« Le conflit syrien a montré que l’eau a souvent été prise en otage, comme à Alep, où les combats ont paralysé le travail de la principale station de pompage de la ville pendant des mois », a déclaré Franck Challand, spécialiste des enjeux sécuritaires et géopolitiques des ressources en eau, dans une interview accordée à Sputnik.
« Ce qui se passe aujourd’hui est très grave. On a un point stratégique à côté de la ville de Damas, qui a été sévèrement pollué par le diesel, d’après les médias. (…) Là, on s’en prend aux biens vitaux pour la population, en infraction complète vis-à-vis des conventions de Genève», s’insurge Franck Challand.
Selon lui, l’exemple du conflit syrien montre, comme par le passé la guerre en ex-Yougoslavie, qu’une fois que les armes se seront tues, il faudra lancer une grande initiative internationale pour mieux protéger les infrastructures en eau potable, que ce soit les barrages ou les stations de pompage.
« Il faut porter une initiative internationale pour que les conflits futurs épargnent les infrastructures critiques, en particulier, les infrastructures essentielles en alimentation en eau des populations », souligne notamment l’expert.
Si Bachar el-Assad ne parvient pas à récupérer les zones actuellement occupées par les terroristes, il sera coupé de la plupart des sources qui alimentent la « Syrie utile ».
« Cette zone, un massif calcaire, reçoit des précipitations non négligeables de l’ordre de 400 mm d’eau par an (…) qui servent à alimenter les sources et les nappes phréatiques du bassin de Damas. Ces sources donnent naissance à Barada, un petit cours d’eau permanent, à qui Damas doit son existence », raconte M. Challand, évoquant la source Aïn al-Fijah, victime d’une pollution au diesel.
Depuis 1935, d’après l’interlocuteur de Sputnik, « cette source est captée pour alimenter Damas en eau potable. Une autre possibilité de le faire, par les nappes, est le forage. Mais dans les nappes, il n’y avait plus grand-chose bien avant le conflit, elles ont subi des pompages chaotiques publics et privés, elles étaient polluées par l’activité industrielle et agricole ».
Fin décembre, les habitants de Damas ont étés privés d’eau courante pendant trois jours consécutifs, les autorités accusant des groupes rebelles d’avoir « contaminé au diesel » les sources d’approvisionnement.
« Dans la région, il y a une nation hydro-dominante sur le Tigre et l’Euphrate, la Turquie, qui a aménagé depuis les années 1970 l’Anatolie du Sud-Est à travers un réseau de grands barrages pour la génération électrique et pour le réseau d’irrigation. Cette région de terres arides a été à nouveau transformée en terre d’exploitation agricole. Ainsi, Hafez al-Assad, le père de Bachar al-Assad, n’avait qu’à être vigilant sur la construction de barrages en amont de l’Euphrate. Même, dans les années 1980, il y a eu des tensions entre les deux pays liées aux questions hydro politiques », a révèle l’expert.
Pour lui, la Syrie a un autre sujet de préoccupation dans ce problème d’accès à l’eau, « c’est le plateau du Golan, occupé depuis 1967 du point de vue syrien par Israël. Ainsi, dans cette zone stratégique existent deux sources de tension hydro politique : en amont avec l’Euphrate et au Sud, sur les Golan ».
« L’Unicef a dit récemment que près de 60 % de la capacité en eau de la Syrie a été perdue en raison du conflit. L’eau a été systématiquement ciblée. Il y a eu des destructions du système de pompage qui ont entraîné de vrais problèmes d’alimentation en eau des populations civiles et des clients sensibles, comme les hôpitaux », conclut Franck Challand.
Source: Sputnik