L’Iran n’avait pas besoin de prouver le caractère politique lié à un agenda extérieur des protestations qui le secouent, bien que les responsables iraniens aient reconnu que certaines de ces manifestations revêtaient une relative dimension populaire. Les propos de l’Iran diffèrent de ceux tenus par ses alliés au Liban et en Irak à propos de la crédibilité des mouvements populaires provoqués par des motivations réelles et tangibles, et se contentant de décrire l’intervention étrangère, en particulier celle des États-Unis et des pays du Golfe, comme une tentative de subordonner ces mouvements à un projet politique au service des intérêts américains, en raison du rôle américain dans le tarissement des ressources financières par les sanctions et la mainmise sur plusieurs associations de la société civile et d’un certain nombre de médias.
Compte tenu de la nature du problème qui a déclenché des protestations en Iran, suite à une décision gouvernementale d’augmenter les prix du carburant, il y a lieu de s’interroger sur le timing que les autorités iraniennes auraient pu maîtriser, surtout à la lumière d’une confrontation totale et culminante entre Téhéran et Washington. Sur ce point, certains responsables iraniens expliquent leur lecture de cette décision et de la situation qui en découle, en affirmant qu’il s’agit d’une confrontation sous contrôle. Ils soutiennent que la décision a plus ouvert la voie à l’action des groupes d’opposition sous la coupe de Washington, que provoqué de larges groupes populaires sous prétexte de décision préjudiciable. Les lecteurs doivent savoir que le prix de l’essence en Iran est le moins cher du monde. En effet, le prix d’un jerrycan de 20 litres coûtait moins de deux dollars (200 mille rials), et après l’augmentation, le prix pour la première tranche consommant moins de 60 litres par mois ne se monte qu’à trois dollars pour le jerrycan, alors qu’il s’établit à six dollars pour ceux qui consomment plus. C’est moins que la moitié du prix de revient pour un jerrycan d’essence. Le prix le plus élevé en Iran n’équivaut que le tiers du prix de vente sur le marché libanais.
Les comptes économiques iraniens indiquent que la consommation quotidienne de 100 millions de litres de carburant en Iran représente environ quinze milliards de dollars de soutien annuel au trésor iranien, et le prix réduit, par rapport à tous les marchés du monde, est une sorte de distribution équitable de la richesse adoptée par les dirigeants iraniens dans leur approche de la richesse du pays en hydrocarbures. Dans les circonstances actuelles, ce chiffre est élevé pour le flux des devises étrangères, d’une part, et son maintien dans les mêmes conditions, avec la baisse de la capacité à exporter le pétrole, est contraire aux mêmes normes de justice. Celle-ci exige la répartition des charges, mais sans affecter les couches sociales iraniennes les plus pauvres, qui constituent environ 60% des Iraniens, qui consomment moins de 60 litres par mois et qui, après l’augmentation, ne paieront pas plus de 2 à 3 dollars par mois, tandis que l’augmentation pour la classe moyenne, qui consomme près du double de la première catégorie, aura un coût supplémentaire de 10-20 dollars par mois, ce qui est proportionnel à ses revenus et à sa capacité à contrôler sa consommation. Les riches quant à eux ne seront certainement pas affectés et ne souffriront d’aucun dommage. Plus important encore, la consommation a diminué de 20% suite à cette décision, et environ 20% de carburant écoulé en contrebande hors des frontières sera réduit de moitié ; ce qui signifie que le trésor iranien économisera près de six milliards de dollars par an, qui seront réinjectés dans d’autres secteurs plus importants pour les besoins du peuple iranien, avec la disponibilité de grands moyens de transport répartis dans toutes les villes et provinces, le métro de Téhéran en tête.
Dans sa lecture politique et sécuritaire, cette décision a offert à l’Iran une occasion unique de fournir à Washington, qui œuvre intensément à affaiblir les capacités financières de l’État iranien, une raison de considérer la décision iranienne comme une opportunité pour améliorer la situation financière de l’État qu’il faut empêcher, et donc de se précipiter pour saisir l’occasion de déclencher un soulèvement populaire, sous prétexte d’augmentation des prix des carburants, un portail ouvert en permanence pour parler de révolutions, et de célébrer ce que les responsables américains décrivent comme l’erreur fatale à ne pas manquer commise par les dirigeants iraniens. Les Américains ne manqueront pas d’impliquer directement et indirectement tous les groupes d’opposition, les activistes, les associations et les réseaux organisés qu’ils ont sous la main, pour mener une bataille décisive qu’ils pensent gagner, alors que les Iraniens voient une opportunité de couper la tête des maîtres saboteurs en les isolant du corps populaire, assurés que la population est absente des manifestations, à part certains séduits par la propagande médiatique ou par l’idée même de la contestation. Il est certain que le peuple iranien, contrairement à n’importe quel autre pays où une décision d’augmenter les prix des carburants pousserait les gens dans la rue, est resté en dehors de l’arène en raison de la spécificité de la gestion de l’État iranien de ce marché, avant et à travers cette augmentation, de façon réfléchie, si bien que les Américains ne voient pas que c’est un piège approprié pour une bataille que les Iraniens mènent sur un terrain découvert avec des groupes que Washington a passé du temps et dépensé de l’argent pour les constituer et les préparer à une bataille à caractère populaire, comme le Liban et l’Irak.
Du point de vue iranien, cette bataille est une opération anticipée, étudiée et sur le point de s’achever avec succès, et les Américains ne seront pas en mesure de pousser à l’escalade, mais perdront ce qu’ils ont préparés et construits, et qui ont été découverts et traqués, sur la base d’informations préalables obtenues sur la nature du plan américain et son exécution à l’occasion d’un fait populaire. Les Iraniens, tout en réalisant une démarche économique mesurée, ont offert l’impulsion à une dimension populaire virtuelle, et ce qui se déroule sur le terrain est, selon la lecture iranienne, conforme au plan révélé et est suivi dans la perspective d’isoler les franges populaires attirées par les manifestations des groupes organisés.
Le plan B est aujourd’hui mis en œuvre et ses résultats apparaîtront bientôt, dit un observateur proche de la scène iranienne. Bientôt, vous verrez les répercussions et rira bien qui rira le dernier.
Par Nasser Qandil ; Traduction Rania Taher
Sources : Al-binaa ; Réseau international