Les émeutes qui ont éclaté dans la nuit de vendredi à samedi dans le centre-ville de Beyrouth soulèvent des questions sur les réelles motivations des manifestants qui y ont saccagé et incendié des magasins et laissé derrière eux une scène délabrée.
Selon la télévision libanaise indépendante al-Jadid, ces saccageurs sont payés par Baha Hariri, le frère aîné de l’ex-Premier ministre Saad Hariri.
La télévision tient son accusation des révélations faites par un responsable de quartier du courant du Futur qui a assuré à son correspondant que Baha Hariri a payé chaque émeutier motard la somme de 50.000 livres libanaises pour descendre dans les rues et perpétrer des actes de destruction.
Les deux frères semblent être à couteaux tirés pour le leadership de la communauté sunnite au Liban et surtout la succession politique de leur père Rafic Hariri. Après le martyre de ce dernier en 2004, c’est Saad Hariri qui a pris le relais. Mais depuis quelques mois, le nom de Baha se manifeste de plus en plus au Liban, surtout depuis le lancement du mouvement de contestation le 17 octobre.
Le Liban qui connait sa pire crise économique depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) est en proie à une dépréciation historique de sa monnaie nationale, provoquant une inflation sans précédent.
Le samedi 13 juin, de nouvelles manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions libanaises et ont été émaillées de violences.
Tripoli: 120 blessés
Elles ont été les plus violentes dans la ville septentrionale de Tripoli, où les affrontements entre les manifestants et l’armée libanaise ont fait plus de 120 blessés, selon des bilans distincts de la Croix-Rouge et de services de secours locaux, indique l’AFP.
Les manifestants ont lancé des pierres sur les forces de l’ordre qui ont riposté en tirant des balles en caoutchouc. Il y a eu cinquante blessés dans les deux camps, selon la Croix-Rouge. Des services de secours locaux ont, de leur côté, fait état de 72 blessés supplémentaires, dont 16 soldats, tandis que les heurts ont repris de plus belle en début de soirée avant qu’un calme précaire ne soit instauré.
Les manifestants voulaient entre autre barrer la route à des camions qui transportaient des produits alimentaires pour la Syrie.
D’après la direction des douanes, « ces camions transportaient du sucre et d’autres aliments au profit des Nations unies et de la Croix-Rouge internationale dans le cadre du programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU ».
Le PAM a confirmé l’information dans un communiqué diffusé dans la soirée, disant que 39 camions étaient en partance vers la Syrie pour y apporter de l’aide aux plus démunis.
Les autres manifestations de samedi
A Beyrouth, la manifestation a été plus pacifique le samedi. Selon l’AFP, des dizaines de personnes ont défilé dans le centre-ville, reprenant les slogans du mouvement déclenché le 17 octobre 2019 contre une classe dirigeante quasi-inchangée depuis des décennies et accusée de corruption, de népotisme et de clientélisme.
Des manifestants se sont également rassemblés dans les villes de Saïda et de Kfar Remmane, dans le sud, pour dénoncer la crise économique et conspuer un régime politique jugé caduque.
En début de soirée, une autoroute clé reliant Beyrouth au sud a été coupée par des contestataires en colère.
Deux revendications et les Américains
Les revendications des manifestants ne sont pas les mêmes dans toutes les manifestations. Dans certaines manifestations, il réclament le changement du gouvernement de Hassane Diab à qui on reproche de ne pas avoir pris les mesures radicales pour redresser l’économie et punir la classe politique corrompue, responsable de l’effondrement. Il est lui-même victime des tentatives de renversement de cette classe qui craint aussi bien pour son inculpation que pour la perte de ses privilèges.
D’autres insistent pour la révocation du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé l’accusant de collusion avec cette classe politique et d’avoir provoqué avec ses politiques financières le surendettement du Liban et la dégringolade de la livre libanaise. Son maintien est soutenu par les Etats-Unis qui étaient aussi fermement attaché à la nomination au poste de l’un des quatre vice-gouverneurs de Mohamad Baasiri. Mais ce dernier a été écarté lors des désignations qui ont eu lieu le 10 juin dernier.
Au lendemain, la livre libanaise a repris sa hausse. Indexée sur la devise américaine depuis 1997 au taux fixe de 1.507 livres pour un dollar, la monnaie nationale est en chute libre depuis le début de l’an. Cette semaine sur le marché parallèle, elle a dévissé, frôlant les 6.000 livres et poussant le gouvernement à annoncer l’injection de dollars sur le marché pour faire baisser le taux de change et enrayer l’envolée des prix.
Samedi, le billet vert atteignait les 4.000 livres pour un dollar.
Diab: nous ne nous tairons plus
M. Diab a dénoncé une « manipulation de la livre » et une « campagne orchestrée par des partis connus », qui visent à « soumettre l’Etat et le peuple à un chantage ».
Dans un discours retransmis samedi par les chaînes de télévision, M. Diab a promis une lutte « féroce » contre la corruption et parlé d’un « coup d’Etat contre le soulèvement du 17 octobre » et le gouvernement.
« Non seulement ils ont noyé le pays dans les dettes qui ont causé le déficit que nous vivons, mais ils veulent en plus en imputer la responsabilité à notre gouvernement », a-t-il dénoncé. Avant de conclure: » Nous allons traité les séquelles du passé et nous ne nous tairons plus face au poids de la catastrophe à laquelle ils ont poussé le pays ».
Source: Divers