela requiert de l’engagement et de l’honnêteté.
Ce qui s’est passé ces derniers jours montre qu’imposer des taxes et des frais supplémentaires ne fera que pousser le pays à l’implosion. C’est la taxe sur WhatsApp qui a provoqué le déferlement des manifestants dans la rue. Cela est un indicateur important.
Le peuple libanais ne tolère plus de nouvelles taxes
Au pouvoir et aux décideurs je dis qu’ils doivent comprendre que les gens ne peuvent plus supporter de nouvelles taxes et de nouveaux impôts. Ceux qui détiennent des millions et des milliards, s’en fiche d’une augmentation de la TVA. Mais les gens aux revenus limités ne peuvent plus supporter cela. Auparavant, les responsables croyaient que de telles mesures pouvaient passer. Mais les décideurs doivent tirer les leçons de ces derniers jours : le peuple libanais ne tolère plus de nouvelles taxes. Ils iront dans la rue, et la classe politique ne pourra plus gérer la situation.
Les nouvelles taxes, les frais supplémentaires, les impôts, tout cela ne constitue pas des réformes, mais des mesures. (…) Il y a d’autres options, des idées présentées en Conseil des ministres et au palais présidentiel de Baabda, qui ont besoin de courage et des décisions politiques. Les options sont disponibles. Si nous coopérons ensemble, nous pourrons sauver notre pays et notre économie. Nous ne sommes pas un Etat failli, nous avons besoin de gérer cette crise pour satisfaire le peuple.
Une nouvelle méthodologie
Le gouvernement doit adopter une nouvelle méthodologie pour mettre fin au gaspillage, à la corruption et économiser les dépenses.
Pour sauver le Liban, il faut que tous présentent des sacrifices. Tous impliquent les banques, les riches, les dirigeants ainsi que la population.
Il y a une crise de confiance entre le peuple et l’Etat. Il faut présenter un plan de réformes sérieux qui satisfait les revendications du peuple qui voit les millions de dollars pillés. Dans ce cas là, le peuple sera prêt à son tour à présenter des sacrifices qui ne touchent pas uniquement ses poches. Nous défendrons toutes les mesures et les réformes difficiles, si elles sont honnêtes.
Dans le passé, j’avais cité l’exemple des sympathisants de la résistance qui présentent leur argent ou même leurs colliers en or en soutien à la résistance. Pourquoi ils font cela, parce que ces gens là sont que cet argent ne sera pas pillé et sera dépensé dans la bataille contre l’occupation ou les takfiristes.
Le gouvernement actuel doit prendre des décisions courageuses
Nous ne sommes pas en faveur de la démission du gouvernement actuel. S’il démissionne, il n’y aura pas de nouveau gouvernement avant un an ou deux, et le temps presse.
Si nous formons un nouveau cabinet politique, cela ne changera rien, nous serons en train de perdre notre temps. Changer le nom d’un ou deux ministres ne modifiera pas la donne. Certains parlent d’un gouvernement de technocrates, mais dans la situation dangereuse actuelle, un tel gouvernement ne tiendra pas deux semaines. Et ceux qui réclament un tel cabinet seront les premiers à réclamer sa démission.
Nous voulons que le gouvernement actuel se maintienne avec un nouvel esprit et en adoptant une nouvelle méthode de travail.
Certains ont évoqué des élections législatives anticipées. Cela veut dire des mois de préparation et que l’on rentre dans le labyrinthe d’une nouvelle loi électorale. Au final, cela aboutira à l’élection du même Parlement, à quelques différences près. Il sera difficile d’aboutir à un nouveau gouvernement, si l’actuel échoue dans sa mission.
Ne perdez pas le temps. Le problème ne réside pas au niveau de la composition du gouvernement. Il réside dans sa manière de travailler. Ce qui importe, c’est de mettre en place des reformes et des mesures, qui ont besoin de courage.
Votre message a bien été reçu
Nous respectons votre droit de manifester. Nous ne nous contentons pas de nous montrer compréhensifs. Et il n’y a aucun doute que votre message a bien été reçu par les responsables, la preuve, le retrait de la taxe sur WhatsApp.
Je le dis clairement : il n’y a personne derrière ces manifestations honnêtes et spontanées: pas de partis politiques, pas d’ambassades de puissances étrangères. Ce sont les Libanais en colère qui sont descendus dans la rue.
Si le Hezbollah avait rejoint les manifestants…
Comme tout le monde, je suivais ce qui se disait à la télévision ces derniers jours. Nous avons écouté toutes les voix qui se sont exprimées. On nous a appelé à descendre dans la rue. Mais si le Hezbollah avait rejoint les manifestants dans la rue, la donne aurait changé, et on aurait dit que des puissances étrangères, comme l’Iran, s’ingèrent dans la situation.
Mais il est dans votre intérêt, vous les manifestants, que nous restions à l’écart. Vous devez aujourd’hui faire attention à ce que certaines parties politiques voulant la chute du pouvoir restent à l’écart de vos manifestations, car votre mouvement social se transformera en mouvement politique.
Conseil aux manifestants
Vous avez accompli un très grand travail durant les deux derniers jours. Mais je vous conseille de vous protéger des forces politiques qui surfent sur la vague de votre mouvement, et je vous conseille de ne pas vous en prendre aux commerces, aux biens publics et de ne pas insulter les autres.
Vous pouvez m’insulter, mais n’insulter pas les autres. Nous recommandons également aux forces de l’ordre de se montrer patientes face aux manifestants, et aux manifestants de ne pas s’en prendre aux forces de l’ordre.
Quand est-ce que le Hezbollah descendra à la rue ?
Lorsque la situation le requiert, nous aurons recours à la rue. Mais jusque-là nous estimons que cela n’est pas nécessaire. Même si le gouvernement a décidé une série de mesures, celles-ci nécessitaient encore l’approbation du Parlement. Nos ministres ont affirmé, dès le début, le rejet et le refus de toute taxe visant la classe pauvre. Lors de la discussion du budget 2019, nous avons refusé des impôts très durs qui y étaient imposés.
De toute façon, lorsque le Hezbollah descend dans la rue, sa descente sera différente de toutes les autres. Nous resterons dans la rue des mois, des années jusqu’à la réalisation de tous nos objectifs.
Si nous décidons de recourir à la rue, toutes les équations seront changées. Cela pourrait arriver, mais nous espérons que cela ne sera pas nécessaire.
Si nous décidons d’aller dans la rue, nous serons partout, et en force.
Mais actuellement, nous appelons à la coopération entre les composantes du gouvernement et à ne pas se dérober aux responsabilités. Ceux qui veulent fuir, surtout ceux impliqués dans la corruption doivent être jugés.
Chute du président: Ne perdez pas votre temps
À ceux qui veulent mener la lutte pour la chute du mandat je dis : vous ne pouvez pas faire chuter le mandat (du président Michel Aoun), vous perdez votre temps.
Nous sommes déterminés à travailler de manière sérieuse, et nous nous engageons à ne pas abandonner notre peuple et à ne pas laisser le pays sombrer et brûler.
Cher frères et sœurs, de la tribune de l’imam Hussein j’assure que nous ne permettrons à personne de pousser le pays vers sa fin. Nous ne devons pas désespérer, car le désespoir est propre aux faibles. Les dirigeants doivent jouir de courage pour faire sortir le pays de sa crise.
Enfin, nous, les adeptes de l’Imam Hussein, n’abandonnerons pas les opprimés en Palestine, au Yémen, en Irak, en Syrie…
Source: Médias